« Les Sous-doués », de Claude Zidi  (1980). | Rue des Archives / Collection CSF

Certains ont eu leur bac dans une pochette-surprise, d’autres l’auront peut-être grâce à leur montre connectée. Version 2017 de l’antisèche glissée dans la manche, ce concentré de technologie serait un objet de choix pour résoudre des équations en ayant l’air de compter les minutes. Montres, calculatrices, smartphones… Tous font l’objet de la vigilance accrue des organisateurs et des surveillants d’examen.

Depuis 2012, toutes les académies sont ainsi équipées de détecteurs de téléphones portables. Vincent Goudet, directeur du service interacadémique des examens et concours (Siec, qui réunit les trois académies franciliennes de Paris, Versailles et Créteil), explique : « Ceux-ci sont disposés aléatoirement dans nos lycées et tournent entre les épreuves. Le simple fait d’avoir un téléphone portable sur soi, même éteint, est considéré comme une tentative de fraude et, chaque année, on attrape des candidats grâce à ce dispositif. »

Trente fiches bristol dans le caleçon

Si la méthode change, la triche est aussi vieille que l’examen. Le sourire aux lèvres, Vincent Goudet se souvient ainsi de quelques candidats téméraires en Ile-de-France parmi lesquels « un jeune homme avec trente fiches bristol format A4 glissées dans son caleçon. Il a expliqué les avoir simplement oubliées ».

Interrogés sur Lemonde.fr, d’anciens tricheurs se remémorent avec une certaine tendresse leurs stratagèmes tordus pour éviter de se retrouver seuls face à leur copie. « Interne dans mon lycée, centre d’examen, je prétextais avoir oublié quelque chose dans une pièce pour que le surveillant de l’internat me donne la clé, raconte ainsi Léo. De là, je pouvais discrètement accéder à la salle où se déroulerait mon examen et glisser à ma place les brouillons sur lesquels j’avais inscrit des antisèches. »

« Je n’ai jamais ressenti un tel stress. » Arthur, candidat en 2015

Sensation de pouvoir, adrénaline : la triche attire par son côté interdit. Souvent, pourtant, c’est bien moins simple qu’il n’y paraît, comme en témoignent des bacheliers fraudeurs repentis. « Je redoutais l’épreuve de philosophie, raconte Jérôme, candidat en 1988. J’étais incapable de me souvenir des citations d’auteurs. J’ai donc recopié une centaine de citations prises dans le dictionnaire sur un long bout de papier. Le jour J, j’ai glissé le tout dans ma poche. Pendant l’épreuve, j’ai demandé à aller aux toilettes pour pouvoir la consulter. Quand je suis revenu, j’ai repris mon stylo et… rien. Mon cerveau avait totalement oublié ce que je venais de lire, sans doute trop préoccupé par ma tricherie. J’ai rendu un devoir sans aucune référence. »

Candidat il y a deux ans, Arthur a lui aussi changé de discours : « Tricher au bac, c’est différent de tricher à un contrôle. Je n’ai jamais ressenti un tel stress. Le moindre grincement de chaise me faisait sursauter. Quand j’y repense, c’était complètement stupide. D’autant que j’ai été puni puisque, même en trichant, j’ai raté mon bac au rattrapage. »

Les conséquences peuvent être plus graves. La commission de discipline du baccalauréat, seule autorisée à statuer sur les cas de fraudes, peut ainsi prononcer des sanctions allant du blâme à l’interdiction pendant cinq ans de se présenter au bac, voire même à tout examen. Dans les cas les plus graves, « la fraude est passible de trois ans d’emprisonnement et de 9 000 euros d’amende », rappelle Vincent Goudet.

Faux et usages de faux

C’est ce à quoi a échappé Audrey. Candidate en série Sciences technologiques et tertiaires (aujourd’hui Sciences et technologies du management et de la gestion ou STMG), la jeune femme devait apporter à l’oral un dossier signé par une de ses professeurs. « Je l’ai fini en retard donc elle ne l’a jamais vu. Mais venir à l’examen avec un dossier non signé, c’était être noté sur 8 et non plus sur 20. J’ai donc volé le tampon de l’établissement et imité sa signature. Le jour de l’oral, mon jury avait une lettre de ma professeure les prévenant qu’elle n’avait jamais vu mon dossier. Surpris, ils ont voulu procéder à des vérifications. J’ai paniqué et j’ai tout avoué. » Poursuivie devant un tribunal pour faux et usage de faux, elle a été condamnée à un an d’interdiction de passer le baccalauréat avec sursis. Son relevé de notes invalidé, elle a dû repasser l’examen dans un autre établissement l’année d’après. Aujourd’hui, elle s’en mord les doigts.

« Tricher au baccalauréat, c’est grave et cela porte atteinte à la qualité des diplômes », confirme Vincent Goudet. A la session 2016, 911 suspicions de fraude ont été recensées et plus de la moitié d’entre elles ont été suivies de sanctions. Il est donc essentiel de faire un rappel à l’ordre avant l’examen, comme l’explique Virginie Pradès, professeure de sciences de la vie et de la Terre (SVT) au lycée Montesquieu de Libourne (Gironde) et surveillante des épreuves du baccalauréat depuis huit ans : « Nous avons le règlement que nous devons connaître et lire aux élèves avant le début des épreuves. Ils savent ce qu’ils risquent. » Avis donc aux amateurs. Qu’ils essayent plutôt de faire comme Woody Allen : « J’ai été expulsé du lycée pou r avoir triché dans un examen de métaphysique ; je lisais dans les pensées de mon voisin. »

La triche pour les nuls

La mémoire dans la peau

L’antisèche papier, c’est dépassé. L’académie de Marseille a connu un candidat téméraire en 2004. Pour son épreuve de physique-chimie, celui-ci est arrivé avec les formules tatouées sur son avant-bras. Manque de chance, il s’est fait prendre. Un souvenir qui n’est pas près de s’effacer.

Tout sur ma mère

En 2013, une jeune fille de 19 ans est convoquée à son épreuve écrite d’anglais dans un lycée parisien. Mais le jour J, c’est sa mère, 52 ans, qui se présente à sa place. Le stratagème sera toutefois démasqué par la surveillante qui contrôle les pièces d’identité.

M le maudit

Outre-Rhin, un étudiant a eu l’idée d’invoquer la liberté d’information pour demander un accès aux sujets de l’Abitur (l’équivalent du bac) avant l’examen en 2015. Le jeune homme a ensuite confessé avoir surtout fait cela par humour, conscient que sa demande serait refusée par les autorités de son Land.