« La dynamique de l’emploi en France est robuste »
« La dynamique de l’emploi en France est robuste »
Propos recueillis par Audrey Tonnelier
Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis AM, décrypte la forte croissance de l’emploi salarié annoncé jeudi par l’Insee : 159 600 postes créés sur un an à la fin mars 2015.
L’industrie reste à la traîne : l’emploi a continué d’y reculer au premier trimestre sur trois mois, avec 8 400 postes supprimés | PHILIPPE HUGUEN / AFP
L’économie française a créé 159 600 postes (solde net) dans les secteurs marchands non agricoles sur les douze mois à fin mars, soit un plus haut depuis le début de 2008, selon les données publiées jeudi 9 juin par l’Insee. Quel sens faut-il donner à ces chiffres, l’analyse de Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis AM.
L’Insee a annoncé une nette hausse de l’emploi marchand en France au premier trimestre 2016 sur un an, + 1 %, soit la plus forte progression depuis la crise financière. Encore une illustration du « ça va mieux » de François Hollande ?
Oui, l’amélioration du nombre d’emplois marchands dans le privé non agricole est un bon signal pour l’économie française. C’est un indicateur important, d’autant que les chiffres ont été révisés à la hausse par l’Insee après une première estimation plus conservatrice. Par rapport au quatrième trimestre 2015, l’emploi tertiaire hors intérim a augmenté de 47 900 postes (+ 0,4 %) et la hausse est visible dans tous les sous-secteurs des services. Le secteur de la construction se redresse aussi légèrement (+ 800 emplois). La dynamique collective n’est pas spectaculaire, mais elle est robuste, quand on ajoute à cette amélioration des emplois marchands les bons indicateurs macroéconomiques des dernières semaines : la hausse plus forte que prévu du PIB au premier trimestre (+ 0,6 %), la dynamique d’investissement, la consommation qui tient bien… et la meilleure santé des autres économies européennes, qui devrait venir encore renforcer ce cercle vertueux.
C’est donc le signe que l’économie, notamment dans le secteur des entreprises, repart enfin de l’avant en France ?
Les taux d’intérêt bas, en raison de la politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne (BCE), la baisse passée de l’euro et celle qu’a connu le baril de pétrole ont provoqué un choc externe favorable. Ce dernier a, à son tour, facilité le choc interne de politique économique. Les mesures du gouvernement – CICE, mesure fiscale de suramortissement – ont notamment joué sur la reprise de l’investissement des entreprises, qui a fortement accéléré au premier trimestre [+ 2,4 %, selon l’Insee]. Les chefs d’entreprise se disent aujourd’hui “je sais un peu mieux où je vais, mes marges financières sont meilleures, l’horizon économique est en train de se dégager”.
On peut donc enfin espérer une reprise durable ?
Oui, même si la croissance du PIB, qui devrait atteindre 1,5 % cette année, n’ira sans doute pas beaucoup plus haut pour le moment. Pour cela, il faudrait avoir davantage d’investissement à moyen terme, et pouvoir desserrer les contraintes qui pèsent sur l’économie française, notamment en augmentant l’investissement public.
L’industrie reste à la traîne : l’emploi a continué d’y reculer au premier trimestre sur trois mois, avec 8 400 postes supprimés (– 0,3 %). Comment y remédier ?
En France, il faut comprendre qu’on ne reviendra pas à la situation de l’industrie telle qu’elle était il y a vingt ans et essayer de compenser cela par la montée en puissance des services. Même si elles doivent beaucoup à la désindustrialisation à l’œuvre depuis des années, les difficultés de l’industrie ne sont d’ailleurs pas une spécificité française : dans de nombreux pays, le niveau de production industrielle est encore inférieur à celui de 2008. Aux Etats-Unis aussi, l’emploi manufacturier recule. C’est la conséquence d’une croissance plus lente que par le passé, avec un commerce international en berne, notamment pour les biens manufacturés.