Plongée à 360 degrés dans le dessin animé
Plongée à 360 degrés dans le dessin animé
Par Noémie Luciani (Annecy)
Au Festival du film d’animation d’Annecy, on a pu expérimenter de tout son corps le visionnage d’un film en réalité virtuelle.
Le novice franchissant les portes de la petite salle de création cachée derrière le centre culturel de Bonlieu, cœur battant du Festival international du film d’animation d’Annecy, qui a lieu jusqu’au 18 juin, observait cette semaine un curieux spectacle : une poignée de festivaliers de tous âges, debout ou sur des chaises pivotantes et le visage mangé par un énorme casque (voire une boîte en carton contenant un téléphone portable), dodelinant de la tête, tendant les bras, tournant sur eux-mêmes avec la vivacité d’une meute de zombies à l’heure de la sieste.
C’est dans cet antre que l’édition 2016 du festival invitait cette année à faire l’expérience de la VR : Virtual Reality, ou réalité virtuelle. L’assemblage des deux mots ne va pas de soi – on lui prédit un bel avenir dans les cours de philosophie. Au sens le plus simple, il s’agit, selon Thierry Barbier, directeur de production chez Axyz images,d’un film « en narration linéaire, mais dont le point de vue n’est pas figé ». En mettant le casque et en tournant la tête, on peut observer l’environnement du film à 360 degrés.
Invasion! Sneak Peek 360
Durée : 04:05
C’est le cas d’Invasion !, pétillante variation sur le thème de la guerre des mondes à hauteur de lapin et première expérience VR des jeunes Baobab Studios, ou encore de Pearl, présenté par l’application de Google Spotlight Stories, qui invitait, le temps d’une chanson sur le siège passager d’une voiture, à voir défiler la vie d’une petite fille et de son père. Deux expériences représentatives d’une appréhension de la VR comme « machine à empathie », selon l’expression enthousiaste de Kane Lee, producteur exécutif d’Invasion ! : le spectateur se trouve au centre de l’action, libre d’orienter son regard. Pour le résumer en termes cinématographiques : la caméra, c’est moi.
360 Google Spotlight Story: Pearl
Durée : 05:39
Illusion de liberté
Plus naïf et exubérant graphiquement que Pearl, Rain or Shine, second film présenté par Spotlight Stories, cache derrière l’apparente légèreté d’un récit facétieux (la promenade d’une fillette sur laquelle la pluie s’abat dès qu’elle met ses lunettes de soleil) une avancée considérable dans l’interactivité, autre potentiel fort de la technologie : l’histoire « attend » pour se dérouler que l’on revienne braquer son regard sur la protagoniste – et a donc une durée variable.
Google Spotlight Stories: Rain Or Shine Trailer
Durée : 00:31
Il ne s’agit pas tant d’offrir un monde ouvert (il faudrait animer à l’infini pour couvrir l’infinité des trajectoires) que de donner l’illusion d’une liberté somme toute relative – illusion nourrie d’un certain nombre de tours de passe-passe, comme limiter l’animation des personnages secondaires pour qu’ils semblent vivants mais pas intéressants au point de détourner l’attention du protagoniste.
Au cours du développement, raconte le réalisateur Felix Massie, il avait été envisagé que ce soit le regard du spectateur qui oriente le nuage de pluie. L’option a été abandonnée, mais révèle les affinités que la technique entretient avec le jeu vidéo, comme la balade Nevro Blues, de la société Happy IP, difficile de savoir où s’arrête le film et où commence le jeu. La question était posée déjà depuis longtemps par l’intégration dans les jeux de séquences animées réduisant le joueur à la passivité, le temps de « faire avancer » le récit indépendamment de ses initiatives.
C’est d’ailleurs dans le jeu vidéo que la VR trouve à l’heure actuelle son application la plus évidente. Un casque sur la tête, la main crispée sur une manette en plastique que l’on « voit » sous les apparences d’un pistolet, un simple jeu de tir pour enfants, nouveau développement d’un joli projet pédagogique et interactif suisse (Les Voyages fantastiques de Téo et Léonie, de Kenzan Studios), devient enthousiasmant. Le cinéma en VR, en revanche, a encore à s’inventer un modèle économique viable. Pour l’heure, il a fait dans la plupart des cas le pari de la gratuité et s’offre sur smartphone, dans l’espoir de fidéliser une clientèle qui, exception faite des gamers plus vite gagnés à la cause, se demande encore si c’est de l’art ou du cochon.
Le Festival international du film d’animation d’Annecy se tient du 13 au 18 juin 2016.