Marseille Consolat : « On n’a pas la même mentalité que l’OM »
Marseille Consolat : « On n’a pas la même mentalité que l’OM »
Propos recueillis par Yann Bouchez
Deuxième de National malgré son petit budget, le club des quartiers nord de Marseille vise la montée en Ligue 2. Pour Jean-Luc Mingallon, son président, « il y a de quoi faire du football ici ».
Deuxième du National à trois journées de la fin de la saison, le Groupe sportif Consolat, qui reçoit Béziers vendredi 13 mai au soir, joue la montée en Ligue 2. La performance serait historique pour le club des quartiers nord de Marseille, doté d’un des plus petits budgets du championnat. Son président, Jean-Luc Mingallon, a répondu aux questions du Monde.
Il y a une semaine, alors que vous meniez face à Orléans, le chemin vers la Ligue 2 semblait tout tracé, avant un retournement de situation en toute fin de match…
Jean-Luc Mingallon : Pendant un quart d’heure, on était en Ligue 2. Ça y est, je commençais à m’habituer à avoir la grosse tête, tout le monde était obligé de me vouvoyer. Après, je suis vite retourné à la normale. (Rires)
La saison dernière, en 2014-2015, Marseille Consolat a dû lutter jusqu’au printemps pour assurer son maintien. Cette année, vous êtes deuxième et bien placés pour la montée. Comment expliquer un tel changement ?
Quand on est montés en National, il a déjà fallu que l’on connaisse ce monde. Que les arbitres n’aient pas d’idées préconçues. Il y a eu, pendant un moment, un petit peu d’incompréhension. Petit à petit, au bout de huit ou neuf matchs, les gens se sont aperçus qu’on n’était pas des sauvages, mais des joueurs de ballon.
On a un coach qui a fait passer un discours positif. C’était un monde nouveau, on sortait un peu de la préhistoire. Et puis après, c’est un enchaînement de résultats. Tu gagnes à l’extérieur, à la maison, et tu te dis : « Oh merde… » On y a cru.
En 2006, le club accédait au CFA 2, la cinquième division. Cette croissance très rapide vous inquiète-t-elle ?
Non. Tout le monde dit que le National, c’est un championnat où tu es mort-né si tu y restes trop longtemps. Quand tu débutes un championnat, c’est pour monter. A nous maintenant de nous structurer. On est en train de le faire, on est un peu freinés parce qu’on est toujours dans l’indécision [concernant l’accession en Ligue 2]. A chaque fois qu’on est montés, on nous a prédit qu’on allait redescendre, qu’on n’y arriverait pas. Et pourtant, on est toujours montés, on n’a jamais été sanctionnés au niveau de la DNCG [l’autorité financière du football].
On finit l’année sans dette, on joue avec nos armes, la grinta. On va continuer à jouer au ballon, par contre il va falloir qu’on s’améliore énormément au niveau de l’administratif, et on est en train de le faire. On aura les moyens de le faire avec l’argent versé par la Fédération, on n’a pas les moyens pour l’instant parce qu’on est le club le moins subventionné de France à ce niveau.
Quel est votre budget ?
Il est de 800 000 euros pour l’ensemble du club, dont 90 000 euros de subventions de la Ville. Il ne faut pas oublier qu’il y a sept cents gamins derrière, à promener sur tous les terrains de Provence. Il y a un rôle social, avec des minots qui ne paient presque pas la licence. Comme c’est la crise, tu fais l’entrée à 5 euros, pas plus…
Des investisseurs vous ont contactés ?
Oui, on nous contacte tous les jours, mais tout le monde attend le dénouement final. Est-ce que les investisseurs veulent être à cent pour cent dans le club ? Est-ce qu’ils veulent des parts ? Si on garde le caractère social qu’on a dans le quartier, je ne vois pas d’inconvénient à ce que les gens viennent investir dans le club. Maintenant si c’est pour enlever le travail qu’on a fait depuis trente ou quarante ans, on verra… Mais oui, on est beaucoup sollicités. Il faut pour cela monter en Ligue 2, car je ne vois pas de sollicitations si on reste en National.
Le petit stade de la Martine, qui bénéficie d’une dérogation pour le National, ne pourra pas accueillir de rencontre en Ligue 2. Où jouerez-vous la saison prochaine, en cas de montée ?
On a une présignature pour le stade d’Istres et le stade d’Avignon. On a eu des discussions aussi avec la Mairie de Martigues. Mais il ne faut pas oublier qu’on est marseillais et qu’on a envie de jouer à Marseille. Jouer à Istres, à Avignon, à Martigues ou ailleurs, ça pénaliserait nos supporteurs, qui viennent des quartiers nord et n’ont pas trop d’argent. Il faudrait qu’ils mettent de l’argent pour venir nous voir jouer, ce n’est pas possible… On n’arrête pas de dire qu’on veut jouer au Stade Vélodrome, mais on aimerait surtout qu’on nous donne les chiffres pour voir si c’est réalisable ou pas.
Si le Stade Vélodrome, ce n’est pas possible, il y a le stade Delort, juste à côté [mais non homologué pour le football, jusqu’à présent]. Il a coûté 17 millions d’euros pour faire un meeting d’athlétisme par an ! A un moment donné, il faut que tout le monde rentre ses ego, se mette autour d’une table. Le football, c’est le sport roi à Marseille. On peut aussi être un vecteur économique pour la ville. Il faut se dire : « On a fait un petit bijou à 17 millions d’euros, bon allez, on va arrêter les polémiques, on a fait une connerie et on va revenir dessus. »
Ne craignez-vous pas de connaître les déboires de Luzenac, qui avait obtenu son accession en Ligue 2 sur les terrains en 2014, mais qui en a été empêché par les instances sportives ?
Si on monte, que personne ne s’attende à se faire repêcher en Ligue 2 par rapport à Consolat. Je sais que ça parle, à Paris. On nous rapporte des propos de certains qui disent : « Il faut finir 17es (en Ligue 2), Consolat ne montera pas. » Si j’ai un bilan sans dettes, un prévisionnel faisable et un stade, je ne vois pas pourquoi on m’empêcherait de monter. Je ne pense pas que les instances aient envie de refaire un Luzenac. On a été très bien reçus par la Fédération.
Y a-t-il de la place pour deux clubs professionnels à Marseille ? Pourquoi vos relations ne sont-elles pas meilleures avec l’OM ?
Parce que l’OM est dirigé par des incompétents, c’est tout. Ils ne pensent qu’à faire du business. On n’a pas la même mentalité. T’as un mec qui passe plus de temps à se peigner les cheveux qu’à travailler. Ils n’ont aucune ligne de conduite.
Un exemple tout simple : on avait un joueur qui s’appelait (Faïz) Selemani. Niort le voulait à tout prix et nous a proposé 80 000 euros, plus 30 000 s’il se maintient et 15 % à la revente. L’OM le voulait mais sans nous donner un centime. On ne peut pas travailler comme ça. J’ai des responsabilités envers mon club, je ne peux pas faire de cadeaux. Avec la direction actuelle [de l’OM], je pense qu’on ne travaillera jamais ensemble. Ils ne peuvent pas me voir.
Dommage car il y aurait de belles choses à faire, le vivier de footballeurs à Marseille est important…
Oui. On pourrait faire de la formation, faire passer des joueurs par chez nous. On aurait pu travailler main dans la main, les jeunes joueurs auraient pu s’aguerrir chez nous, plutôt qu’à Bourg-Péronnas et compagnie.
Marseille Consolat en Ligue 2, qu’est-ce que cela signifierait pour vous ?
Quand j’ai repris le club, en 1983, j’avais dit qu’on monterait en Ligue 2. Si on monte en Ligue 2, l’histoire s’arrêtera là, et il faudra en écrire une autre pour monter en Ligue 1, et plus si affinités. Il y a de quoi faire du football ici : le public, des passionnés. Et des joueurs provençaux, il y en a des tonnes.