L’association Thot ouvre à Paris une école de français pour les migrants
L’association Thot ouvre à Paris une école de français pour les migrants
Par Clémentine Billé
Quarante réfugiés et demandeurs d’asile sans diplôme suivent depuis lundi des cours préparant au diplôme d’études en langue française.
Ambiance rentrée des classes samedi 11 juin à l’espace Volumes, petit coin de bureaux partagés dans le 19e arrondissement de Paris. A deux pas des Buttes-Chaumont, les élèves ont sorti leur nouveau stylo-bille. Tous sont très attentifs. Mais pour cette présentation, il y aura un traducteur en arabe, un autre en farsi et un troisième en pachtou. Les élèves ont entre 17 ans et 55 ans. Et ce sont des migrants. La toute nouvelle association Thot inaugure sa formation pour apprendre le français, avec un diplôme à la clé.
L’idée d’une telle école est née en octobre, après l’évacuation du lycée Jean-Quarré, dans le 19e arrondissement de Paris, où s’étaient installés des dizaines de migrants. Judith Aquien et Héloïse Nio y étaient bénévoles. Avec cette expérience, un constat : il n’y a que trop peu de formations pour apprendre le français aux réfugiés et demandeurs d’asile non diplômés. Après neuf mois de gestation et la récolte de plus de 65 000 euros via la plate-forme de financement participatif Ulule, elles lancent, avec Jennifer Leblond, leur première session de cours.
Reconnu internationalement
Les 40 élèves, des réfugiés et demandeurs d’asile, sont syriens, afghans, tchadiens et soudanais. Seize semaines de cours intensifs les attendent, avec des horaires qui leurs laissent le temps d’accomplir leurs démarches administratives. Aucun diplôme n’est requis. De nombreuses universités et institutions, à l’instar de la Sorbonne ou de l’Ecole normale supérieure (ENS), enseignent le français. Mais il est nécessaire d’avoir au minimum l’équivalent d’un baccalauréat pour intégrer ces lieux d’enseignements supérieur. Thot est également l’une des seules à préparer au diplôme d’études en langue française (DELF), reconnu internationalement.
« Je suis super-émue », confie Judith Aquien, le teint mat et le visage souriant sous sa grande chevelure brune. Elle ajoute : « Certains sont venus repérer les lieux hier, d’autres sont arrivés une heure et demie en avance. » Ils sont investis. Ils savent que cette chance n’est pas offerte à beaucoup. Pour le « recrutement », Thot a demandé aux associations de terrain de présenter la formation aux migrants dans les camps. « Nous avons arrêté les inscriptions après 60 candidatures, afin de ne pas frustrer trop de personnes », précise-t-elle. Ils sont désormais 40, répartis en quatre classes selon leur niveau de français et leur langue maternelle.
Huit heures de cours hebdomadaires sont dispensées à partir de lundi 13 juin par des professeurs spécialisés en français langue étrangère (FLE). « Ils sont les seuls à être rémunérés », indique Imaad Ali, le directeur pédagogique, l’un des seuls hommes de l’association. Il ajoute : « Il fallait les payer pour prétendre au meilleur enseignement, et au plus haut investissement. »
« Thot répond à un grand vide »
Caroline – qui tient à garder l’anonymat – est l’une des grandes donatrices : elle a participé à hauteur de 100 euros. Invitée pour l’occasion, cette quadragénaire a vécu avec un demandeur d’asile il y a six ans. « J’ai pu voir que la seule chose à faire en attendant des papiers, c’est attendre », raconte-t-elle. Selon elle, « ils ne peuvent pas travailler, alors autant les aider à apprendre la langue pendant ce temps-là ! »
Une multitude de bénévoles s’investit déjà. Certains sont tuteurs et accompagneront des révisions deux heures par semaine. D’autres assureront des ateliers créatifs et des sorties culturelles. L’un d’eux, Quentin Hirsinger, tente les premières communications avec les migrants qui prennent connaissance de leur emploi du temps et du programme. Il ne parle ni arabe ni anglais. Pour lui, « Thot répond à un grand vide : l’intégration de ces personnes dans leur pays d’accueil ».
Une intégration culturelle mais aussi professionnelle, grâce à Caroline Dias. Surnommée « le bulldozer » par Judith Aquien malgré sa silhouette toute menue, elle est « profileuse ». Elle accompagnera les élèves pour comprendre vers quels secteurs les orienter. Pas question de les lâcher après la formation : ils auront un diplôme, et un travail. C’est ainsi que Kamila Sefta, l’une des professeurs, termine son discours par un volontariste : « Nous allons travailler, vous allez réussir. »