Des autocollants de l’ONG Peace Now (La Paix maintenant), visée par la loi sur le financement d’ONG par des gouvernements étrangers, dans leur bureau de Tel-Aviv, le 31 janvier. | BAZ RATNER / REUTERS

Les assauts verbaux de la droite nationaliste israélienne contre les représentants de la société civile ont trouvé une traduction législative. Par 57 voix contre 48, les députés ont adopté, lundi 11 juillet, un projet de loi très controversé, qui oblige les organisations non gouvernementales (ONG) recevant plus de la moitié de leur financement de gouvernements étrangers à en faire la déclaration publique et le rappel systématique à chaque publication. En cas de refus, elles s’exposeront à une amende de 29 000 shekels (6 700 euros).

Le texte ne mentionne pas le profil précis des ONG visées. Mais il va de soi pour tous les observateurs qu’il s’agit de celles défendant les droits des Palestiniens, l’égalité entre Juifs et Arabes en Israël ou bien celles documentant les violences de l’armée en Cisjordanie ou lors des guerres successives dans la bande de Gaza.

Le gouvernement israélien a mis en avant l’argument de la transparence pour justifier ce texte. « Nos têtes ne sont plus baissées », a clamé la ministre de la justice, Ayelet Shaked, lors du débat de six heures qui a précédé le vote. Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a déclaré que le but de la loi était « d’empêcher une situation absurde où des Etats étrangers se mêlent des affaires intérieures d’Israël en finançant des ONG, sans que le public israélien en soit conscient ».

« Fascisme bourgeonnant »

La version finale de la loi ne mentionne plus, comme dans sa version première, l’obligation pour les représentants des ONG de porter un signe distinctif lorsqu’ils se rendent en visite à la Knesset. Mais la charge symbolique demeure puissante : l’intention est de marquer au fer rouge ces organisations présentées comme hostiles aux intérêts de l’Etat, en les cataloguant comme des agents de l’étranger, des taupes. Il s’agirait, selon le leader travailliste Isaac Herzog, d’une illustration du « fascisme bourgeonnant » en Israël. Dans son éditorial de mercredi, le quotidien Haaretz (centre gauche) estime que le texte vise à « humilier » et « diaboliser » les organisations concernées.

L’intention est de marquer au fer rouge ces organisations présentées comme hostiles aux intérêts de l’Etat.

« La loi entend s’occuper du phénomène des ONG qui représentent des intérêts d’Etats étrangers tout en agissant sous le couvert d’organisations locales cherchant à servir les intérêts du public israélien », est-il écrit en préambule. Selon le ministère de la justice, à l’origine du projet de loi, 25 des 27 ONG concernées sont classées à gauche.

Les plus célèbres – et les plus haïes par la droite – sont Rompre le silence, qui regroupe des vétérans de l’armée, B’Tselem, Yesh Din ou encore La Paix maintenant. Cette dernière a déjà annoncé son intention de dénoncer la législation devant la Cour suprême. Les Etats-Unis et l’Union européenne ont exprimé leur inquiétude devant ce coup porté à la liberté d’expression et d’association.

En revanche, la législation ne mentionne pas le financement d’ONG provenant de fondations ou de personnes privées à l’étranger. Or, les organisations proches de l’extrême droite et des colons, comme Elad ou Regavim, soutenant l’extension des colonies en Cisjordanie ou encore l’accès libre des croyants juifs au mont du Temple (l’esplanade des Mosquées, pour les musulmans), ne vivent que de ces fonds. Leur origine quasi exclusive est située aux Etats-Unis. Ces organisations pourront continuer à jouir d’une totale opacité.