Sony à gauche, Zelda à droite, et des queues partout : bienvenue à l’E3. | KEVORK DJANSEZIAN / AFP

Combien ? Quatre heures, murmure-t-on dans le hall Sud. Au moins trois, croit-on savoir dans le hall Ouest. Après l’ouverture officielle de l’Electronic Entertainment Expo (E3), les rumeurs s’emballent autour du nombre d’heures d’attente pour pouvoir toucher à Zelda : Breath of the Wild, dont les premières minutes sont jouables pour la première fois.

Dans les couloirs d’un salon un peu moins fréquenté que d’habitude, on se rend rapidement à l’évidence : l’envie de jouer au nouveau Zelda est inversement proportionnelle au succès de la présentation de Nintendo, dans la matinée du mardi 14 juin (en fin d’après-midi, en France), qui avait endormi à peu près tout le monde pendant 45 interminables minutes consacrées à Pokémon Soleil et Lune. Le nouveau Zelda est annoncé depuis trois ans, il bénéficie de toute la puissance d’une Wii U dépassée, et a abandonné toute tentative de photoréalisme pour en appeler au fan de Princesse Mononoke qui sommeille en chaque joueur de Zelda. Et médiatiquement, ça marche.

Au chevet du patient Nintendo

En fait, dès le premier jour effectif d’ouverture du salon, le retour de Link, le héros du jeu, était sur toutes les lèvres. « Alors, comment est-il ? », s’enquiert-on avec l’inquiétude palpable du neveu en pleine forme pour son oncle alité. Dans un monde du jeu vidéo qui a déjà vu plusieurs de ses anciennes gloires tomber au combat (Midway), vivoter sur une notoriété essoufflée (Sega) ou survivre tant bien que mal sur le guère prestigieux marché des jeux de casino en ligne (Atari), Zelda a des faux airs d’indicateurs de santé pour Nintendo, ce géant japonais qui a bercé tant d’enfances.

La blague qui court sur le salon consiste d’ailleurs à demander à quelqu’un s’il a fait le tour du stand Nintendo – une quête vite accomplie. Avec un seul jeu et une présentation décevante, largement moquée sur les réseaux sociaux, difficile dans tous les cas pour Nintendo de voler la vedette. Mais le constructeur avait tellement mis en avant son titre que chacun s’était mis à rêver au même genre de moment d’émerveillement collectif que la présentation du révolutionnaire Super Mario 64 en 1996.

Nintendo

Alors ? « Bah, il pousse la Wii U dans ses derniers retranchements. Les retranchements de la Wii U… », assassine un ancien journaliste désormais plus habitué aux performances techniques supérieures des autres consoles. « Ça a marché sur moi. Je suis très client, ça m’a vraiment donné envie d’explorer le monde d’Hyrule, c’est dommage que la démo soit si courte », nuance un autre observateur. « Non mais c’est le jeu parfait si tu n’as jamais eu d’autre console que Nintendo ni découvert ce qui se fait ailleurs dans le jeu vidéo depuis dix ans », tacle un habitué des jeux de rôle en monde ouvert The Elder Scrolls : Oblivion ou Skyrim.

L’E3, ce bunker

La démonstration permettant d’être jouée de différentes manières, chacun se surprend toutefois un peu à découvrir dans la partie des autres des subtilités qu’il avait ratées dans la sienne. Paradoxalement, les journalistes présents sur place sont les moins bien renseignés sur le jeu : Nintendo a diffusé durant le salon une longue partie commentée de plusieurs heures, qu’aucun n’a pu suivre, fatalement. Couvrir l’E3, c’est aussi s’habituer à un étrange statut d’empêché spécial : au centre de l’ambiance, la main sur la manette, dans un sous-marin coupé des nombreuses informations diffusées à l’extérieur sur Twitch et YouTube.

La présentation du titre a même été de loin l’événement le plus commenté sur les réseaux sociaux la veille. Parfois de manière acide.

Parfois même de manière nuancée, contrevenant à toutes les règles tacites d’Internet.

Chacun pressent néanmoins que dans cette présentation très parcellaire, il faudra attendre encore pour se faire un avis pertinent.

La phrase : « Certains oublient d’allumer la console »

L’attente, à l’E3, c’est justement le nerf de la guerre. Comme l’an dernier, il y a du monde sur les stands qui proposent de la réalité virtuelle, Resident Evil 7 en tête. Un peu moins, quand même. L’effet nouveauté s’est un peu dissipé. Mais les grosses productions comme Gears of War 4, God of War ou Ghost Recon Wildlands ne désemplissent pas.

Chaque démo est conçue pour donner un aperçu du jeu en dix à vingt minutes, parfois de manière complètement déformée pour les besoins du salon. Opération séduction oblige, tous les coups sont permis. Le représentant d’un éditeur s’amuse en off que tant de bornes de jeux soit affublées d’une console alors que la démo tourne en fait sur un puissant PC. « Parfois, certains oublient même d’allumer la console censée faire croire aux gens qu’ils jouent dessus », raille-t-il.

Sur les stands, tous les éditeurs, tels les PNJ d’un village Cocorico vous répétant inlassablement que vous devriez aller faire un tour du côté du château, décrivent unanimement une édition de l’E3 « super ». Dans le jeu vidéo aussi, on connaît la valeur de la méthode Coué.

Le coup de cœur du jour

Parfois, des jeux inattendus font le plein – en fin de journée sur le stand de Microsoft, le jeu qui suscite la plus grosse file d’attente est un simulateur de piraterie maritime avec du rhum, Sea of Thieves, créé par le studio anglais Rare, mythique dans les années 1990 (Donkey Kong Country, GoldenEye 007, Banjo & Kazooie…).

Sea of Thieves Gameplay Reveal - Xbox E3 2016
Durée : 02:40

C’est cartoon, mignon, ça sent bon l’aventure, et d’ailleurs, tiens, ça ressemble un peu à un Zelda : The Wind Waker pour l’univers maritime et World of Tanks pour les joutes tactiques au ralenti. Dès les premiers instants, le jeu pose le ton : le principal bouton d’action permet de boire une pinte de bière et de marcher vers son bateau en titubant. C’est parfois simple, un bon jeu.