Le patron du Louvre mobilise le G7 pour sauver le patrimoine en péril
Le patron du Louvre mobilise le G7 pour sauver le patrimoine en péril
Par Florence Evin
Jean-Luc Martinez a appelé, jeudi, les chefs d’Etat réunis au Japon à « passer de l’émotion à l’action ».
Le directeur du musée du Louvre, Jean-Luc Martinez, lors de l’inauguration du musée La Boverie, à Liege, le 4 mai 2016. | JOHN THYS / AFP
Jeudi 26 mai, Jean-Luc Martinez, PDG du musée du Louvre, est intervenu au G7 qui se tient au Japon, à Ise-Shima, durant deux jours. A l’invitation du premier ministre japonais et à la demande de François Hollande, le président du musée de Louvre s’est adressé aux chefs d’Etat du G7, Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume Uni, Italie et Canada, afin de mobiliser la communauté internationale à la sauvegarde du patrimoine en péril, notamment en Irak, en Syrie, en Lybie, au Yémen.
« Palmyre est maintenant libérée. Cependant, des centaines d’autres sites continuent d’être occupés, pillés, détruits. Le temps est venu de passer de l’émotion à l’action, de la dispersion à la coalition », a plaidé M. Martinez. Rappelant que le G7 est une plateforme politique et médiatique, une caisse de résonance, il a appelé « les Etats à prendre leurs responsabilités. Au-delà des polémiques, la question est aussi de savoir comment on mobilise les moyens. Un fonds de dotation international pourrait être créé, suggère-t-il, pour collecter fonds publics et privés sous l’égide de l’Unesco ».
Etablir une « liste noire des paradis du recel »
Le patron du Louvre demande une action concertée de tous les Etats pour améliorer la traçabilité des œuvres d’art, afin de lutter contre les pillages et les fouilles sauvages alimentant le trafic illicite des biens culturels. Trafic qui a explosé, notamment en Syrie où, en trois ans, les pillages auraient progressé de 500 % sur le quart des 1200 sites archéologiques du pays. « Il faut élaborer une liste noire des paradis du recel et mieux contrôler les ports francs », plaide-t-il, ainsi qu’obtenir « une harmonisation et une simplification de la réglementation européenne en matière de circulation des biens culturels ».
Des propositions, parmi les 50 mesures, indique M. Martinez, qui figurent dans le rapport qu’il a remis à François Hollande et qui fut présenté, le 17 novembre 2015, par le président francais à l’Unesco. La mise en œuvre de ces mesures réglementaires pourrait être confiée à l’Unesco. Encore faudrait-il que les Etats les ratifient et les intègrent dans leur législation pour qu’elles soient appliquées. Rappelons que la convention Unidroit, élaborée par L’Unesco en 1995, n’a jusqu’alors été approuvée que par 35 Etats sur les 195 membres que compte l’organisation onusienne. Les leaders du marché de l’art, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, ne l’ont toujours pas ratifiée. Unidroit pose pourtant un principe simple : « Le possesseur d’un bien volé doit le restituer. »
Une conférence sur la protection du patrimoine au Louvre Abou Dhabi
Le président du Louvre a indiqué aux leaders du G7 que le modèle du Comité de coordination pour la sauvegarde du site d’Angkor (CIC-Angkor) de l’Unesco, créé en 1993 sous la co-présidence de la France et du Japon, pour la restauration des temples de l’ancien empire khmer (IX-XVe sc.), fonctionne efficacement. Et cela depuis vingt-trois ans, dans une vaste mobilisation internationale, scientifique et financière, comme cela avait été fait pour le sauvetage d’Abou Simbel en Egypte dans les années 1960. Un même dispositif pourrait initier un programme « Renaissance du patrimoine des pays en conflit », avance-t-il.
M. Martinez a par ailleurs annoncé la tenue d’une Conférence internationale sur la protection du patrimoine en danger, à l’occasion de l’inauguration du Louvre Abou Dhabi, en décembre 2016. Il y serait question de la restauration de Palmyre. « Les débats sont nécessaires, dit-il, toutes les instances internationales doivent y participer. » L’Etat français, jusque là silencieux, indique ainsi que, lui aussi, est concerné par le patrimoine syrien en péril. Avant 2011, une vingtaine de missions françaises étaient sur le terrain, en Syrie, perpétuant une tradition centenaire, notamment à Mari, vaste cité du troisième millénaire avant notre ère, berceau de notre civilisation, aujourd’hui pillée et saccagée par l’organisation Etat islamique qui en a fait ses quartiers.