Cinq questions sur Theresa May, la future première ministre britannique
Cinq questions sur Theresa May, la future première ministre britannique
Par Le Monde.fr
La ministre de l’intérieur de 59 ans, restée à l’écart de la guerre intestine qui a secoué le Parti conservateur pendant la campagne du Brexit, sera nommée mercredi pour succéder à David Cameron.
Theresa May, devant le 10 Downing Street, mardi 12 juillet. | PAUL HACKETT / REUTERS
Theresa May, 59 ans, deviendra mercredi 13 juillet la nouvelle première ministre du Royaume-Uni. Elle a été déclarée gagnante par forfait, sa concurrente Andrea Leadsom ayant fait le choix de se retirer de la course, lundi 11 juillet. Puisque le Parti conservateur dispose de la majorité au Parlement, son leader devient automatiquement premier ministre.
« Nous aurons un nouveau premier ministre dans ce bâtiment derrière moi mercredi soir », a déclaré lundi le premier ministre David Cameron, démissionnaire après l’échec de sa campagne contre le Brexit, devant le 10 Downing Street, ajoutant qu’il présenterait sa démission à la reine Elizabeth II mercredi et qu’il recommanderait Theresa May comme sa remplaçante. Cette dernière deviendra donc la deuxième première ministre du pays après Margaret Thatcher (1979-1990), à qui elle est régulièrement comparée, mais dont elle tente de se distinguer.
Quelle est sa personnalité ?
Theresa May sait se faire cassante, ce qui lui vaut le surnom de « nouvelle Margaret Thatcher ». Le Daily Telegraph, qui la désigne comme la femme politique la plus puissante du pays, estime qu’elle « est arrivée au sommet grâce à une détermination féroce ». Si sa grande force de travail est unanimement louée, ce n’est pas le cas de son charisme.
Réputée pour son austérité, sa détermination, et désormais pour son habileté politique, Theresa May est souvent comparée à la chancelière Angela Merkel. En plus d’un charisme modéré, elles ont en commun d’être de la même génération, d’être filles de pasteur, peu portées sur les mondanités et sans enfants.
Mariée depuis 1980 à Philip John May, un banquier, Theresa May se montre discrète sur sa vie privée – on sait seulement qu’elle aime les randonnées en montagne, le cricket et la cuisine et qu’elle a un diabète de type 1.
Theresa May se décrit comme le porte-drapeau des Britanniques ordinaires, et affirmait qu’elle était plus à même de les comprendre que l’ancien maire de Londres, Boris Johnson, élève de la prestigieuse école d’Eton et issu de la haute bourgeoisie.
Quel est son parcours ?
Cette fille d’un révérend anglican, issue de la classe moyenne, a commencé sa carrière politique en 1986, après des études de géographie à Oxford, où elle a rencontré son mari. Elle a commencé sa carrière dans l’économie, par un bref passage à la Banque d’Angleterre. En 1986, Theresa May est élue conseillère du district londonien cossu de Merton. En 1994, elle renonce à ce poste et tente de reprendre une circonscription aux travaillistes, mais échoue par deux fois. Après ces échecs électoraux, elle est élue en 1997 députée conservatrice dans la circonscription prospère de Maidenhead, dans le Berkshire, au sud de l’Angleterre.
En 2002, elle devient la première femme secrétaire générale d’un parti conservateur. Theresa May est connue du public britannique depuis un discours de Congrès prononcé en la même année en plein blairisme triomphant, où elle mettait en garde les tories, alors très marqués à droite, contre l’image de « parti méchant » qui lui colle à la peau depuis Margaret Thatcher :
« Deux fois nous sommes allés à la rencontre des électeurs, inchangés, non repentants, tout simplement pas attirants. Et deux fois nous avons été massacrés. »
Un discours qui lui a coûté quelques inimitiés de la part de l’électorat et des élus conservateurs.
De 1999 à 2010, elle occupe différents postes dans le cabinet fantôme des conservateurs alors dans l’opposition. Elle sera ainsi chargée de l’environnement, de la famille, de la culture, des droits des femmes et du travail. En 2005, elle prête main-forte à David Cameron dans sa conquête du parti. Lorsqu’il est élu chef du gouvernement en 2010, la carrière de Theresa May décolle : David Cameron la récompense en lui attribuant le portefeuille de ministre de l’intérieur, un mandat qu’elle conservera lors de la réélection du premier ministre en 2015.
Quel est son bilan au ministère de l’intérieur ?
Theresa May y a officié six ans, soit plus que tous ses prédécesseurs depuis un siècle. La femme politique a marqué son poste en adoptant une ligne très ferme, qu’il s’agisse des délinquants, des immigrés clandestins ou des prêcheurs islamistes. Elle s’est notamment opposée aux quotas de réfugiés proposés par l’Union européenne. Theresa May est également à l’origine de la suppression du regroupement familial pour les étrangers les plus modestes.
Durant son mandat, elle a largement contribué à l’élaboration ainsi qu’à la mise en œuvre des politiques britanniques en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Tenante de l’aile droite des tories, elle est comparée à Margaret Thatcher pour sa fermeté sur la délinquance et sur l’immigration.
Lundi, Theresa May s’est pourtant spectaculairement dissociée de la « dame de fer » des années 1980 en défendant l’intervention de l’Etat contre les inégalités sociales et les abus de la finance. « Nous ne croyons pas seulement dans les marchés mais aussi dans les communautés locales, a-t-elle déclaré. Pas seulement dans l’individualisme, mais dans la société. » Centriste idéologiquement, elle est favorable au mariage homosexuel.
Comment s’est-elle positionnée pendant la campagne du Brexit ?
Eurosceptique dans l’âme, Theresa May avait pourtant choisi en début d’année, à la surprise générale, de rester fidèle au premier ministre et de défendre le maintien dans l’Union européenne (UE). Elle a toutefois fait le service minimum, défendant même une limitation de l’immigration, thème favori des pro-Brexit. En restant à l’écart de la guerre intestine qui a secoué le Parti conservateur pendant la campagne du référendum, elle a fait figure de candidate de consensus dans la succession à David Cameron. « Elle a fait profil bas pendant la campagne et peut, de ce fait, bénéficier d’un soutien plus large au sein du Parti conservateur », analyse David Cutts, professeur de science politique à l’université de Bath.
Une posture qui a amené le Sunday Times à la présenter comme « la seule figure capable d’unifier les factions rivales du parti » conservateur. Ce dont elle a conscience. Alors qu’elle est sortie largement en tête du premier tour du vote des députés conservateurs, elle s’est targuée d’être la seule candidate capable d’affronter la tâche énorme qui attend le futur premier ministre britannique. « Un gros travail nous attend : unifier notre parti et le pays, négocier le meilleur accord possible en quittant l’UE et faire en sorte que le Royaume-Uni soit au service de tous », a déclaré Theresa May, ajoutant : « Je suis la seule candidate capable de remplir ces trois tâches ».
Comment veut-elle gérer la sortie de l’UE ?
Pour tenter de faire oublier sa campagne en faveur du maintien dans l’UE, Theresa May a prononcé lundi 11 juillet un discours sans équivoque sur la nécessité d’acter au plus vite la rupture entre l’Union et le Royaume-Uni. Dans sa première déclaration publique après l’annonce de son imminente nomination à Downing Street, Theresa May a affirmé vouloir que le Royaume-Uni « négocie le meilleur accord » de sortie de l’UE et qu’il se construise « un nouveau rôle dans le monde ».
« Brexit signifie Brexit et nous en ferons un succès », a martelé devant le Parlement britannique la femme politique, qui prend d’ores et déjà la tête du Parti conservateur. Theresa May a ajouté qu’elle respecterait la victoire des pro-Brexit, laissant peu d’espoirs à ceux au Royaume-Uni qui réclament une deuxième consultation sur l’UE. « Je ne saurais être plus claire : il n’y aura pas de tentative pour rester au sein de l’UE. Il n’y aura pas de tentative de la rejoindre par une porte dérobée. Il n’y aura pas de second référendum », a-t-elle déclaré. Sa réputation de dureté fait d’elle une redoutable négociatrice pour les 27 de l’UE.
A quoi pense Theresa May, la future première ministre britannique ?
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