Les policiers dans la rue contre la « haine » et pour plus de fermeté
Les policiers dans la rue contre la « haine » et pour plus de fermeté
Par Julia Pascual
Des rassemblements sont prévus mercredi pour dénoncer le climat « anti-flic » et demander plus de moyens contre les « casseurs » lors des manifestations contre la loi travail.
Un affrontement entre des policiers et des manifestants à Lyon, le 17 mai. | LAURENT CIPRIANI/AP
Entre deux journées de mobilisation contre la loi El Khomri, les syndicats de police ont appelé, mercredi 18 mai, à des rassemblements, place de la République à Paris et devant les commissariats, dans d’autres villes en France. L’objectif de cette manifestation est double pour les représentants des forces de l’ordre : il s’agit à la fois de dénoncer la « haine anti-flic » qui fleurit dans les cortèges contre la loi travail. A ce titre, le choix d’un rendez-vous place de la République à Paris, où se tient le mouvement Nuit Debout, est symbolique. Mais l’opération s’adresse aussi aux autorités. Les policiers veulent avoir les coudées franches pour faire face aux « casseurs » et demandent plus de fermeté dans les dispositifs de maintien de l’ordre.
« Il y a une déception de beaucoup de collègues qui ont l’impression d’être mis en cause alors qu’ils sont essentiellement victimes de violences, insiste Philippe Capon, secrétaire général de l’UNSA-Police. Il faut que les gens puissent se rendre compte des casseurs auxquels on est confrontés. » Des groupes organisés qui jettent des boulons gros comme le poing, des boîtes de vis sur lesquelles sont accrochés des pétards, des bombes agricoles, des mortiers… Depuis le début des manifestations contre la loi travail, plus de 300 policiers ont été blessés, d’après le ministère de l’intérieur. « Actuellement, il n’y a pas une manifestation qui ne dégénère pas à Nantes, Paris ou Rennes », appuie M. Capon. Et dans les têtes de cortèges, menées par des militants sans étiquette syndicale, le slogan « Tout le monde déteste la police » est repris en chœur.
Johann Cavallero, de la section CRS du syndicat Alliance-Police nationale, liste pêle-mêle les responsables de ce ressentiment : « Les anarchistes, les zadistes, les réseaux sociaux, la Ligue des droits de l’homme qui a réclamé une enquête parlementaire sur les violences policières, les affiches de la CGT… » La branche Info’com du syndicat (salariés de l’information et de la communication) a publié plusieurs visuels chocs accompagnés de slogans contre la « répression » policière.
« Les collègues sont rincés »
L’incidence de vidéos ou d’images montrant des comportements violents de la part de policiers est vite balayée. « L’accumulation de missions et le suremploi font qu’on a sûrement des fonctionnaires qui ont un discernement moins efficace qu’en temps normal, fait toutefois valoir Grégory Joron, responsable CRS du syndicat Unité-SGP-Police FO. A Paris, certains travaillent plus de vingt heures d’affilée. Aujourd’hui, un CRS va faire quinze jours à Calais, puis une semaine chez lui et trois semaines à Paris. Sans compter les formations aux nouvelles menaces terroristes. Les collègues sont rincés. »
De son côté, Patrice Ribeiro, secrétaire général de Synergie-Officiers, souligne la complexité des opérations de maintien de l’ordre, liée à « la présence de gens qui regardent et traînent autour des casseurs » et qui « sont pris dedans quand il y a des ripostes aux jets de projectiles ».
« C’est difficile pour nous, corrobore un cadre de la police nantaise. Les jeunes évoluent de façon erratique, comme des bancs de poissons. On risque d’être pris de vitesse, les forces sont très en mouvement mais on ne peut pas tout protéger. » Même son de cloche chez un cadre de la police parisienne : « Les dispositifs de maintien de l’ordre sont très compliqués à gérer techniquement. »
Les syndicats croient déceler une certaine fébrilité dans le commandement. « Le problème, indique Alexandre Langlois, de la CGT-Police, c’est que les CRS voient les casseurs s’équiper mais ils n’ont pas ordre d’intervenir. Quand ils finissent par charger, malheureusement, il y a des dommages collatéraux, des gens se font gazer ou prennent des coups de tonfa de façon injuste. » Grégory Joron relève aussi un « problème d’instruction » et un « cafouillage dans les manœuvres ».
« Il y a une crainte atavique d’un drame »
Tous réclament des moyens d’intervention plus lourds et regrettent qu’à Paris, la préfecture de police rechigne à employer des canons à eau ou des lanceurs de balle de défense. Depuis le début du mouvement social, environ 1 300 personnes ont été interpellées et 51 jugées en comparution immédiate et condamnées. « Comme on le fait pour les hooligans, il faut assigner à résidence des gens déjà interpellés dans les manifs », n’hésite cependant pas à enchérir Philippe Capon.
En s’appuyant sur l’état d’urgence pour délivrer ces derniers jours des interdictions de séjour à 53 manifestants, à Paris, Nantes, Toulouse et Rennes, les autorités montrent qu’elles ont reçu le message. Le maintien de l’ordre est une « science éminemment politique », rappelle Patrice Ribeiro : « Au-delà du contexte politique, des échéances électorales, il y a une crainte atavique d’un drame. » Un cadre de la police parisienne évoque un « syndrome Malik Oussekine », l’étudiant mort lors des manifestations de 1986 après avoir été frappé par des policiers. « Il faut éviter qu’il y ait un martyr », assène-t-il.