« Warcraft, le commencement » : marche militaire pour orques et trompettes
« Warcraft, le commencement » : marche militaire pour orques et trompettes
Par Thomas Sotinel
Tiré du jeu en ligne, le film de Duncan Jones joue avec les pièges de l’heroic fantasy.
« Warcraft, le commencement », film fantastique américain réalisé par Duncan Jones. | Copyright Universal Pictures
Il y a sûrement une autre critique à écrire de Warcraft, le commencement, qui serait celle d’un joueur, d’un connaisseur de l’univers de cette pierre angulaire de l’interactivité guerrière. Celle-ci sera le fait de quelqu’un qui a arrêté les jeux numériques au moment où ils sont passés en ligne, qui n’avait jamais vu un orque ailleurs que chez Tolkien (ou dans Sauvez Willy).
Il ne sera question que de cinéma ici, ce qui tombe bien, puisque Warcraft, le commencement, est un vrai film. De genre, bien sûr, de haute technologie, naturellement. Et – presque – d’auteur, puisque réalisé par Duncan Jones à qui l’on doit deux longs métrages de science-fiction si astucieux qu’ils en étaient hypnotisants : Moon, avec Sam Rockwell et Source Code, avec Jake Gyllenhaal.
Le genre d’abord : l’heroic fantasy, qui s’inspire des cycles médiévaux pour fouetter les sens d’amateurs que la sagesse populaire décrit généralement comme l’exacte antithèse des héros musclés qu’ils admirent. Ses règles sont ici religieusement respectées. Venus d’une autre dimension, les orques emmenés par un guerrier qui a viré sorcier envahissent le royaume humain d’Azeroth. Celui-ci compte sur un vaillant chevalier, Anduin Lothar (l’onomastique doit beaucoup à Tolkien), un roi juvénile, et un magicien qui n’est peut-être pas digne de la confiance que le bon peuple d’Azeroth place en lui.
Une idée du déracinement
En face, les orques sont divisés entre les partisans du chef-sorcier et ceux qui préfèrent une guerre plus organique, qui ne nécessite pas le recours à la magie noire, les masses d’armes et les glaives suffisant amplement à massacrer. C’est là qu’il faut parler de la technologie ici à l’œuvre. Les humains assaillis sont interprétés par des acteurs, de valeur inégale (on découvrira au passage, dans le rôle de la reine, Ruth Negga, que l’on verra bientôt dans Loving, de Jeff Nichols), et curieusement, les personnages les plus attachants, les plus complexes, sont les orques.
Ceux-ci sont aussi habités par des acteurs, mais leur physionomie (trois mètres de haut, canines inférieures protubérantes, teint qui varie de terre de sienne à vert marécageux) est tout à fait numérique. Le scénario plutôt habile, qui en fait des exilés privés de tout espoir de retour, tout en établissant entre eux une échelle de valeur différente de celle des humains, rend leur univers infiniment plus intéressant que la version édulcorée de la Terre du milieu dans laquelle se meuvent leurs adversaires. C’est dans cette idée de déracinement, qui animait les précédents films de Duncan Jones, qu’on reconnaît la patte de l’auteur.
Une volonté d’invention
Enfin, on sent que les leçons de « Game of Thrones » ont été assimilées. Certes, Warcraft ne baigne pas dans le stupre (au contraire), mais la moyenne de l’espérance de vie des personnages, y compris les principaux, est soumise à de très brutales variations, qui maintiennent l’intérêt pour une intrigue par ailleurs assez prévisible.
Cette volonté d’invention, à l’intérieur des limites du genre, ne s’est pas communiquée à l’apparence du film. Peut-être parce qu’il fallait rester fidèle à l’univers visuel du film, les prodiges de technologie ici déployés (rarement la coexistence entre créatures de chair et de pixels aura été aussi harmonieuse, même si les personnages s’entretuent) servent à construire des citadelles, à faire surgir des chaînes de montagnes qui feraient passer les décors du Seigneur des Anneaux ou du Hobbit pour des prodiges de bon goût.
Comme son titre l’indique, Warcraft, le commencement, pourrait devenir une très longue saga : le film s’achève sur le sauvetage d’un Moïse orque, dérivant dans son berceau au gré des flots. On attend la suite sans crainte, mais sans hâte.
Warcraft : le Commencement - Bande-annonce officielle (Universal Pictures) VF
Durée : 02:10
Film américain de Duncan Jones, avec Travis Fimmel, Paula Patton, Dominic Cooper, Ruth Negga. (2 h 03). Sur le web : www.universalpictures.fr/film/warcraft-le-commencement