SNCF : la CGT cherche une sortie de crise sans heurter sa base
SNCF : la CGT cherche une sortie de crise sans heurter sa base
LE MONDE ECONOMIE
La grève a été reconduite mercredi. Le syndicat pourrait refuser de signer l’accord sur le temps de travail, mais sans faire jouer son droit de veto.
Gilbert Garrel, le secrétaire général de la fédération des cheminots, tout en affichant sa solidarité avec la ligne radicale de la confédération, a des préoccupations liées à la préservation de sa prédominance à la SNCF. | BERTRAND GUAY / AFP
Après le refus de SUD-Rail de signer le projet d’accord sur le temps de travail, une éventuelle sortie de crise à la SNCF dépend essentiellement de la CGT. Mardi 7 juin, la centrale a laissé les assemblées générales reconduire la grève pour mercredi mais elle réserve encore sa réponse. « Rationnellement, on tient le bon bout, dit-on à l’Elysée. On est plus près de la fin que du début. »
Une signature de la CGT n’étant pas l’hypothèse la plus probable, la question principale est de savoir si, dans ce cas, elle fait jouer son droit d’opposition. SUD-Rail et la CGT totalisent 51,4 % aux élections professionnelles et se situent donc au-dessus du seuil de 50 % nécessaire pour dénoncer un accord. L’organisation syndicale pourrait choisir de faire la grève de la signature sans faire jouer son veto.
Le fait qu’après dix-neuf heures de négociations avec la direction, la CGT se donne le temps de la réflexion montre qu’il y a en son sein deux logiques qui ne sont pas forcément convergentes. Le secrétaire général de la confédération, Philippe Martinez, s’est directement impliqué dans les discussions avec Alain Vidalies, le secrétaire d’Etat aux transports. Il cherche une sortie de crise voyant que l’opinion est en train de se retourner.
Maintenir la pression
Les difficultés rencontrées par les usagers pour se rendre à leur travail, et l’approche de l’Euro de football que les syndicats assurent ne pas vouloir bloquer, risquent de rendre le mouvement de plus en plus impopulaire. M. Martinez voudrait maintenir la pression jusqu’au 14 juin, date d’une manifestation nationale à Paris contre la loi El Khomri. Mais le 14 juin, c’est loin… « La loi travail à la SNCF, c’est un artefact, un phénomène artificiel qui ne la concerne pas, souligne-t-on du côté des pouvoirs publics, alors que le statut des cheminots ce n’est pas hors sol pour les intéressés. »
Gilbert Garrel, le secrétaire général de la fédération des cheminots, tout en affichant sa solidarité avec la ligne radicale de la confédération, a des préoccupations liées à la préservation de sa prédominance à la SNCF.
Aux dernières élections, en novembre 2015, la CGT a conservé sa première place, avec 34,33 % mais elle a perdu 3 points par rapport à 2011. Elle reste puissante mais est jalouse de son autonomie. « Elle n’a pas besoin de l’avis d’un archevêque pour savoir ce qu’elle doit faire », note un observateur.
Un « syndicalisme rassemblé »
La CGT ne veut pas apparaître davantage « à la traîne » derrière SUD-Rail avec lequel les relations ont été souvent conflictuelles. Plus modéré que son prédécesseur, Didier Le Reste, aujourd’hui engagé dans le Front de gauche, M. Garrel a la réputation d’être pragmatique, voire aux yeux de certains « réformiste ».
Lors de la crise qui a conduit à la démission de Thierry Lepaon, en janvier 2015, son nom avait été évoqué pour la succession. Mais M. Garrel n’étant pas membre de la commission exécutive confédérale – où devait figurer le nouvel élu –, cette hypothèse avait été abandonnée.
Le secrétaire général des cheminots CGT se singularise aussi par des positions qui se distinguent de la ligne confédérale. Le 22 mars, il avait écrit à toutes les fédérations et toutes les unions départementales de la CGT pour qu’elles incitent leurs bases syndicales « à s’abonner ou à créer des abonnements collectifs » à L’Humanité, « seul journal porteur des luttes sociales et des revendications du salariat ». M. Martinez avait refusé de relayer son appel.
Le 20 avril, en revanche, au congrès confédéral de Marseille, M. Garrel avait défendu le « syndicalisme rassemblé » que M. Martinez avait critiqué, ouvrant la voie à de violentes attaques de l’extrême gauche contre la CFDT. « Le rassemblement des salariés doit être une priorité pour mener le combat, avait-il martelé. Notre démarche de syndicalisme rassemblé est plus que jamais d’actualité. »
Répliquant aux délégués qui assuraient que « l’unité syndicale ne peut être conçue qu’avec certains syndicats jugés plus fréquentables que d’autres », M. Garrel s’était appuyé sur des comptes rendus de visite aux syndicats, à la base, pour affirmer que « partout l’unité syndicale sans exclusive est recherchée dans la construction des luttes et du rapport de force ».