Après l’attentat à Nice, Juppé réitère ses attaques contre le gouvernement depuis Berlin
Après l’attentat à Nice, Juppé réitère ses attaques contre le gouvernement depuis Berlin
Par Frédéric Lemaître (Berlin, correspondant)
Le candidat à la primaire de la droite juge la réaction de Valls et Cazeneuve « suspecte ».
Alain Juppé (Les Républicains), au siège de la CDU, à Berlin, le 18 juillet. | TOBIAS SCHWARZ / AFP
En déplacement à Berlin, lundi 18 juillet, où il a été reçu durant une heure par Angela Merkel – comme Nicolas Sarkozy le 21 juin –, Alain Juppé a, devant la presse, sévèrement critiqué le gouvernement français. Alors que Manuel Valls et Bernard Cazeneuve déplorent les attaques de l’opposition, l’ancien premier ministre assume. « La virulence de la réaction gouvernementale me paraît suspecte », a-t-il commenté, soulignant que « 66 % des Français ne font pas confiance » au président de la République dans la lutte contre le terrorisme. Le candidat Les Républicains à la primaire à droite juge que la « violence » de la majorité est en fait un « rideau de fumée ». « On ne se laissera pas museler » au nom de l’unité de la nation a-t-il dit.
Alain Juppé fait remarquer qu’il a demandé dès janvier le « déploiement des réserves opérationnelles ». Une décision annoncée par le président de la République le 15 juillet. Alain Juppé juge aussi qu’il faut davantage associer la gendarmerie à la lutte antiterroriste et accroître la surveillance sur le terrain, « comme le faisaient les renseignements généraux ».
Pas de « french bashing »
Mais l’ancien premier ministre a aussi tenu à se démarquer du Front national qu’il considère « comme un adversaire » et a rappelé que l’extrême droite, sur les réseaux sociaux, le surnomme « Ali Juppé » parce qu’il refuse de considérer l’islam incompatible avec la République. Le maire de Bordeaux se dit convaincu qu’il faut renforcer la lutte contre la radicalisation dans les écoles et dans les prisons et rappelle qu’il préconise une « police pénitentiaire », idée que semble désormais reprendre le ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas.
Mais, reçu le matin par une quinzaine de responsables économiques puis déjeunant avec une cinquantaine de Français, Alain Juppé s’est gardé de tout « french bashing » face à ses interlocuteurs. Il a proposé à Angela Merkel la tenue d’une conférence internationale de la lutte contre le terrorisme « peut-être dans le cadre du G20 ». Il a insisté pour « tenir compte du message envoyé par le Brexit pour ouvrir un nouveau chapitre de la construction européenne ». Il faut, selon lui, renforcer la coopération fiscale et l’harmonisation sociale au sein de la zone euro, réaffirmer que la Turquie n’a pas vocation à devenir membre de l’Union européenne et que cet objectif ne pourra éventuellement se concrétiser qu’« à moyen terme » pour les Etats des Balkans.
« Botte secrète »
Alain Juppé pense également que la France et l’Allemagne devraient être en mesure de présenter un vrai « projet européen » qui ne peut être que politique. A ses yeux, ce projet passe par la défense et par l’affirmation de l’Union européenne en tant que « puissance ». Il ne croit toutefois pas à une armée européenne et préconise de « commencer par la base » en poursuivant le rapprochement initié des industries de la défense.
S’il estime indispensable de réduire les déficits publics et de réaliser « de 80 à 100 milliards d’euros d’économie », notamment en remplaçant moins de la moitié des fonctionnaires qui cesseront leurs activités durant le prochain quinquennat, Alain Juppé a fait mine de s’interroger : « L’austérité et l’équilibre budgétaire est-elle une fin en soi ? » « Certains en France en doutent », a-t-il reconnu devant les patrons allemands, laissant clairement entendre qu’il faisait partie des sceptiques. Alain Juppé a même défendu une idée plutôt portée par les sociaux-démocrates d’un « plan européen dans les investissements de l’avenir » qui irait au-delà de l’actuel plan Juncker.
Pourquoi réussirait-il à davantage réformer la France que ses prédécesseurs ? « Ma botte secrète est que je ne ferai qu’un seul mandat », a-t-il expliqué. Un argument « qui vaut ce qu’il vaut », a-t-il convenu. Surtout lorsqu’il est prononcé devant des dirigeants allemands qui espèrent bien qu’Angela Merkel fera, elle, un quatrième mandat à partir de 2017.