RDC : la CPI va-t-elle enquêter sur les massacres de Beni ?
RDC : la CPI va-t-elle enquêter sur les massacres de Beni ?
Par Habibou Bangré (contributrice Le Monde Afrique, Kinshasa)
Le Front citoyen, collectif congolais de partis d’opposition et d’associations, a rencontré jeudi la procureure de la Cour pénale internationale à La Haye.
Dans une école musulmane de Beni, en avril. | EDUARDO SOTERAS / AFP
Le Front citoyen demande justice. Le 1er juin à la Haye, aux Pays-Bas, ce collectif congolais de partis d’opposition et d’associations a rencontré Fatou Bensouda, procureure de la Cour pénale internationale (CPI). « La situation des droits de l’homme est tout simplement alarmante en République démocratique du Congo. Un cas comme celui du massacre de nos frères de Beni devrait – doit – absolument permettre l’ouverture d’une enquête. Y compris les autres dossiers », souligne Floribert Anzuluni, coordonateur du Front citoyen et de la plateforme Filimbi (sifflet, en swahili), qui a pris part à l’entretien.
Beni. Depuis octobre 2014, quelque 600 personnes ont été assassinées dans ce territoire de la province du Nord-Kivu (Est). Selon des rapports de l’ONU ou d’ONG, la rébellion musulmane ougandaise des Forces démocratiques alliées (ADF) reste l’auteur principal des meurtres, mais d’autres groupes sont cités, de même que des éléments de l’armée. Il y a près d’un an, une cyber-pétition avait été lancée pour demander à la CPI et l’ONU une « enquête internationale » sur les tueries, qui endeuillent aussi le territoire voisin de Lubero, et que ni l’armée ni la Mission de l’ONU (Monusco) ne parviennent à stopper.
Le 2 mai, le Front citoyen a poursuivi son plaidoyer face à l’équipe de Fatou Bensouda : il a de nouveau évoqué Beni, la répression meurtrière en janvier 2015 de manifestations dénonçant un projet de loi électorale, et les exécutions extra-judicaires rapportées fin 2013 dans la capitale lors d’une opération de traque des délinquants. « Nous allons rassembler toutes les informations pour monter les dossiers – avec Beni comme priorité », confie Floribert Anzuluni, qui était accompagné de Paul Nsapu, secrétaire général de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et président de la Ligue des électeurs.
« Nous suivons de très près la situation »
La RDC a ratifié en 2002 le statut de Rome, fondateur de la CPI. En juin 2004, à la demande de Kinshasa, la Cour a entamé des enquêtes sur l’Ituri, une région au nord du Nord-Kivu alors en proie à de graves troubles. Depuis, quelques seigneurs de guerre ont été condamnés et, actuellement, plusieurs affaires sont en cours. « Nous (…) suivons de très près la situation, et particulièrement les allégations de crimes qui auraient été commis dans la région de Beni et Lubero », explique le bureau du procureur, qui précise avoir « reçu des informations concernant ces événements, qui sont analysées de façon impartiale et indépendante ».
Quelles sont les chances que la CPI enquête sur Beni ou les autres affaires mises en avant par le Front citoyen ? La Cour travaille en étroite collaboration avec les autorités judiciaires congolaises, mais elle ne peut s’y substituer que si elles font montre d’incompétence, d’incapacité ou de mauvaise volonté pour juger un dossier. C’est ce que l’on appelle la « complémentarité » entre la CPI et les institutions nationales. En vertu de ce principe, conclut le bureau, « le procureur n’hésitera pas à prendre les actions nécessaires le cas échéant, au vu des critères du statut de Rome et des éléments disponibles. »