Droit de préemption du locataire : la Cour de cassation remet les pendules à l’heure
Droit de préemption du locataire : la Cour de cassation remet les pendules à l’heure
Par Aurélie Blondel
Jurisprudence : argent, famille, immobilier… toutes les semaines, nous décryptons les derniers arrêts de la Cour de cassation et leurs conséquences.
Le locataire bénéficie d’un droit de préemption lorsque son propriétaire souhaite vendre le bien. Un droit quasi tout-puissant, a rappelé la Cour de cassation, le 24 mars. | JACQUES DEMARTHON / AFP
Jurisprudence : argent, famille, immobilier… toutes les semaines, nous décryptons les derniers arrêts de la Cour de cassation et leurs conséquences.
- De la toute-puissance du droit de préemption du locataire
Si votre propriétaire vous demande de quitter votre logement parce qu’il veut le vendre, vous disposez d’un droit de préemption : c’est-à-dire que vous être prioritaire pour le racheter, à moins que le propriétaire cède son bien à un parent. Un droit quasi tout-puissant, a rappelé la Cour de cassation le 24 mars. Vous ne pouvez y renoncer et votre propriétaire ne peut donner la priorité à un tiers.
Les faits remontent à 2011, quand Mme Z décide de vendre un bien immobilier dans un village des Landes. Une maison, avec des bâtiments annexes, un terrain, une cour et un jardin, loués depuis vingt ans à Mme Y. Elle souhaite vendre le tout inoccupé, pour en obtenir un meilleur prix.
Elle suit la procédure : Mme Z donne congé à Mme Y et lui propose de jouir de son droit de préemption ; ce que sa locataire accepte. Les deux femmes signent alors un compromis de vente.
Rebondissement quelques semaines plus tard : Mme Z refuse de signer l’acte authentique de vente. Notre propriétaire est en effet dans une situation complexe. En 2008, elle avait déjà vendu la maison voisine, et avait promis à cet acheteur, M. A, de lui donner la priorité quand elle vendrait cette seconde propriété.
Là voilà donc coincée entre deux « priorités » : le droit de préemption légal de sa locataire, et une priorité contractuelle qu’elle a accordée à M. A dans une clause du compromis de vente de 2008, via un « pacte de préférence ».
D’un côté, M. A. demande à Mme Z de respecter ce pacte de préférence, de l’autre Mme Y l’assigne en justice pour l’obliger à conclure la vente avec elle. En première instance, comme en appel et en cassation, c’est Mme Y qui obtient gain de cause : le droit légal de préemption prime sur le pacte de préférence.
Et ce, même si Mme Y avait apparemment renoncé à son droit de préemption. Le compromis de vente signé en 2011 stipulait certes que la vente serait annulée si un bénéficiaire d’un pacte de préférence se manifestait, mais cette clause a été jugée non valable : on ne peut renoncer à son droit de préemption.
Par ailleurs, M. A. demandait 100 000 euros de dommages et intérêts à Mme Z, estimant qu’elle n’avait pas respecté son engagement envers lui. Rappelons que Mme Z aurait en effet pu choisir de vendre son bien à M. A. occupé plutôt que libre, et que, dans ce cas, Mme Y n’aurait pas eu son mot à dire…
- Chèque de banque : c’est à vous de gérer le montant crédité
Quand vous faites émettre un chèque de banque, veillez à garder l’argent sur votre compte jusqu’à ce qu’il soit prélevé. Les mésaventures de Pascal F viennent nous le rappeler…
Ce client de la Banque postale se trouvait, fin 2009, en redressement judiciaire et ne pouvait se voir délivrer de chéquier. Il avait alors obtenu quatre chèques de banque, qu’il comptait utiliser pour rembourser des créanciers. Montant total : 11 757 euros.
Lors de l’émission des chèques, la banque s’est assurée qu’il disposait de cette somme sur son livret A. Mais plus tard, quand elle a voulu la prélever, celle-ci n’était plus disponible, Pascal F avait effectué des retraits entre-temps. Résultat : il n’a pu rembourser son dû et la banque l’a assigné en justice.
Pour sa défense, le client a invoqué un manquement de la banque à son « devoir de vigilance et de prudence ». A ses yeux, elle aurait dû bloquer les 11 757 euros pour l’empêcher de les dépenser, d’autant qu’elle connaissait sa situation délicate.
A trois reprises – en première instance, en appel et, fin mars, en cassation – la justice a renvoyé Pascal F « dans ses buts ». Il se devait de disposer des montants avancés par la banque. Celle-ci n’était pas tenue de bloquer la somme et n’avait pas à interdire des retraits à son client. Pascal F se voit condamné à rembourser à la Banque les 11 757 euros, plus les intérêts.
« Attention, rappelle Guillaume Pierre, avocat au barreau de Paris, l’argent n’est pas bloqué pour un chèque de banque. Il n’est bloqué concomitamment sur votre compte que dans le cas d’un chèque “certifié”. »
Pour résumer : pour un chèque de banque, c’est la banque qui verse l’argent au destinataire, puis le récupère sur le compte du client, mais la somme n’est pas bloquée. Si la provision est insuffisante quand le chèque est présenté, le titulaire du compte devra combler le découvert. Pour un chèque certifié, la banque atteste de la provision du compte et bloque la somme huit jours au profit du bénéficiaire.