Pour élever leurs enfants, les pères s’inspirent de plus en plus de leurs mères
Pour élever leurs enfants, les pères s’inspirent de plus en plus de leurs mères
Par Gaëlle Dupont
Une étude publiée, jeudi 16 juin, par l’Union nationale des associations familiales témoigne de nouvelles aspirations paternelles.
Le temps des « nouveaux pères » est-il arrivé ? Une enquête publiée par l’Union nationale des associations familiales (UNAF), jeudi 16 juin, témoigne en tout cas d’une évolution des représentations et des attentes paternelles. Des questionnaires ont été envoyés dans 48 départements à des familles bénéficiant d’aides des caisses d’allocations familiales (CAF). Quelque 11 000 pères d’enfants âgés de 4 à 20 ans ont participé. « Le taux de retour, de 11 %, est élevé, relève Marie-Andrée Blanc, la présidente de l’UNAF. Jamais personne ne s’inquiète du rôle des pères et de leur perception. Nous voulions aller à leur rencontre. »
Les résultats signalent un changement dans les mentalités : ces pères ne veulent pas être comme ceux d’hier. Seuls 14 % des hommes interrogés déclarent élever leurs enfants comme leur propre père, contre 48 % de manière « plutôt différente » et 38 % de manière « totalement différente ». « Ils disent être plus à l’écoute, dialoguer davantage, être plus proches de leurs enfants, plus affectifs, s’impliquer davantage dans leur scolarité que leur père ne l’avait fait avec eux », relève l’étude. Leur propre père était « peu ou pas impliqué » (60 % des réponses).
Ils sont nombreux (45 %) à s’inspirer d’autres personnes dans leur propre exercice de la paternité. Les pères citent le plus souvent leur mère (43 %), puis leur conjointe (20 %). Sans pour autant les imiter puisque la plupart disent agir de façon « différente » de la mère avec leurs enfants (55 %).
Manque de temps
L’idéal du « bon père » a changé. Invités à s’exprimer sur ce sujet, ces hommes évoquent un père « présent, à l’écoute, qui offre un cadre sécurisant où les enfants peuvent s’épanouir », ou encore un père « attentif et attentionné ». « L’autorité », « fixer des limites », « donner un cadre », « transmettre des valeurs », sont valorisés au même titre.
Renversement total par rapport à l’époque où la puissance paternelle dominait (avant 1970) : ces hommes ressentent en majorité (56 %) que la société considère leur rôle comme « moins important que celui la mère », contre 42 % qui estiment qu’elle le juge aussi important, et 1 % plus important.
Reflet de ce sentiment, ainsi que du succès médiatique des mouvements de pères séparés, ils considèrent à 54 % que la justice familiale avantage les mères en cas de rupture, bien que les juges ne fassent dans la très grande majorité des cas qu’entériner les choix des époux eux-mêmes.
Malgré une volonté déclarée de s’impliquer, les enquêtes statistiques montrent que les femmes continuent à consacrer deux fois plus de temps aux enfants que les hommes. Les pères interrogés par l’UNAF disent, à 47 %, manquer de temps pour s’occuper de leur progéniture, en premier lieu à cause de leur travail.
« Je suis plus de 10 heures par jour sur mon lieu de travail sans compter la route et les bouchons » ; « Je suis absent les midis et pour cause professionnelle un week-end sur deux » ; « horaires de travail difficiles », témoignent-ils.
Division sexuée des tâches
Leur participation aux tâches augmente les jours où ils ne travaillent pas. Mais toujours selon une division sexuée : ils prennent part aux loisirs ou accompagnent les enfants à des activités, tandis que les mères s’occupent des repas, du coucher et du suivi médical.
La grande majorité (84 %) déclare pourtant ne pas avoir de difficultés pour réaliser les tâches parentales. Le suivi de la scolarité, le coucher et le contrôle du sommeil sont celles qui leur posent le plus de difficultés. « Plus la durée d’absence du domicile est longue, plus la part des pères déclarant que leur conjointe est plus à l’aise qu’eux avec les enfants augmente », relève l’UNAF.
Mais contrairement aux femmes, ils envisagent très rarement de travailler moins pour se rendre disponibles. « On peut se demander dans quelle mesure cet impensé est un héritage de la division traditionnelle des rôles, où le père joue le rôle de principal apporteur de ressources, la conséquence de résistances des employeurs, d’une autocensure ou d’un comportement “rationnel” face des inégalités salariales qui restent majoritaires entre hommes et femmes au sein des couples », interroge l’étude.
La contrainte professionnelle ne pèse pas de la même manière selon les catégories sociales. Cadres et indépendants souffrent d’horaires lourds mais bénéficient d’une certaine souplesse d’organisation, tandis que les ouvriers et employés font moins d’heures mais pâtissent de contraintes rigides.
L’UNAF relève que l’implication des pères semble, conformément à d’autres études, plus élevée chez les cadres et professions intermédiaires, en raison de facteurs culturels mais aussi économiques, notamment la capacité à sous-traiter certaines tâches domestiques quand on en a les moyens.