Après les déclarations fracassantes, le rapport accablant. Lundi 18 juillet, Richard McLaren a rendu publiques ses conclusions sur les soupçons de trucage des échantillons lors des Jeux de Sotchi 2014. Ce juriste canadien avait été mandaté par l’Agence mondiale antidopage (AMA), le 19 mai, à la suite des révélations de Grigory Rodchenkov dans le New York Times, publiées une semaine plus tôt. L’ancien patron du laboratoire antidopage de Moscou, désormais exilé à Los Angeles, évoquait des trafics d’échantillons d’urine lors des derniers Jeux d’hiver, avec la complicité des services secrets et du ministère des sports russe, dans le but de protéger certains sportifs dopés.

Richard McLaren « confirme la véracité générale des informations publiées concernant les échanges d’échantillons qui ont eu lieu » à Sotchi. Mais la triche n’a pas été limitée à cette période olympique. L’auteur du rapport évoque un « système de dopage d’Etat » et souligne « l’étendue de la surveillance et du contrôle étatiques sur le laboratoire de Moscou (…) avant et après les Jeux ». Selon M. McLaren, le secrétaire d’Etat aux sports russe, Yury Nagorniykh, était averti de tous les échantillons positifs détectés par le laboratoire de Moscou « depuis 2011 » et il « décidait qui serait couvert et qui ne serait pas protégé ».

Appelée « disappearing positive methodology », ce système d’escamotage des échantillons positifs, en version française, a permis de protéger des dizaines d’athlètes, dont huit non-russes, lors des Mondiaux d’athlétisme de Moscou, en 2013. « Le personnel du laboratoire de Moscou n’avait pas le choix quant à son implication dans ce système », estime le rapport. Quelques instants après la publication du texte, l’AMA a appelé « le mouvement sportif à empêcher la participation des sportifs russes aux compétitions internationales, y compris les JO de Rio, tant que [la Russie] n’aura pas réalisé un changement de culture ». L’Agence dénonce au passage « les abus de pouvoir, par la Russie, les plus délibérés et choquants jamais vus dans l’histoire du sport ».

Sanction individuelle ou collective ?

La déclaration de l’AMA n’a rien de surprenant. Elle constitue juste une pression supplémentaire vis-à-vis de la Russie. Avant même la publication du rapport, les agences américaine et canadienne avaient demandé l’exclusion de tous les sportifs russes lors des Jeux de Rio (5-21 août), dans une lettre à Thomas Bach, le président du Comité international olympique. Le président du comité olympique russe, Alexandre Joukov, a dénoncé une « campagne planifiée ». A la tête de l’association des comités olympiques européens, l’Irlandais Pat Hickey s’est dit « choqué » par cette demande intervenant avant même la publication du rapport. Il dit avoir été mis au courant de ce courrier par un e-mail de Beckie Scott, présidente de la commission des athlètes de l’AMA.

Pour le ministre des sports Vitaly Moutko, dont l’implication dans le dopage institutionnalisé est soulignée dans le rapport, « il est stupide d’imaginer que notre Etat, qui a injecté des milliards dans le sport, ait pu couvrir quoi que ce soit. A quoi cela servirait ? Aujourd’hui tu peux cacher quelque chose, mais les échantillons restent pendant dix ans et on finira bien par t’attraper. Cela n’a aucun sens ».

Si l’horizon olympique des Russes semble toujours obscur, il demeure surtout très flou. Il appartiendra au CIO de se décider sur leur sort. Même si Thomas Bach a dénoncé, après la publication du rapport, « une atteinte choquante et sans précédent à l’intégrité des sports et des jeux Olympiques » et déclaré que « le CIO n’hésitera pas à prendre les sanctions les plus strictes possibles, contre tout individu et toute fédération impliqués », le président du CIO a rappelé, ces derniers mois, son souci d’« appliquer la justice individuelle ». Et s’est montré peu enclin à mettre en œuvre une sanction collective.

Alors que la fédération russe d’athlétisme est suspendue depuis novembre 2015 par la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), après des révélations de dopage organisé sur fond de corruption, 68 athlètes russes ont porté leur cas devant le Tribunal arbitral du sport, qui doit rendre un avis d’ici jeudi. Mais le dernier mot concernant leur participation ou non à Rio, encore une fois, devrait revenir au CIO.