Chine-Europe : vent froid sur Pékin
Chine-Europe : vent froid sur Pékin
LE MONDE ECONOMIE
Pertes & Profits. Alors que les investisseurs chinois affluent dans le Vieux Continent, moins de la moitié des entreprises européennes installées en Chine prévoient de se développer dans le pays, alors qu’elles étaient plus de 80 % à vouloir le faire en 2013
La météo est changeante en cette fin de printemps. Et pas seulement sur le front des orages en Europe du Nord. En matière de commerce international, le régime des vents est aussi en train de s’inverser. Depuis vingt ans, une brise favorable soufflait d’Ouest en Est, apportant vers la Chine son flot d’investissements européens et américains. Les initiatives chinoises en Occident restaient modérées. Le vent a tourné et souffle désormais de Pékin. Alors que les investisseurs chinois multiplient les prises de participations en Europe – Accor et la Compagnie des Alpes en sont les derniers exemples –, les industriels présents de Pékin à Canton commencent, eux, à douter.
Les surcapacités industrielle, le sujet qui fâche
Selon un sondage commandé par la chambre de commerce de l’Union européenne en Chine auprès de ses adhérents, près de 70 % d’entre eux se sentent aujourd’hui moins bienvenus qu’auparavant dans l’empire du Milieu. Ils n’étaient que 63 % à le penser en 2015. Même sentiment du côté des Américains, qui pointent un nouveau climat d’hostilité. 77 % se déclarent pessimistes, alors qu’ils étaient moins de la moitié à l’être en 2015.
De quoi pimenter les discussions actuelles à Pékin entre Américains et Chinois. D’entrée de jeu, le secrétaire au Trésor, Jack Lew, a mis sur le tapis le sujet qui fâche, celui des surcapacités industrielles, principalement de la part des compagnies d’Etat, qui tentent d’écouler leurs surplus à prix cassés sur tous les marchés mondiaux. Comme à son habitude, le gouvernement, qui redoute une explosion sociale provoquée par des faillites en masse, n’entend pas se laisser dicter un quelconque calendrier.
Le ministre des finances, Lou Jiwei, a beau jeu de rappeler que les critiques d’aujourd’hui ont été bien servis par la manne des plans de relance chinois, lancés il y a six ans en réponse à la crise mondiale et conduisant aux surcapacités actuelles. Après le pain blanc, le pain noir. Et celui-ci est d’autant plus acide que la croissance ralentit sérieusement, bien au-delà des chiffres officiels.
Forme de rééquilibrage
En conséquence, moins de la moitié des entreprises européennes installées en Chine prévoient de se développer dans le pays, alors qu’elles étaient plus de 80 % à vouloir le faire en 2013. De plus, comme par hasard, la réglementation se durcit, notamment au nom de la sécurité nationale. C’est le cas dans les technologies de l’information, avec de nouvelles mesures supposées renforcer la cybersécurité, et dans le domaine de la propriété intellectuelle.
Le climat se rafraîchit sérieusement entre l’Est et l’Ouest. Une forme de rééquilibrage s’installe, à la fois dans le sens des investissements entre les deux zones, mais aussi dans les cibles. Pékin s’est fixé des objectifs très ambitieux de montée en gamme, vers les nouvelles technologies et vers les services. Ce n’est pas la fin d’un monde, mais le début d’un nouveau rapport de forces. La mondialisation change de visage.