Inauguré en 2010, le bâtiment futuriste Rolex Learning Center, dotée d’une bibliothèque de 900 places. | Wikimédia

A l’horizon, le lac Léman, surplombé de sommets alpins, puis un champ tout en longueur, et une route que borde l’immense campus de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), à l’ouest de la capitale vaudoise. Un campus aussi bucolique que technologique et en expansion constante. « L’EPFL est passée en vingt ans d’une école d’ingénieurs de province à un établissement classé au 14e rang mondial et au 5e européen », résume Gisou van der Goot, diplômée de Centrale Paris, détentrice d’une thèse à Paris-VI, et doyenne de la faculté des sciences de la vie de l’EPFL.

Des bâtiments ultra-modernes

Inauguré en 2010, le Rolex Learning Center, aux lignes futuristes et douces, ne restera pas longtemps le bâtiment phare du campus, même avec sa bibliothèque de 900 places ouvertes au public. Des Discovery Learning Labs (l’anglais est de mise dans la terminologie locale), laboratoires d’enseignement où les étudiants expérimentent ce qu’ils ont appris en cours, viennent de voir le jour. Un bâtiment en construction promet de devenir l’endroit le plus visité de tout Lausanne : baptisé « Under one Roof », il réunira un espace muséal d’expérimentation, une vitrine des recherches de l’EPFL et un café jazz destiné à « valoriser les archives audiovisuelles du Festival de Montreux », que l’école numérise. On y montrera aussi les avancées du projet européen Human Brain sur le cerveau, auquel l’école participe, ainsi que l’évolution de Venise au fil des siècles, grâce à l’exploitation des big data que constituent les déclarations d’impôts de ses habitants depuis 1797…

En vingt ans, l’EPFL s’est hissée au 14e rang mondial et au 5e rang européen

Comment l’EPFL s’y est-elle prise pour se hisser parmi les plus grandes en vingt ans ? Les dons – celui d’un particulier, de 100 millions de francs suisses, soit 90 millions d’euros, a permis à l’école d’ouvrir un campus biotech à Genève –, le mécénat des riches multinationales suisses, leurs contrats, les programmes européens et surtout une dotation fédérale conséquente (60 % d’un budget de 965 millions de francs suisses) lui permettent, certes, d’investir. Mais les enseignants-chercheurs – au nombre de 379, tous à la tête de leur propre laboratoire – évoquent invariablement le flair et le dynamisme de Patrick Aebischer, président de l’EPFL depuis 2000. Il a notamment réorganisé l’école en cinq facultés autonomes, créé celle des sciences de la vie, développé, au sein du campus, un parc de l’innovation où cohabitent 110 start-up, dont 17 nées l’an passé. Il a par ailleurs convaincu le corps professoral de se lancer dans les MOOC, après une visite à Stanford en 2012. Aujourd’hui, 47 de ces cours en ligne ont dépassé le million d’inscrits sur tous les continents, Afrique comprise, grâce à une stratégie francophone délibérée.

40% d’étudiants français

Pierre Aebischer tirera sa révérence à la fin de l’année, satisfait. Il a atteint son objectif : donner une « taille critique » à l’EPFL. Elle vient de passer le cap des 10 000 étudiants (contre 6 500 en 2005), dont la moitié en licence (enseignée en français), plus de 2 600 en master (en anglais) et 2 000 en thèse. Rançon de son aura, près de la moitié des étudiants de l’EPFL sont étrangers et, parmi eux, 40 % sont français. Alors que ces Hexagonaux venaient autrefois des régions frontalières, ils arrivent maintenant de toute la France.

Si l’EPFL se targue d’être très internationale et vante ses partenariats étrangers (avec l’ENS, Centrale, Supaéro et Polytechnique entre autres), elle veut rester ouverte aux jeunes Helvètes. En conséquence, elle exige des candidats étrangers, depuis 2013, une moyenne d’au moins 16 sur 20 au bac ou son équivalent. Las ! Cette décision a suscité encore davantage de candidatures de non-résidents suisses.

Une exigence très élevée

Pourquoi les bacheliers français choisissent-ils l’EPFL plutôt qu’une école d’ingénieurs nationale ? « Je ne voulais pas faire une prépa et j’avais entendu parler de cette école comme étant la meilleure », répond tout de go Alex Diab, originaire de Chatou (Yvelines), étudiant en L3 de génie mécanique. Louis Merlin, de Versailles, évoque les mêmes ­arguments, mais ajoute que, à sa connaissance, « les écoles d’ingénieurs à prépa intégrée ne proposaient pas, comme l’EPFL, d’étudier en même temps l’informatique, la physique et les maths ». Il redouble sa première année, comme 50 % de ses camarades, tant l’exigence est élevée.

Les parents de ces deux étudiants financent le coût de leurs études. Les frais de scolarité de l’EPFL ne sont pas très élevés (environ 1 000 euros par année), quoiqu’il soit question de les augmenter – mais la vie en Suisse est beaucoup plus chère qu’en France. Louis Merlin ne voit pas d’autres points faibles à son séjour vaudois. Son compatriote de 58 ans Philippe Gillet, nommé en 2010 vice-président chargé des affaires académiques de l’EPFL, après trois ans comme directeur de cabinet de l’ex-ministre de l’enseignement supérieur Valérie Pécresse, salue « l’extraordinaire réactivité » de l’école, en recherche et en pédagogie. Dans ce dernier domaine aussi, l’EPFL ne cesse d’innover.