Réunions européennes et initiatives en série après le « Brexit »
Réunions européennes et initiatives en série après le « Brexit »
A Paris, Berlin et Bruxelles, les rencontres se multiplient pour tirer les enseignements du référendum britannique. Un diplomate a été nommé pour négocier la mise en œuvre de la sortie du Royaume-Uni de l’UE.
Les conséquences du « Brexit » ont continué de se faire sentir, tout au long de la journée du samedi 25 juin, deux jours après la décision historique prise par les Britanniques de quitter l’Union européenne (UE). De nouvelles rencontres entre dirigeants européens sont prévues la semaine prochaine à Bruxelles et à Berlin.
Une réunion des ministres européens
Les ministres des affaires étrangères des six pays fondateurs de l’UE (France, Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), réunis samedi à Berlin, ont voulu se montrer fermes avec le Royaume-Uni.
A l’issue de la rencontre, ils ont indiqué que les six Etats souhaitaient que Londres lance « le plus vite possible » la procédure de sortie de l’UE. « Nous disons ici, ensemble, que ce processus doit commencer aussi vite que possible pour qu’on ne se retrouve pas embourbé », a déclaré l’Allemand Frank-Walter Steinmeier. Un sommet européen, prévu de longue date, se tiendra les 28 et 29 juin.
Par ailleurs, la chancelière allemande, Angela Merkel, a invité, lundi, à Berlin, François Hollande et le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, et elle recevra aussi le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, pour discuter de ces sujets.
Dès vendredi, des divergences étaient apparues entre les dirigeants européens : Mme Merkel avait appelé les vingt-sept pays membres de l’UE à ne pas prendre de décisions trop « rapides et simples » mais à se donner le temps de la réflexion.
Alors que le premier ministre britannique, David Cameron, a annoncé son départ d’ici au mois d’octobre – indiquant qu’il laisserait à son successeur le soin de gérer l’après-Brexit –, son compatriote, le commissaire européen aux services financiers, Jonathan Hill, a lui choisi de démissionner immédiatement.
« Puisque nous passons à une nouvelle phase, je ne crois pas qu’il soit bien de continuer en qualité de commissaire britannique comme s’il ne s’était rien passé », a-t-il expliqué, samedi. Pendant ce temps, le ministre français des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, demandait qu’un nouveau premier ministre soit désigné au plus vite à Londres, évoquant un délai de « quelques jours ».
Un « monsieur Brexit » est nommé
L’UE a nommé, samedi, le diplomate belge Didier Seeuws à la tête de la « Brexit Task Force ». Cette dernière négociera la procédure de sortie du Royaume-Uni de l’UE. Agé de 50 ans, M. Seeuws, jusqu’alors directeur des départements transport, télécommunications et énergie du Conseil européen, est un habitué des institutions de l’UE.
En poste comme adjoint du représentant de la Belgique auprès de l’UE, il a été aux premières loges de la présidence belge, du 1er juillet au 31 décembre 2010. Celui que le quotidien La Libre Belgique qualifie de « belle machine intellectuelle » a ensuite été chef de cabinet de son compatriote Herman Van Rompuy, premier président permanent du Conseil européen jusqu’en novembre 2014.
Un porte-parole du président du Conseil européen a précisé que M. Seeuws s’attachait actuellement au travail préparatoire aux tractations qui doivent encore s’ouvrir.
La Commission européenne a par ailleurs mis en place une « Task Force sur l’article 50 » chargée de produire les propositions législatives qui accompagneront le départ du Royaume-Uni, régi par la clause de retrait du Traité de Lisbonne. Londres entame un long processus de négociation sur les conditions de sortie, notamment concernant un éventuel accès au marché unique. Les négociations peuvent durer jusqu’à deux ans. D’ici là, le pays restera lié par les accords existants. Les contours des discussions restent néanmoins encore flous.
François Hollande reçoit
En France, le président de la République, François Hollande a de nouveau plaidé, samedi, pour une sortie « en bon ordre », estimant que le Brexit soulevait « une interrogation pour toute la planète », lors d’une déclaration commune avec le secrétaire général des Nations unies (ONU), Ban Ki-moon, à l’Elysée.
L’exécutif français a choisi de saisir l’onde de choc du Brexit comme une opportunité de changement dans le fonctionnement de l’UE, notamment sur la sécurité et la défense. Le ministre des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, a confirmé cette ligne dans une interview accordée au Parisien, samedi, en insistant sur le renforcement de la protection des frontières extérieures de l’UE : « Si on ne le fait pas, certains voudront revenir aux frontières nationales », a-t-il prévenu.
Dans l’après-midi, M. Hollande a effectué un tour d’horizon de l’ensemble des formations politiques représentées au Parlement pour préparer les initiatives françaises post-Brexit. Il a reçu Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du Parti socialiste, Nicolas Sarkozy, le président du parti Les Républicains, Jean-Luc Mélenchon du Parti de gauche, Marine Le Pen, la présidente du Front national (FN), Sylvia Pinel, la présidente des Radicaux de gauche, David Cormand, le secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts, Pierre Laurent, le secrétaire national du Parti communiste français, Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, François Bayrou pour le MoDem et Jean-Christophe Lagarde, président de l’Union des démocrates et indépendants.
Samedi soir, le chef de l’Etat a aussi accueilli le président du conseil italien, Matteo Renzi, pour un « dîner informel ».
Nicolas Sarkozy, président du parti Les Républicains, a rencontré François Hollande,au Palais de l'Elysée à Paris le samedi 25 juin 2016 | JEAN CLAUDE COUTAUSSE / FRENCHPOLITICS POUR LE MONDE
A la sortie de l’Elysée, M. Sarkozy a estimé qu’il y avait urgence à faire des propositions pour repenser l’UE. Pour lui, ce renouveau passe par la création d’un nouveau traité européen. Dans le Journal du dimanche (JDD), il estime qu’un tel traité pourrait voir le jour avant la fin de l’année. Et, dans une interview diffusée sur France 2, dimanche, l’ancien chef de l’Etat évoque le recours au référendum sur le sujet. « Je crois qu’il ne faut pas avoir peur du peuple : si l’idée européenne on n’y croit pas et si elle ne supporte pas l’épreuve du référendum, c’est qu’on fait fausse route », a-t-il expliqué dans l’émission « 13 h 15 le dimanche ».
Lors de sa rencontre avec le chef de l’Etat, la présidente du FN, Marine Le Pen, a quant à elle de nouveau réclamé un référendum sur la sortie de la France de l’UE, essuyant une fin de non-recevoir de M. Hollande.
Des intellectuels et des patrons mobilisés
Une trentaine de personnalités de la culture, de la société civile et de la politique appellent, dans une tribune publiée dimanche par sept journaux européens, dont le JDD en France, à « réinventer l’Europe ».
Les signataires, qui avaient déjà publié en mai un appel du même ordre, « Pour une nouvelle renaissance européenne », proposent une nouvelle étape en matière de sécurité, de défense et de protection civile des citoyens européens ; une stratégie pour accueillir, intégrer et préparer les conditions de retour à plus long terme des réfugiés dans leur pays ; une politique industrielle européenne fondée sur une croissance décarbonée ou bien encore l’achèvement de la zone euro. Parmi les signataires figurent l’ancien commissaire européen Michel Barnier, Daniel Cohn-Bendit, l’ancien ministre des affaires étrangères et vice-chancelier d’Allemagne Joschka Fischer et l’écrivain italien Roberto Saviano.
Dans une tribune également parue dans le JDD, les organisations patronales française et allemandes appellent aussi l’Europe à « se ressouder » pour répondre au Brexit, notamment dans les domaines de la sécurité, de la défense et des services financiers. « L’Europe doit se ressouder, retrouver confiance et passer à l’offensive », indiquent le Medef français et les deux grandes organisations patronales allemandes BDI (Fédération allemande de l’Industrie) et BDA (Confédération des employeurs). Le Brexit « place l’Europe dans une zone de fortes turbulences » et le moteur franco-allemand « doit retrouver sa vigueur ».
L’Ecosse veut protéger sa place dans l’UE
La première ministre écossaise Nicola Sturgeon a réuni son gourvenement en urgence à Edimbourg le 25 juin . | POOL / REUTERS
Alors que les Ecossais se sont massivement prononcés contre la sortie du Royaume-Uni de l’UE (62 % ont voté pour le maintien), la première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, a annoncé, samedi, vouloir mener des « discussions immédiates » avec Bruxelles pour « protéger sa place dans l’UE ».
L’exécutif écossais va se pencher sur un cadre législatif permettant l’éventuelle tenue d’un deuxième référendum sur l’indépendance de cette région semi-autonome du Royaume-Uni, a ajouté Mme Sturgeon. Les Ecossais s’étaient prononcés à 55 % contre l’indépendance de leur pays lors du référendum de septembre 2014.