Duchamp, la veuve et MSF : drôle de trio pour un nu
Duchamp, la veuve et MSF : drôle de trio pour un nu
LE MONDE ECONOMIE
Une des rares toiles de l’artiste, classée trésor national est mise en vente le 6 juin chez Artcurial, par Médecins sans frontières.
C’est un legs rare et très appréciable pour Médecins sans frontières. Lundi 6 juin, Artcurial met aux enchères pour le compte de l’association humanitaire une toile de Marcel Duchamp (1887-1968). Connu comme artiste aux multiples talents, plasticien, peintre et homme de lettres, « il existe en revanche peu de toiles, tout au plus une soixantaine de lui », note Bruno Jaubert, directeur du département impressionniste et moderne de la maison de vente aux enchères. Et il y en a encore moins dans des mains privées, tout au plus une dizaine dans le monde.
C’est Julie Fawcus, décédée en décembre 2014, veuve de l’éditeur d’art Arnold Fawcus, qui a décidé de ce legs historique. Le couple vivait en France. « Elle connaissait l’action de Médecins sans frontières et nous avait fait part de son intention », précise Annie-Nelly Scain, responsable des legs et donations.
Entre 500 000 et 700 000 euros
La toile cédée n’est pas n’importe laquelle. Elle est composée à l’hiver 1910-1911, au moment où l’artiste a une liaison avec le mannequin Jeanne Serre. De cette union naîtra le seul enfant de Marcel Duchamp, Yvonne Serre, qui deviendra peintre à son tour, sous le nom de Yo Sermayer, et qu’il reconnaîtra tardivement.
C’est la rareté de ce tableau qui a poussé l’Etat français à le classer trésor national en 2016, c’est qui implique que le tableau n’a pas le droit de quitter la France. Du coup, d’1 million à 1,5 million d’euros, son estimation est redescendue entre 500 000 et 700 000 euros. L’acquisition d’un trésor national par un particulier ou une entreprise permet toutefois, dans certaines conditions, des déductions fiscales.
Malgré ce revers de fortune, pas question pour MSF de conserver le tableau. Ses règles de gouvernance l’obligent à vendre les biens qui lui sont légués, car sa vocation n’est pas d’entretenir un patrimoine.
Avant de s’appeler Nu sur nu, car on y voit le corps d’une femme nue, debout, qui recouvre le corps d’une autre femme nue placée perpendiculairement à la première, la toile s’appelait Femme aux cheveux verts. Pour certains, cette superposition des plans évoque les thèmes de l’enfantement et du mystère féminin. Le changement de nom pourrait être lié à la découverte de sa paternité tardive par Marcel Duchamp. Arnold Fawcus était un ami de Marcel Duchamp et c’est de ce témoignage que MSF devrait grandement bénéficier.