Le business de la Seine prend l’eau
Le business de la Seine prend l’eau
Par Cécile Prudhomme
Déjà pénalisés par les attentats, les péniches bar-restaurant amarrées sur les quais de Seine et le secteur du tourisme fluvial sont durement touchés par la crue.
Les quais de Seine innondes, sur l'île Saint-Louis, près de Notre Dame, dans le centre de Paris. Crue de la Seine. | DENIS ALLARD / REA pour « Le Monde »
Habituellement en cette saison, l’activité bat son plein et leurs terrasses sont noires de monde, accueillant touristes et jeunes actifs parisiens après leur travail un verre à la main. Depuis deux jours, les péniches bar-restaurant amarrées sur les quais de la Seine sont fermées… et inondées. Après la vague de froid, qui avait déjà découragé une partie de leur clientèle, elles doivent affronter la plus importante crue depuis plus de trente ans.
Amarré sur la rive gauche des berges, à deux pas des Invalides, le Flow et ses infrastructures prometteuses de chiffre d’affaires (salle de concert de 600 places, restaurant, bar avec terrasse en plein air sur le toit) venait d’être inauguré, le 11 mai. Ce nouveau lieu des nuits parisiennes s’apprêtait à accueillir un concert de la chanteuse française Juliette Armanet, le 7 juin, avant celui de Philippe Katerine, les 26 et 29, qui avait fait salle comble en mai. Le concept de fêtes Ma Terrazza animées par des DJ, prévues du 31 mai jusqu’au 5 juin, a dû être reporté à la rentrée. Leur téléphone, saturé d’appels, n’enregistre même plus de message.
Pour continuer à faire vivre l’attachement de cette communauté de fêtards, les péniches branchées postent des photos et des vidéos sur leur page Facebook, donnant de leurs nouvelles avec humour. « On est actuellement les pieds dans le Flow », explique la péniche du même nom. « FERMÉ jusqu’à nouvel ordre », fait savoir le Rosa Bonheur sur Seine, situé au pied du pont Alexandre-III, vidéos d’évacuation du mobilier à la clé.
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Toute l’activité économique de la Seine fragilisée
Au-delà de ces hauts lieux de festivités nocturnes, c’est toute l’activité économique de la Seine, déjà fragilisée l’an passé après les attentats, qui est aujourd’hui pénalisée par l’interdiction depuis mardi 1er juin de navigation émise systématiquement par la préfecture de police au-delà de 4,30 mètres de hauteur. En tant normal, le fleuve est fréquenté par plus de 8 millions de personnes par an. En 2015, le secteur du tourisme fluvial en Ile-de-France a réalisé un chiffre d’affaires de 168,88 millions d’euros (en hausse de 2,89 % par rapport à 2014), selon les données qui seront publiés en septembre par Haropa-Ports de Paris (le GIE qui gère les ports de Paris) en partenariat avec le CAF (Comité des armateurs fluviaux), VNF (Voies navigables de France) et le CRT Ile-de-France (comité régional de tourisme).
En 2015, la Seine était utilisée par 58 entreprises effectuant des promenades avec ou sans restauration sur 133 bateaux, comme la Compagnie des Bateaux-Mouches, les Bateaux parisiens, les Vedettes du pont Neuf, et 13 compagnies à la tête de 21 bateaux réalisant des croisières de plus longue distance. A cela s’ajoute une soixantaine d’établissements à quai proposant des loisirs (bar, restaurants…) sur Paris.
En 2015, l’activité de croisière promenade en Ile-de-France a reculé de 0,28 %, avec 7,93 millions de passagers. Une baisse qui pourrait être liée, selon cet observatoire du tourisme fluvial en Ile-de-France, au contexte actuel post-attentats. La majorité des acteurs du secteur témoignent d’un ralentissement de leur activité en fin d’année, relève-t-il. Plus précisément, la promenade simple (– 1,6 % de passagers sur un an) et la promenade avec restauration (– 1,3 %) ont souffert en 2015, tandis que la privatisation événementielle a connu une hausse significative en nombre de passagers de l’ordre de 20 % après plusieurs années de baisse. De son côté, la croisière avec hébergement sur la Seine a enregistré 88 655 passagers (soit + 8,53 % par rapport à 2014). Mais les taux de remplissage ont été plus faibles chez les compagnies que l’année précédente, a constaté l’observatoire, expliquant également le phénomène par l’effet des attentats.
Sur la Seine, tout est donc à l’arrêt depuis plusieurs jours, rendant l’équation économique encore plus complexe pour les sociétés, entre les charges de personnel et les redevances au titre des conventions d’occupation temporaire des péniches amarrées, qui sont fonction de la longueur du bateau et de son emplacement dans Paris.
Il n’y a presque que chez Franprix, l’enseigne de supermarchés du groupe Casino, qui utilise depuis septembre 2012 le transport fluvial pour livrer 80 magasins dans Paris, où l’on assure que l’interdiction de navigation n’a « aucun surcoût économique ». Les camions poursuivant leur route dans Paris au lieu de décharger leurs marchandises au port de Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne).