Il n’y a pas de menace sérieuse sur les 58 réacteurs nucléaires exploités en France. C’est l’assurance exprimée par les dirigeants d’EDF, jeudi 12 mai, lors de l’assemblée générale des actionnaires, réunie à Paris. Fournisseur historique du géant de l’électricité, Areva avait récemment reconnu avoir décelé, au sein de son usine du Creusot (Saône-et-Loire), des « anomalies » dans le suivi de la fabrication de pièces pour les centrales et des falsifications de documents, laissant ainsi planer un sérieux doute sur la sûreté des centrales.

A ce jour, « tant l’analyse d’Areva que celle de nos équipes ne conduisent à identifier un quelconque réacteur du parc en fonctionnement qui devrait être mis à l’arrêt », a indiqué Dominique Minière, directeur exécutif d’EDF chargé du parc nucléaire et thermique. Ces conclusions du fabricant de réacteurs et de son exploitant ont été présentées mardi à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui doit les examiner. Elle seule est en effet habilitée à tirer des conclusions définitives.

A la demande du « gendarme » du nucléaire, les ingénieurs d’Areva NP (filiale réacteurs et services) et d’EDF ont repris 10 000 dossiers du Creusot, dont certains remontent aux années 1960. Ils se sont penchés en priorité sur 65 d’entre eux qui concernaient les centrales en exploitation. L’usine du Creusot, rachetée en 2006 par Areva, ne forgeait pas que des pièces pour le nucléaire, mais, dans ce secteur, il resterait un peu moins de 200 dossiers de moindre urgence à étudier.

Les pièces sont conformes

Même si la solidité et la fiabilité des pièces sont confirmées, ces anomalies dans le processus de contrôle « ne sont pas des pratiques conformes à l’assurance qualité requise dans le nucléaire », a reconnu M. Minière. Chez Areva, on les juge « inacceptables », tout en précisant que la situation s’est fortement améliorée à partir de 2010.

Dès le 4 mai, la ministre de l’environnement et de l’énergie s’était voulue rassurante après la mini-tempête médiatique déclenchée par cet « aveu » d’Areva. « Je peux vous dire, sans anticiper, que les premiers résultats sont bons, c’est-à-dire que les pièces sont conformes. Ce sont les documents qui ont été mal faits », avait déclaré Ségolène Royal sur RTL, tout en invitant à la « prudence » tant que l’ASN ne s’est pas prononcée.

Creusot Forge d’Areva est sous surveillance depuis des mois. Dès sa nomination à la tête d’Areva NP, en septembre 2015, Bernard Fontana avait lancé un audit de cette usine, mais aussi des sites industriels de Châlon-Saint-Marcel (Saône-et-Loire) et Jeumont (Nord). Cette filiale d’Areva est en cours d’acquisition par EDF.

C’est également au Creusot qu’a été forgée la cuve du réacteur EPR de Flamanville (Manche), où une concentration anormale de carbone a été découverte en 2015 sur le fond et le couvercle de la cuve. Ces défauts risquent de réduire la résistance de la chaudière, dont la sûreté doit être totale : c’est là que se produit la fission des atomes et la réaction en chaîne ; et cette pièce de 425 tonnes est la première barrière de confinement de la radioactivité, avant la double enceinte de béton du bâtiment.

Confiance prudente

Pour l’heure, le PDG d’EDF affiche une confiance prudente. « Les premiers résultats que nous avons sont très encourageants, a assuré Jean-Bernard Lévy, jeudi, sur BFM Business. Tous les doutes ne sont pas levés parce que nous devons faire des démonstrations exhaustives sur un programme d’essais très lourd ». « Oui, il y a des endroits où il y a un petit peu plus d’atomes de carbone dans la cuve que ce que nous aurions souhaité », a-t-il ajouté, mais « nous sommes très confiants » sur le fait qu’il n’y a « pas d’effet sur la sûreté ».

Il reste que les premiers tests lancés en 2015 ont montré que les défauts décelés étaient plus importants que prévu. Une fâcheuse découverte qui a contraint les experts d’Areva et d’EDF à se donner jusqu’à la fin de l’année pour faire des examens et des tests complémentaires. Le dossier sera remis à l’ASN « en novembre », a précisé Xavier Ursat, directeur exécutif en charge des projets de nouvelles centrales nucléaires, devant les actionnaires. L’Autorité ne pourra donc se prononcer que dans les premiers mois de 2017.

En attendant, le montage de l’îlot nucléaire de Flamanville avance vite, alors qu’il n’est pas exclu qu’EDF soit obligé de remplacer cette cuve – déjà installée dans le bâtiment réacteur – si l’ASN la juge non-conforme aux normes de sûreté requises. Cela rendrait impossible le démarrage de l’EPR au quatrième trimestre 2018, calendrier confirmé jeudi par EDF. Et alourdirait la facture de l’EPR qui a triplé depuis 2007 pour atteindre 10,5 milliards d’euros.