La justice a annulé, mardi 12 juillet, l’interdiction aux moins de 18 ans du documentaire controversé « Salafistes », voulue par la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Cette interdiction, décidée le 27 janvier, avait été suspendue en février par le tribunal administratif, en attendant ce jugement sur le fond.

Le ministère a « pris acte » de cette décision. Mais il a « rappelé que la commission de classification des films a émis par deux fois avec une majorité forte un avis en faveur du moins de 18 ans, en raison de l’absence de commentaires et de l’extrême violence des images ».

Tourné au Mali, en Irak, Algérie, Tunisie et Mauritanie, « Salafistes », qui entend montrer les djihadistes « tels qu’ils sont » selon ses auteurs, donne la parole à des responsables d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et à des autorités religieuses salafistes.

Le documentaire est entrecoupé d’images de propagande et de vidéos djihadistes, sans voix off, ni commentaires, et montre de façon très crue l’application de la charia au quotidien. A sa sortie à la fin du mois de janvier, seules quatre salles avaient projeté le film contre les 25 prévues avant son interdiction aux mineurs.

Une décision entachée « d’une illégalité »

« Il ressort des pièces du dossier et notamment du visionnage du film Salafistes que celui-ci présente (…) des propos et des images extrêmement violents et intolérants susceptibles de heurter le public”, indique le tribunal. Toutefois, lesdites scènes, par leur portée et la façon dont elles sont introduites dans le documentaire, participent à la dénonciation des exactions commises contre les populations. »

Pour le tribunal, ce film « permet au public, du fait même de sa conception d’ensemble et du réalisme de certaines scènes, de réfléchir et de prendre le recul nécessaire face à la violence des images ou des propos qui ont pu y être présentés ». En conséquence, « contrairement à ce que soutient la ministre de la culture et de la communication, ledit documentaire ne peut être regardé comme véhiculant une propagande en faveur de l’intégrisme religieux ou incitant, même indirectement, des adolescents à s’identifier à des mouvements prônant l’action terroriste », dit-il encore. Pour le tribunal, la ministre, en interdisant le film aux mineurs, a « entaché sa décision d’une illégalité ».

Coréalisateur du film avec le journaliste mauritanien Lemine Ould Salem, le Français François Margolin a accueilli cette décision comme une « immense victoire pour les auteurs de ce film, en même temps que pour les libertés d’expression, de création et d’information ». « Elle vient sanctionner une décision totalement injuste, prise dans le contexte de l’état d’urgence », ajoute sa société Margo Cinéma, productrice de « Salafistes ».