Pacte de stabilité : Bruxelles envisage de sanctionner Madrid et Lisbonne
Pacte de stabilité : Bruxelles envisage de sanctionner Madrid et Lisbonne
Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen), Sandrine Morel (Madrid, correspondance)
L’Espagne n’a pas respecté les engagements du pacte de stabilité européen en 2015, affichant un déficit de 5,1 % du PIB.
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, à Bruxelles, le 24 juin. | THIERRY MONASSE/AP
En pleine crise du « Brexit », la Commission a un autre dilemme. Selon nos informations, l’institution communautaire a prévu de rendre son verdict le 5 juillet concernant le respect – ou non – par l’Espagne et le Portugal du pacte de stabilité et de croissance pour leurs budgets 2015. La Commission devrait recommander au Conseil européen de sanctionner les deux pays en leur imposant une amende (pouvant aller jusqu’à 0,2 % de leur produit intérieur brut) et une suspension temporaire des fonds structurels européens.
La Commission doit respecter les textes européens. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Madrid et Lisbonne ont largement raté leurs objectifs de déficit public pour 2015 : 5,1 % du produit intérieur brut au lieu des 4,2 % attendus dans le cas espagnol ; 4,4 % au lieu des 2,7 % prévus pour le Portugal. Mi-mai, la Commission avait fermé les yeux, en pleine campagne électorale, alors qu’elle était pourtant censée prendre une décision, conformément au calendrier de surveillance budgétaire de l’Union européenne (UE).
Une mansuétude critiquée
À l’époque, la Commission a assumé une décision « politique ». Impossible, selon son président, Jean-Claude Juncker, de sanctionner un Etat, l’Espagne, sans gouvernement stable à un mois d’élections législatives déterminantes. Les opinions publiques n’auraient pas compris. Impossible d’être intransigeant avec Lisbonne, au risque d’être accusé de vouloir « punir » un gouvernement de gauche pas tout à fait aligné sur les priorités bruxelloises, et d’augmenter l’inquiétude des marchés concernant ce pays, tout juste sorti du programme d’assistance financière de l’UE.
Cette mansuétude a été fermement critiquée par les Allemands et par le président de l’eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, qui se sont fait fort de rappeler à la Commission l’impérieuse nécessité de respecter le pacte de stabilité (avec comme objectif un déficit public sous la barre des 3 % de PIB), sur lequel repose la confiance des marchés dans l’eurozone. La Commission le sait : difficile de s’en sortir avec une autre pirouette début juillet…
Mais quelle sera la réaction des pays concernés et de leurs populations ? D’autant que, « Brexit » oblige, le débat sur les « erreurs » de l’UE bat son plein. Comment la Commission justifiera-t-elle sa décision de recommander une sanction pour l’Espagne, un pays sans gouvernement, étant donné qu’à l’issue des élections législatives du 26 juin aucune majorité claire ne se dessine ?
Les Espagnols, qui ne se sont pas encore remis de la politique d’austérité mise en œuvre durant la crise, auront déjà du mal à accepter de nouvelles coupes budgétaires, chiffrées à 8 milliards d’euros pour rentrer dans les clous.
Pour minimiser les tensions, la Commission peut toujours prononcer des sanctions symboliques. Le ministre de l’économie espagnol, Luis de Guindos, s’est dit persuadé que la sanction sera de « zéro euro ». Le Conseil, qui doit statuer en dernier ressort, peut aussi s’opposer à la sanction. Ce qui serait un moyen de sortir par le haut d’une crise potentielle.