Elections américaines : les (douze) travaux de Donald Trump
Elections américaines : les (douze) travaux de Donald Trump
Le Monde.fr avec AFP et Reuters
Donald Trump, qui talonne quand il ne dépasse pas Hillary Clinton dans les sondages, se sent pousser des ailes alors que la démocrate n’en a pas fini avec les primaires.
Pour sa campagne, Donald Trump compte s’adresser aux hommes blancs et peu diplomés dans les zones industrielles sinistrées. | ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP
L’affiche de la campagne présidentielle américaine est connue et une question se pose : Donald Trump peut-il gagner face à Hillary Clinton et devenir le 45e président des Etats-Unis ?
Une série de sondages nationaux a donné l’impression d’un resserrement de l’écart au profit du candidat républicain.
- 18 Etats démocrates
Le magnat de l’immobilier entre dans la course avec un désavantage certain. Depuis l’élection de Bill Clinton, en 1992, 18 Etats ont voté constamment démocrate : la Californie (55 grands électeurs au collège électoral), le Connecticut (7), le Delaware (3), le District of Columbia (3) – D.C. ne fait pas partie des 50 Etats de l’Union –, Hawaï (4), l’Illinois (20), le Maine (4), le Maryland (10), le Massachusetts (11), le Michigan (16), le Minnesota (10), le New Jersey (14), New York (29), l’Oregon (7), la Pennsylvanie (20), Rhode Island (4), le Vermont (3), l’Etat de Washington (12) et le Wisconsin (10). Ces Etats représentent 242 des 270 votes du collège électoral nécessaires pour être élu président.
- 12 Etats républicains
Sur la base des élections depuis 1992, le candidat républicain part à la bataille avec un butin plus maigre. Seuls l’Alabama (9 grands électeurs au collège électoral), l’Alaska (3), le Kansas (6), l’Idaho (4), le Mississippi (6), le Nebraska (5), le Dakota du Nord (3), l’Oklahoma (7), la Caroline du Sud (9), le Dakota du Sud (3), le Texas (38), l’Utah (6) et le Wyoming (3) ont voté constamment républicain depuis 1992. Ils ne représentent que 102 votes du collège électoral.
En novembre 2015, le commentateur politique George Will expliquait sur Fox News que si le ou la candidate démocrate parvenait à conserver les 18 Etats « démocrates » dans le camp « démocrate », il ne lui manquerait que 28 voix au collège électoral, ce qui est tout à fait jouable.
- Les Latinos « remontés » contre Trump
Dans nombre d’Etats charnières, ceux qu’on appelle les swing states, la tâche du candidat républicain ne sera pas aisée, constate le New York Times.
En Floride (mais cela est vrai dans des Etats comme le Colorado ou le Nevada), les propos de Donald Trump à l’égard du clan Bush (que l’électorat cubain a toujours soutenu), de Marco Rubio, du rapprochement avec Cuba mais surtout vis-à-vis de l’immigration hispanique, ont laissé des traces. Tomás Regalado, le maire de Miami, Carlos A. Giménez, le maire du comté de Miami-Dade, Ileana Ros-Lehtinen et Carlos Curbelo, deux élus républicains du Congrès, ont dit qu’ils ne soutiendraient pas Trump.
Au début du mois de mai, un sondage de l’université de Quinnipiac indiquait qu’à six mois de l’élection, en Floride, Hillary Clinton remporterait 43 % des suffrages contre 42 % pour Donald Trump. Mais Hillary Clinton fait mieux que Donald Trump chez les femmes et les minorités. « La faiblesse des républicains chez les électeurs issus de minorités est bien connue. Mais la raison pour laquelle cette course est si serrée vient de la faiblesse historique de Clinton chez les hommes blancs », relevait ce sondage. En 2012, Barack Obama a remporté les comtés de Floride les plus peuplés (région de Miami-Dade, Fort-Lauderdale, Palm Beach, Olrando et Tampa).
Pour la première fois depuis 1996 (réélection de Bill Clinton), l’élection de 2016 pourrait voir l’Arizona (remporté par Romney en 2012) basculer dans le camp démocrate. | Ralph Freso / AFP
Pour la première fois depuis 1996 (réélection de Bill Clinton), l’élection de 2016 pourrait voir l’Arizona (remporté par Romney en 2012) basculer dans le camp démocrate. Les électeurs hispaniques, qui représentent 22 % du corps électoral, peuvent légitimement se sentir outragés par la campagne de Donald Trump ou de l’un de ses partisans, le shérif Joe Arpaio, comté de Maricopa (Phoenix), connu pour ses rafles massives d’immigrés clandestins et les conditions de détention particulièrement sévères qu’il impose aux détenus de sa juridiction.
- Les Etats du Sud en question
Avec son handicap dans les Etats où la population latino est élevée, Donald Trump va devoir reporter ses efforts ailleurs, vers les Etats du Sud. Mais il semble d’ores et déjà obligé de faire une croix sur la Virginie, où l’affaire s’annonce compliquée : Barack Obama y a gagné en 2008 et 2012.
En Caroline du Nord, qui vote traditionnellement pour les républicains, les chances du magnat de l’immobilier sont meilleures. Mitt Romney y a gagné en 2012, alors que John McCain y avait perdu en 2008. Mais les centres urbains de Charlotte et le triangle de la recherche constitué par les villes de Raleigh, Durham et Chapel Hill ne penchent pas vers les républicains ou les démocrates mais vers le… centre, les électeurs « non enregistrés ». Mais la guerre des toilettes (texte adopté fin février qui oblige les usagers à utiliser les toilettes correspondant à leur « sexe biologique »), lancée par le gouverneur Pat McCrory, pourrait agir comme un épouvantail pour les électeurs indécis, modérés ou « non enregistrés ».
- Opportunités dans la « Rust belt »
Les Etats industriels de la Rust Belt (la « ceinture de la rouille », ancienne zone industrielle qui court de la Pennsylvanie, à la Virginie-Occidentale, l’Ohio, l’Indiana, le Michigan, l’Illinois et le Wisconsin) représentent la meilleure chance de conquête de Donald Trump. Ses discours sur l’immigration et les délocalisations séduisent l’électorat.
Mais tous ces Etats ne sont pas logés à la même enseigne : en 2012, Barack Obama a remporté l’Ohio de peu, alors que le Michigan l’a largement plébiscité. En Pennsylvanie, le discours de Donald Trump séduit les cols-bleus, traditionnellement démocrates, et irrite les cols blancs, traditionnellement républicains, mais qui se laisseraient bien tenter par le vote démocrate, comme le note The Atlantic.
En Pennsylvanie, Donald Trump devra séduire les cols bleus, traditionnellement démocrates, sans s’aliéner les cols blancs, traditionnellement républicains | JEFF SWENSEN / AFP
- Le piège du vote de classe
Mais, prévient le Cook Political Report, une newsletter spécialisée sur les élections et les campagnes électorales aux Etats-Unis, l’électorat qui a donné la victoire à Trump lors des primaires n’est pas celui de l’élection de novembre : le milliardaire a été porté par un électorat essentiellement blanc (à 90 %) et masculin.
Cette note constate qu’à rebours du « rapport d’autopsie » (au format PDF) de l’échec de l’élection de 2012, perdue par Mitt Romney – qui prévoyait une refondation du GOP en s’adressant aux femmes, aux jeunes et aux « non-Blancs » – la campagne de Donald Trump compte s’adresser aux hommes blancs et peu diplômés dans les zones industrielles sinistrées.
Mais ce réservoir d’électeurs est en déclin depuis 1980, alors que la proportion d’électeurs et d’électrices diplômés, favorables aux démocrates, est en expansion.