Khaled remporte sa bataille judiciaire mais la paternité de « Didi » reste floue
Khaled remporte sa bataille judiciaire mais la paternité de « Didi » reste floue
Par Youssef Ait Akdim (contributeur Le Monde Afrique)
L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 mai est un coup de théâtre heureux pour le « roi du raï », qui avait été condamné pour plagiat en première instance.
Cheb Khaled à Rabat en mai 2012. | AFP/FADEL SENNA
Le chanteur algérien Khaled a remporté vendredi 13 mais une manche décisive dans la bataille judiciaire qui l’oppose depuis des années à son compatriote Rabbah Zerradine, aussi connu sous son nom d’artiste Cheb Rabbah. Ce dernier accusait le « roi du raï » de contrefaçon pour la composition du tube international « Didi », revendiquant la paternité d’une chanson similaire intitulée « Eli Kan » sortie avant le titre de Khaled. Il a finalement été débouté par la Cour d’appel de Paris.
« “Didi” est connue dans le monde entier. Je l’ai portée avec toute ma force et ce n’est pas un inconnu qui va salir ma carrière », s’indignait mardi la star algérienne dans El Watan. Lancé comme un single de l’album éponyme Khaled (1992), le titre « Didi » est resté pendant vingt semaines en haut des hit-parades français. Un immense succès qui a lancé la carrière internationale de l’artiste oranais, avant même “Aïcha” (1996), écrite par Jean-Jacques Goldman.
Cheb Khaled - Didi (Original)
Durée : 05:04
Après avoir revendiqué par voie de presse la paternité de « Didi », Cheb Rabbah avait fait assigner en contrefaçon d’auteur, en juin 2013, à la fois Khaled, ses éditeurs Bertelsmann Music Group et EMI (Universal) et la Société des auteurs-compositeurs et les éditeurs de musique. Cheb Rabbah se trouvant en France en situation irrégulière, l’affaire avait traîné. Le tribunal de grande instance de Paris lui avait finalement donné raison en avril 2015, soulignant, suite à une expertise, d’importantes similitudes entre « Didi » et la chanson « Eli Kan ».
Le même jugement précisait surtout qu’« un faisceau d’éléments confirm[aient] l’antériorité » d’« Eli Kan » sur la base de la cassette produite par Rabbah Zerradine, de documents de l’Office national des droits d’auteur et droits voisins – la SACEM algérienne – accréditant l’exploitation commerciale d’une cassette audio enregistrée à Oran, dès décembre 1988. En première instance, Khaled et son éditeur BMG ont donc été condamnés, solidairement, à verser à Cheb Rabbah les droits auteurs postérieurs à juin 2003 (ce qui correspond aux dix ans de prescription antérieurs à son assignation), et au paiement de 200 000 euros d’indemnités de réparation.
Des similitudes avérées
L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 mai infirme cette décision de première instance sur le fond. « Aucun élément précis et concordant ne permet de conférer une date certaine à l’œuvre revendiquée (…) de sorte que Monsieur Zerradine échoue à démontrer l’antériorité de cette œuvre sur celle de Cheb Khaled, sujet d’un dépôt le 3 mars 1992 et d’une exploitation à compter de cette date », indique l’arrêt. La cour d’appel, par contre, ne revient pas sur la similitude entre les deux œuvres. Pour l’avocat de Rabbah Zerradine, Me Jean-Marie Guilloux, « la justice ne répond donc pas à la question de la contrefaçon d’“Eli Kane” par “Didi” et ne veut pas y répondre ».
Afin de prouver la contrefaçon, il faut en effet constater à la fois la similitude et l’antériorité. « Nous avons été sincèrement surpris, car nous pensons avoir démontré l’antériorité de l’œuvre de Cheb Rabbah », poursuit Me Guilloux. De son côté, Cheb Khaled ne conteste pas la similitude entre les deux œuvres et ce n’est qu’en appel, qu’il a produit une cassette de « Didi » remontant selon lui à 1988. L’avocat du plaignant dit réfléchir à un pourvoi en cassation.
Reste une question : si Khaled revendique la paternité de son tube planétaire, pourquoi n’a-t-il jamais dénoncé une contrefaçon de la part de Cheb Rabbah ? Dans les arguments qu’elle présente, la société BMG se désolidarise d’ailleurs du chanteur, en précisant « qu’elle se réserve le droit de [lui] réclamer, dans le cadre de la procédure qui les oppose par ailleurs, l’indemnisation de son propre préjudice du fait de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, du fait de sa fausse déclaration sur la titularité des droits sur l’œuvre “Didi”. »
Au Maroc, pays dont Khaled a récemment obtenu la nationalité, « Didi » est aussi une expression enfantine pour dire « bobo » ou « aïe ». Une petite musique que Khaled n’a visiblement pas fini d’entonner.