L’emploi des seniors devrait s’améliorer
L’emploi des seniors devrait s’améliorer
Par Anne Rodier
Une note du Conseil d’analyse économique analyse l’impact des politiques publiques sur l’emploi des seniors et fait six recommandations pour une fin de carrière mieux choisie.
L’emploi des seniors pourrait se porter mieux. C’est le message de la dernière note du Conseil d’analyse économique (CAE) publiée le 31 mai, et développé par Pierre Cahuc, Corinne Prost et Jean-Olivier Hairault, qui proposent six recommandations pour améliorer la situation.
Les chercheurs du CREST et de Paris-1 en rappellent l’enjeu : « la création de richesse » qui est actuellement réduite par la faiblesse du taux d’emploi des seniors, de 10 points inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE, à 47 % contre 57 % pour les 55-64 ans.
Afin de savoir comment redresser le taux d’emploi des seniors, les chercheurs ont analysé les évolutions parallèles du taux d’emploi des plus de 55 ans et des politiques publiques de l’emploi et de la retraite. Ils ont ainsi démontré un impact considérable des réformes sur l’emploi des seniors.
Taux d’emploi des seniors et de l’ensemble des personnes en âge de travailler, de 1975 à 2014.
Premier bilan. Depuis 1975, le taux d’emploi a amorcé une longue chute jusqu’à la fin des années 1990, entraînée par trois changements : la mise en place de dispositifs de préretraite pour les 60-64 ans, l’abaissement de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans en 1983 et la création, l’année suivante, d’une dispense de recherche d’emploi pour les seniors au chômage, qui entretient ce que les économistes qualifient de « préretraite Unedic », à savoir l’indemnisation des chômeurs seniors jusqu’à leur retraite.
La chute du taux d’emploi est alors beaucoup plus forte pour les plus âgés. Le taux d’emploi des 60-64 ans a en effet perdu « près de 30 points entre 1975 et le milieu des années 1990 » et celui des 55-59 ans « plus de 10 points au début des années 1980 ». Cette dernière baisse s’explique par le fait que les 55-59 ont bénéficié des dispositifs de préretraites, dès lors que l’âge légal de départ à la retraite a été ramené à 60 ans.
Deuxième bilan. L’État, ayant constaté que ce retrait des seniors du marché du travail n’améliorait ni la situation des jeunes ni la courbe du chômage, a changé son fusil d’épaule, expliquent-ils en substance. A partir du milieu des années 1990, des réformes successives ont été adoptées pour durcir les conditions de départ à la retraite (hausse du nombre de trimestres de cotisation exigé, modulation du calcul du salaire de référence, décote, recul de l’âge légal du départ à la retraite, restriction de l’accès à la retraite anticipée et enfin indexation des retraites sur les prix et non plus sur les salaires).
Résultat : une forte hausse du taux d’emploi des seniors a commencé à partir de 2000. La tranche d’âge des 55-59 ans a ainsi vu son taux d’emploi s’envoler de 56 % à 68 % entre 2007 et 2014 et pour les plus âgés, les 60-64 ans, il est passé de 15 % à 25 %. En contraignant l’accès à la retraite, les politiques publiques ont donc bien renforcé l’emploi des seniors.
La première raison pour laquelle le taux d’emploi des seniors baisse entre 55 et 59 ans étant toujours le départ à la retraite pour 42,36 % d’entre eux (26,47 % de cette baisse correspond à de l’inactivité indéterminée, 18,23 % de préretraites et d’invalidité, et 12,94 % de situation de chômage), on pourrait supposer que plus les seniors partent tard, meilleur serait leur taux d’emploi. L’âge moyen de liquidation devant passer progressivement de 61 à 64 ans d’ici à 2040, selon les calculs du Conseil d’orientation des retraites, les économistes en concluent que « le taux d’emploi des 60-64 ans pourrait alors dépasser 50 % ».
Baisse cumulée du taux d’emploi de 55 à 60 ans.
Les recommandations de ces trois économistes pour que cette promesse d’emploi devienne réalité s’appuient sur le postulat que « l’emploi des seniors doit résulter du choix de chacun entre revenu et temps de loisir ». « La santé n’est, en moyenne, pas un frein à l’accroissement de leur emploi » écrivent-ils.
Six propositions
Les économistes Pierre Cahuc, Corinne Prost et Jean-Olivier Hairault proposent donc :
– De faire mieux connaître les différents dispositifs de retraite choisie : décote et surcote, retraite progressive, cumul emploi-retraite. Rendre le cumul emploi-retraite générateur de droits nouveaux à la retraite.
– D’harmoniser les règles définissant l’accumulation des droits par rapport au taux plein. D’organiser la concertation pour une réforme vers un régime à points.
– De mettre en place un plan spécifique d’accompagnement et de formation pour les chômeurs de plus de 50 ans, « pour répondre à la plus grande difficulté des seniors à retrouver un emploi ».
– De ramener la durée d’assurance pour les plus de 50 ans à 2 ans maximum. « La générosité de l’indemnisation chômage devrait décroître (..) avec l’âge, car les jeunes disposent d’une épargne moindre (...), ce qui les incite à chercher un emploi plus activement », justifient-ils.
– De supprimer l’extension de la période d’indemnisation à partir de l’âge légal jusqu’à l’âge de la retraite à taux plein.
– Et enfin, d’instituer un système de bonus-malus pour les cotisations employeur d’assurance chômage.
Car s’il leur paraît « souhaitable » pour « favoriser la retraite choisie » de « faire en sorte que l’assurance-chômage ne biaise pas prématurément les choix en faveur du retrait de l’emploi », ils jugent aussi « souhaitable d’instituer un mécanisme qui incite les entreprises à prendre en compte le coût induit » par leur stratégie de gestion des effectifs.
Quelle que soit l’évolution réelle de l’emploi des seniors, cette étude a le mérite de souligner, d’une part que les stratégies de gestion d’effectif des entreprises par le départ des seniors pénalise le produit intérieur brut et la soutenabilité de la couverture sociale et, d’autre part, que la progression remarquable des années 2000 a été obtenue par la convergence des politiques de retraite et de cessation anticipée d’activité en faveur de l’emploi des seniors.