Google a recruté près de 70 fonctionnaires européens en dix ans pour son lobbying
Google a recruté près de 70 fonctionnaires européens en dix ans pour son lobbying
Par Alexis Orsini
Une étude indépendante met en lumière le recrutement opéré par Google chez les fonctionnaires de l’administration française pour son service de lobbying.
Selon le site Google Transparency Project, Google a recruté 8 fonctionnaires de l’administration française au sein de son service de lobbying. | DADO RUVIC / REUTERS
Engagé dans un bras de fer juridique avec la Commission européenne depuis 2010, qui le soupçonne d’abus de position dominante, Google recrute depuis plusieurs années de nombreux lobbyistes en Europe pour construire sa défense, montre la dernière étude publiée par le site Google Transparency Project. Le groupe de recherche américain, qui entend dénoncer le manque de transparence de la firme, révèle en effet qu’elle a recruté 65 fonctionnaires de l’administration dans toute l’Europe depuis 2005. Majoritairement au Royaume-Uni, avec 26 recrues en onze ans.
La France n’est pas en reste avec 8 fonctionnaires débauchés dans des domaines variés : de la télécommunication aux médias en passant par le ministère de l’industrie et le Parlement, Google ratisse large. Parmi les recrues françaises les plus récentes, on trouve Ludovic Peran, qui a rejoint le service lobbying de l’entreprise (officiellement intitulé « politique publique et affaires gouvernementales ») en janvier 2016 et y décrit ses activités en trois mots sur LinkedIn : « Beaucoup de choses… » Son ancien poste d’assistant parlementaire l’a notamment amené à développer, entre 2013 et 2015, un « réseau d’activistes numériques dotés d’une conscience politique ».
3,5 millions d’euros par an dépensés en lobbying à Bruxelles
L’ancien fonctionnaire français présent depuis le plus longtemps dans l’entreprise américaine est Olivier Esper, qui a travaillé pendant quatre ans au sein de l’Autorité de régulation des communications avant de rejoindre Google en 2006. Un profil particulièrement intéressant en raison de ses nombreux contacts chez les opérateurs de télécommunication, comme Le Monde l’expliquait en 2012.
Au-delà de la France, Google a surtout augmenté considérablement son budget lobbying à Bruxelles au fil des années : de 600 000 euros en 2011, il a franchi le million et demi d’euros en 2013 avant de grimper jusqu’à 3,5 millions l’année suivante. Un bond qui lui a permis de figurer à la sixième place des entreprises les plus dépensières de 2014 en termes de lobbying européen. Derrière Microsoft, à 4,5 millions, mais loin devant Facebook, qui dépense en moyenne 800 000 euros chaque année. L’effectif officiellement consacré au lobbying est en tout cas équivalent dans les deux entreprises : 6 personnes pour Facebook, 9 pour Google.
« Les ministres sont fascinés par Google »
Pour la députée travailliste britannique Margaret Hodge, interviewée dans le Guardian, les recrutements au sein de l’administration font partie intégrante de la stratégie de développement de l’entreprise : « Google entretient volontairement cette culture et je ne doute pas qu’il est stratégiquement important, à leurs yeux, d’être aussi proche que possible du gouvernement. » D’autant qu’elle a l’impression que « les ministres sont fascinés par Google ». La reconversion de certains employés de Google au sein d’administrations de l’Union européenne est également pointée du doigt par Google Transparency Project, qui en dénombre 15 dans toute l’Union européenne. C’est notamment le cas de Julien Pace, un employé français de la firme devenu conseiller parlementaire au Sénat en 2008.
Des allers-retours problématiques alors que Google fait l’objet d’une enquête de la Commission européenne, qui soupçonne l’entreprise d’abus de position dominante dans le secteur du mobile. L’entreprise pourrait se voir infliger une amende allant jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires concerné – celui d’Android – soit 7 milliards de dollars.