Brexit : Eurotunnel plonge en Bourse
Brexit : Eurotunnel plonge en Bourse
LE MONDE ECONOMIE
L’exploitant du tunnel sous la Manche affirme pourtant que ses activités ne seront pas affectées par l’issue du référendum.
Sortie du tunnel sous la Manche à Coquelles (Pas-de-Calais). | DENIS CHARLET / AFP
Aucune entreprise ne symbolise mieux le lien entre la Grande-Bretagne et le continent. Vendredi matin, comme un sismographe, l’action Eurotunnel a plongé de 34 % après les résultats du référendum organisé jeudi. Après avoir été longtemps incotable, sous l’effet d’un afflux d’ordres de vente, la valeur de la société a fondu en quelques minutes de 2,2 milliards d’euros. Le titre a ensuite légèrement remonté pour limiter la baisse à14 % en milieu de matinée.
Pour les investisseurs, la sortie des Britanniques de l’Union européenne ne peut qu’être néfaste à l’exploitant du tunnel sous la Manche, malgré les messages rassurants de son PDG : « L’issue du référendum ne devrait pas affecter les activités de la concession du tunnel sous la Manche et Groupe Eurotunnel maintient par conséquent ses objectifs », a affirmé Jacques Gounon dans un communiqué préventif, publié juste avant le début des transactions en bourse.
Depuis l’ouverture du tunnel en 1994, toute l’activité du groupe est liée aux relations de plus en plus nourries entre le Royaume-Uni et le reste de l’Europe. Aux yeux des analystes, la victoire du camp du « leave », la volonté d’indépendance marquée par les Britanniques, risquent donc de pénaliser directement Eurotunnel.
Hausse des prix pour les vacanciers britanniques
Comme l’expliquaient en avril les spécialistes de Kepler Cheuvreux, le groupe est fortement tributaire de la livre sterling et de l’économie britannique. Aujourd’hui, il risque de perdre sur ces deux terrains. Vendredi, le Brexit a immédiatement fait chuter de 10 % la livre sterling. Elle est tombée à son plus bas niveau depuis 1985 par rapport au dollar. Cette dévaluation va entraîner une forte hausse des prix pour les vacanciers britanniques à l’étranger. Elle ne peut donc que les inciter à moins bouger, donc à moins emprunter l’Eurostar ou les navettes qui passent dans le tunnel.
Quant à l’économie britannique, le divorce d’avec l’Europe risque de la faire souffrir. Il pourrait se traduire par une perte de richesse comprise entre 1,5 % et 5,5 % à l’horizon 2019, selon les dernières estimations du Fonds monétaire international (FMI). Si la Grande-Bretagne a moins de punch, elle enverra moins de camions sillonner les routes d’Europe, au détriment là encore d’Eurotunnel.
Cela fait plusieurs mois que la perspective d’un Brexit suscite des inquiétudes chez Eurotunnel, spécialement parmi les actionnaires. « Cela a indéniablement pesé sur l’action », relève l’analyste Nicolas Mora, d’Exane BNP Paribas. Le titre, qui ne cessait de grimper depuis des années, est tombé à moins de 9 euros en février, soit 37 % de moins qu’à son sommet, en avril 2015.
Le PDG Jacques Gounon a donc tenté de calmer le jeu, assurant qu’une sortie du Royaume-Uni n’aurait pas d’incidence majeure sur l’activité… et pourrait même favoriser Eurotunnel en ramenant des ventes détaxées à Calais. « Historiquement, le trafic de marchandises transmanche, le cœur de notre métier, a toujours été croissant, et il n’y a pas de raison que cela change », plaide-t-on au siège du groupe.
Quant à la chute de la livre, la direction se veut rassurante. En 22 ans de fonctionnement, « il n’y a eu aucune corrélation évidente entre le cours de la livre et le fait que nos marchés croissent de 2 % à 3 % par an », soulignait M. Gounon fin mai dans un entretien à Reuters. En outre, la baisse de la devise britannique doit alléger les frais financiers du groupe, dont la moitié de la dette est libellée en sterling. « Elle devrait aussi augmenter les coûts des concurrents maritimes et pourrait soutenir les exportations britanniques, ce qui compenserait les éventuels effets négatifs », souligne-t-on chez Eurotunnel.
Ces propos, et la bonne santé de l’entreprise, ont contribué à faire remonter le cours d’Eurotunnel, qui, à la veille du référendum, avait regagné 30 % depuis son creux de février. Une hausse effacée par le résultat du vote.