Le français CFAO se lance dans la construction de centres commerciaux en Afrique
Le français CFAO se lance dans la construction de centres commerciaux en Afrique
Par Morgane Le Cam (contributrice Le Monde Afrique)
Depuis 2015, le groupe connu pour ses offres à destination des professionnels s’est lancé à la conquête des particuliers.
L’enseigne du centre commercial Playce Marcory à Abidjan. | SIA KAMBOU/AFP
A Marcory, commune du sud d’Abidjan, un centre commercial fait parler de lui depuis son ouverture en décembre 2015. Playce Marcory, vaste bâtisse grise ultra-moderne de 20 000 m2, attire un nombre croissant d’Ivoiriens de la classe moyenne, surtout les week-ends, où il faut parfois jouer des coudes pour se frayer un passage dans la galerie marchande de 55 enseignes encerclant l’hypermarché Carrefour.
Le Playce est signé CFAO. Le groupe français, présent en Afrique depuis plus d’un siècle, est connu pour ses activités commerciales à destination des professionnels. Ce centre commercial, le premier de CFAO, marque l’entrée du groupe sur un segment de marché qu’il avait jusqu’alors laissé à ses concurrents : le commerce à destination des particuliers.
« Une course de vitesse »
Cameroun, Congo, Gabon, Ghana, Nigeria, République démocratique du Congo et Sénégal… D’ici 2025, 80 autres espaces commerciaux labellisés Playce devraient ouvrir leurs portes dans ces pays d’Afrique de l’Ouest et centrale. Un choix géographique stratégique. « Ce sont les deux zones où le fossé entre l’offre et la demande de consommation moderne est le plus grand, avec un taux de pénétration de la distribution moderne de l’ordre de 3 % », explique Xavier Desjobert, directeur général de CFAO Retail, affilié à Carrefour en Afrique subsaharienne.
Les futurs espaces Playce compteront tous un magasin Carrefour, le géant de la distribution ayant signé un partenariat avec CFAO en mai 2013. Mais tous ne seront pas aussi grands que le Playce Marcory. Supermarché avec une galerie marchande composée d’une trentaine d’enseignes ou Carrefour de quartier entouré de quelques boutiques sont les deux autres modèles d’espaces commerciaux retenus par CFAO.
« Ils n’ont pas eu la folie des grandeurs, leurs centres commerciaux semblent bien dimensionnés aux marchés locaux. D’un point de vue panafricain, je pense qu’aucun acteur ne sera en mesure de les concurrencer », estime Julien Garcier, directeur général du cabinet Sagaci Research.
Et pourtant, les projets de centres commerciaux ne manquent pas. Selon l’analyste, près de deux cents se préparent en Afrique subsaharienne et viendront s’ajouter aux quelque trois cents centres déjà ouverts, en excluant l’Afrique du Sud. « La bataille des centres commerciaux s’est accélérée ces cinq dernières années et ce n’est qu’un début. Je pense qu’elle va être bénéfique aux consommateurs, car elle va tirer les prix vers le bas », poursuit Julien Garcier.
Des prix plus élevés qu’en France
Pour bousculer la concurrence, CFAO a créé « le club des marques » en novembre 2014. Une brigade d’enseignes internationales sous contrat d’exclusivité qui auront toutes leur place dans les futurs espaces commerciaux Playce. La stratégie consiste à créer un cercle fixe d’enseignes issues de domaines différents et à dupliquer les centres commerciaux rapidement. « Pour pouvoir aller vite, nous sommes lancés dans un modèle que nous voulons le plus réplicable possible. C’est une course de vitesse », affirme Xavier Desjobert.
Le Club de CFAO fédère aujourd’hui une quinzaine de marques telles que Brioche Dorée, La Grande Récré, La Halle, Jeff de Bruges ou encore Beauty Success et devrait encore s’étendre, les discussions avec de nouvelles marques étant en cours. Dans ces boutiques, dont certaines sont déjà implantées au Playce Marcory, les prix seront 15 % plus élevés qu’en France, importation oblige.
Le groupe français Carrefour a, lui, misé sur la production locale pour limiter la hausse des prix sur les produits importés. « En Côte d’Ivoire, nous avons signé près de deux cents contrats avec des fournisseurs locaux que nous formons aux partenariats de la distribution moderne », précise Xavier Desjobert. Un partenariat permettant au français de pratiquer une politique de prix agressive et aux fournisseurs locaux d’accéder aux standards internationaux pour, plus tard, se développer à l’étranger plus facilement.
Pays test du virage stratégique pris par CFAO, la Côte d’Ivoire devrait voir pousser cinq à sept autres espaces commerciaux dans les cinq prochaines années. Un deuxième centre commercial est déjà en construction au nord d’Abidjan, sur la route d’Adjamé, et devrait ouvrir ses portes en 2017.
Cap sur l’e-commerce
Et le laboratoire ivoirien ne s’arrête pas là. Depuis avril, CFAO y teste un nouveau service, en ligne cette fois-ci. Africashop, plateforme de mise en relation des internautes avec les sites d’une dizaine de marques internationales, est la première incursion du groupe français sur le terrain de l’e-commerce.
Aujourd’hui opérationnel en Côte d’Ivoire ainsi qu’au Sénégal, le site devrait s’exporter dans six à huit pays d’Afrique francophone à partir de 2017. Le nombre d’enseignes partenaires, dont Etam, Manoir Coloré et La Redoute, devrait lui aussi grossir. « Nous discutons avec des marques qui pourraient venir compléter notre offre, dans des univers où nous ne sommes pas encore présents comme le jouet, la chaussure ou l’équipement de la maison. Notre ambition est d’offrir le catalogue de produits le plus large possible aux internautes africains », explique Olivier Nguyen Khac, directeur du développement e-commerce chez CFAO, tout en assurant n’avoir pas pour objectif de concurrencer Jumia, surnommé l’« Amazon africain ».
« Africashop, c’est une autre promesse : celle d’offrir aux consommateurs africains l’intégralité des collections de nos marques partenaires », poursuit le directeur. Contrairement au milliard d’euros que CFAO a mis sur la table pour la construction de ses 80 centres commerciaux, Africashop ne représente pas un investissement important. Le site de mise en relation ne dispose pas d’entrepôts sur le continent, contrairement à Jumia. Un avantage économique qui allonge forcément les délais de livraison, qui sont de deux semaines par voie aérienne et d’un mois par voie maritime.
Mais le petit nouveau de l’e-commerce entend jouer sa carte ailleurs. « CFAO a investi pour construire des malls qui ont une capacité d’attraction extrêmement forte. Africashop va en bénéficier en étant présent dans chaque grand centre commercial Playce qui ouvrira », explique Olivier Nguyen Cac. La première boutique Africashop, vitrine du site mais aussi centre de paiement et point relais pour les colis commandés sur le site, a ouvert dans le Playce Marcory d’Abidjan.