A Turnhout en Belgique. | DIRK WAEM / AFP

Frans Van Houten a une drôle de façon de fêter les anniversaires. Cent vingt-cinq ans presque jour pour jour après la création de Philips, son patron a donné, lundi 16 mai, le coup d’envoi de l’éclatement du groupe néerlandais. Les activités historiques d’éclairage, qui assurent encore 30 % du chiffre d’affaires, vont être introduites en Bourse dès le 27 mai, a-t-il annoncé.

Philips compte mettre en vente de 25 % à 29 % du capital de sa filiale spécialisée. Le groupe espère lever ainsi entre 694 et 970 millions d’euros, ce qui valoriserait la branche éclairage entre 2,8 et 3,4 milliards d’euros. A ce stade, il s’agit de la plus importante entrée en Bourse engagée cette année en Europe.

Ce n’est qu’une première étape. Une fois l’introduction à la Bourse d’Amsterdam menée à bien, l’idée de M. Van Houten est bien de se délester en quelques années de toutes les actions de son ex-filiale.

Un cousin de Karl Marx

Philips rompt ainsi avec une histoire entamée le 15 mai 1891. Ce jour-là, une nouvelle entreprise voit le jour à Eindhoven, une petite ville du sud des Pays-Bas. Une fabrique d’ampoules incandescentes comme il s’en crée de plus en plus en cette période d’effervescence autour de l’électricité, une nouvelle énergie pleine de promesses. A la manœuvre, Gerard Philips, un jeune ingénieur qui a travaillé à Londres chez un des principaux fabricants de matériel électrique de l’époque et veut lancer sa propre affaire. Il a convaincu son père Frederik, un cousin de Karl Marx, d’apporter les fonds.

Les débuts de la compagnie Philips & Co sont laborieux. Face à une rude concurrence, la société accumule les pertes, au point qu’au bout de trois ans, Gerard Philips et son père, découragés, mettent l’affaire en vente. Faute d’offre suffisante, ils décident néanmoins de garder l’entreprise, et de redresser eux-mêmes les comptes.

Le succès sera assez vite au rendez-vous, et Philips deviendra au fil des décennies un colosse de l’industrie européenne. Avec à son catalogue toute une gamme d’ampoules, mais aussi des téléviseurs, des radios, des rasoirs électriques, des disques (Piaf, Brassens, Gainsbourg, etc.), des DVD, du matériel médical, des fers à repasser, etc.

Avec les LED, les ampoules deviennent des produits électroniques qui nécessitent d’autres compétences

Ce n’est qu’au bout de plus d’un siècle que la question de la vente de l’éclairage se pose de nouveau. En cause, la fin annoncée des ampoules classiques et l’arrivée de nouveaux produits, surtout les LED, des diodes électroluminescentes. « Cette technologie ruine le modèle de revenus historique des géants de l’ampoule, fondé sur un renouvellement fréquent », souligne un rapport sur le marché de l’éclairage publié début mai par Xerfi.

Pour Philips, Osram et General Electric, les trois poids lourds qui ont dominé le secteur pendant près de cent ans, tout bascule. Avec les LED, les ampoules deviennent des produits électroniques qui nécessitent d’autres compétences, d’autres processus que ceux qui ont fait la force des fabricants traditionnels. Comme ses grands rivaux, Philips est donc engagé depuis quelques années dans une intense bataille pour tenir le choc, face avant tout aux nouveaux venus chinois.

Guerre des prix

Depuis 2008, le groupe néerlandais a fermé ou vendu plus de la moitié de ses usines d’ampoules. Il compte bien continuer à réduire la voilure afin de comprimer ses coûts, tout en essayant de capter la croissance du marché des LED grâce à la puissance de sa marque.

Mais pour être mieux valorisé auprès des investisseurs, M. Van Houten a jugé plus sage de recentrer le groupe sur la santé, un marché porteur et moins soumis à une guerre des prix permanente. Après avoir cherché en vain un fonds d’investissement ou un industriel prêt à racheter son éclairage, le PDG s’est récemment replié sur une introduction en Bourse, un processus plus long et aléatoire.

Déjà allégé depuis longtemps d’une grande partie de ses diversifications, Philips devrait donc, à terme, vendre essentiellement des échographes, des scanners, des IRM, mais aussi tout ce que la direction appelle des produits de « bien-être », des rasoirs aux brosses à dents électriques en passant par les sèche-cheveux, les aspirateurs et les machines à café.