Athlétisme : la fédération internationale prolonge encore la suspension de la Russie
Athlétisme : la fédération internationale prolonge encore la suspension de la Russie
Par Yann Bouchez, Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante)
La Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) a maintenu, vendredi, la suspension infligée à la Russie en raison de nombreux cas de dopage de ses athlètes.
Le marcheur russe Sergey Kyrdiapkin, aux Jeux de Londres, en 2012. | Ryan Pierse / AP
Accusations de laxisme ou de sévérité excessive, avec le risque de sanctionner des athlètes « propres » ? La fédération internationale d’athlétisme n’avait que des options critiquables devant elle, vendredi 17 juin, pas de « bonne » décision ou de choix « facile » à effectuer. Réunie lors d’un conseil extraordinaire à Vienne, en Autriche, l’IAAF a décidé de prolonger la suspension de la fédération russe d’athlétisme (RUSAF), à moins de deux mois des Jeux de Rio (5-21 août).
« Les résultats du vote des membres du conseil de l’IAAF ont créé une situation sans précédent : les athlètes russes ne pourront pas participer aux XXXIe Jeux olympiques 2016 à Rio », a déploré le ministre des sports russe, Vitaly Moutko, avant même la conférence de presse de l’IAAF sur le sujet.
Pourtant, malgré les déclarations du ministre, bien malin pour l’instant celui qui peut déjà affirmer avec certitude si la perchiste russe Elena Isinbayeva, entre autres, ira à Rio ou non. La double championne olympique et détentrice du record du monde, jamais contrôlée positive au cours de sa carrière, avait affirmé vouloir saisir les tribunaux au cas où l’on voudrait l’empêcher de concourir au Brésil. Mais elle n’aura peut-être pas à utiliser ce recours juridique. Car si l’annonce de l’IAAF assombrit l’horizon olympique des athlètes russes, elle ne le bouche pas définitivement, loin de là.
Dopage institutionnalisé
Le décisionnaire final de la participation ou non des athlètes russes aux Jeux de Rio devrait rester le Comité international olympique (CIO), présidé par l’Allemand Thomas Bach. En effet, l’annonce de l’IAAF concerne les compétitions qu’elle organise. Et le CIO, qui se réunit la semaine prochaine, pourrait bien choisir une autre option : permettre aux athlètes russes « propres » de participer aux Jeux, plutôt que de privilégier une sanction collective qui augurerait un futur casse-tête juridique et une position compliquée à défendre devant les tribunaux.
Vendredi, le Norvégien Rune Andersen, président de la commission spéciale de l’IAAF sur la la Russie, a présenté un rapport pour savoir si la fédération russe d’athlétisme répondait désormais aux critères de l’IAAF. La réponse - ce n’est pas une surprise - fut négative. Les membre du conseil de l’IAAF ont donc logiquement décidé de prolonger la suspension de la fédération russe.
En novembre 2015, la publication d’un rapport de l’Agence mondiale antidopage faisait état d’un dopage institutionnalisé en Russie. L’IAAF avait alors décidé de suspendre la fédération russe. Un an auparavant, fin 2014, c’est un reportage de la chaîne allemande ARD qui avait dévoilé ce dopage systémique, déclenchant l’enquête de l’AMA.
« Progrès insuffisants »
Ces dernières semaines, les feux rouges concernant le dossier russe étaient tous allumés. La chaîne ARD avait à nouveau diffusé un documentaire accablant. Le 13 juin à Montevideo, le directeur de l’AMA, David Howman, avait déclaré : « Les progrès de la Russie sont insuffisants. » Deux jours plus tard, mercredi 15 juin, dans un nouveau rapport, l’AMA dénonçait de nombreux manquements ces derniers mois. Selon l’Agence, du 18 novembre 2015 à fin mai, 736 contrôles antidopage n’auraient pas pu être menés, un chiffre élevé, à comparer avec les 2947 contrôles effectués sur cette période, les contrôleurs antidopage étant soumis à de nombreuses pressions.
Au final, cette annonce de l’IAAF s’apparente surtout à une opération de communication. Ou comment afficher sa fermeté, sans se fâcher totalement avec les Russes. Car le Comité international olympique devrait trancher prochaineent, peut-être mardi prochain, lors d’une réunion. Et il est probable que l’on s’achemine alors vers une participation de certais athlètes russes « popres », malgré la suspension de la fédération russe d’athlétisme.
Poutine : « La responsabilité ne peut être qu’individuelle »
Vendredi, lors du Forum économique internationa de Saint-Pétersbourg, le président Vladimir Poutine a tenu à souligner que « le problème du dopage n’est pas limité à la Russie. Si quelqu’un essaie de politiser cette question, c’est une grande erreur. Le sport, c’est comme la culture, cela sert à rapprocher les peuples. Il ne faut pas essayer de construire une politique anti-russe en utilisant le sport. Au niveau de l’État russe, nous avons toujours combattu le dopage et nous continerons à le faire. » Et M. Poutine d’en conclure : « La responsabilité ne peut être qu’individuelle, on ne peut pas engager la responsabilité collective de tous les athlétes et punir toute l’équipe de Russie. »
En mars, le président Allemand du CIO avait laissé la porte ouverte aux athlètes russes, en déclarant dans une interview au Monde : « La Fédération russe d’athlétisme a commis des fautes, et elle a été suspendue. En ce qui concerne la participation des athlètes, il faut sanctionner tous ceux qui se sont dopés. De l’autre côté, s’il y a des athlètes propres, il faut appliquer la justice individuelle. »
Dans ce dossier, le CIO s’est pour l’instant confortablement retranché derrière la décision de l’IAAF. Une manière habile pour le Comité international de gagner du temps et de ne pas ouvrir d’enquête sur le comité olympique russe, alors que depuis 2014, la Russie était au coeur de forts souçons de dopage systémique. Alors que, auprès des médias, M. Bach martèle sa « tolérance zéro » du dopage - comme dans cette tribune au Monde le 18 mai -, il ne s’est pas expliqué sur ce choix surprenant.