La justice ordonne à la ville de Nice de supprimer les images de l’attentat, la mairie refuse
La justice ordonne à la ville de Nice de supprimer les images de l’attentat, la mairie refuse
Par Le Monde.fr
Pour « éviter la diffusion non contrôlée des images » de l’attaque, la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire a demandé de les effacer. Une requête inscrite dans la loi.
Des officiers de police établissent des constatations sur le camion qui servi pour l’attentat commis par Mohamed Lahouaiej Bouhlel, le 14 juillet, à Nice. | Francois Mori / AP
Imbroglio entre la ville de Nice et le parquet de Paris. La municipalité n’entend pas satisfaire à une demande de la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire (SDAT) d’effacer près de vingt-quatre heures d’images de la promenade des Anglais pendant et après l’attaque du 14 juillet, à Nice. La justice évoque un souci « d’éviter la diffusion non contrôlée de ces images ». La municipalité, elle, compte demander au procureur de mettre ces images sous séquestre.
Que montrent ces vidéos ?
La SDAT a transmis cette demande mercredi 20 juillet au responsable du centre de supervision urbain de Nice. Dans une réquisition judiciaire, la sous-direction antiterroriste réclame un « effacement complet » des enregistrements entre le 14 juillet 22 h 30 et le 15 juillet 18 heures pour « toutes les caméras ayant vu sur la scène de crime » et particulièrement les six caméras surveillant la promenade des Anglais, filmant l’attentat du 14 juillet.
Au total, sur les 1 256 caméras de vidéosurveillance contrôlées en temps réel au Centre de supervision urbain de la ville par la police municipale, la police nationale, la gendarmerie et le parquet, 140 présentaient des éléments d’enquête intéressants. La demande de la police judiciaire et du parquet concerne donc cette centaine de caméras. La chancellerie précise au Figaro que la requête d’effacement « complet » est justifiée au regard de l’impossibilité de détruire partiellement des images de ces caméras.
Pourquoi la justice réclame leur suppression ?
Dans sa réquisition judiciaire, dont Le Monde a eu connaissance, la SDAT cite les articles 53 et L. 706-24 du code de procédure pénale et de l’article R. 642-1 du code pénal. En vertu de ces textes de loi, la sous-direction antiterroriste demande l’effacement « complet » de vingt-quatre heures d’images. La SDAT précise qu’il s’agit également d’effacer « toutes les copies des enregistrements effectués de la scène de crime réalisées hors cadre judiciaire ».
Cette suppression vise à « éviter la diffusion non contrôlée et non maîtrisée de ces images », a précisé le parquet de Paris. La police nationale confirme qu’il s’agit « d’éviter l’utilisation malveillante de ces dernières par souci de la dignité des victimes et pour éviter la reprise de ces images par les sites internet djihadistes à des fins de propagande ».
« Bien évidemment, ces images ont été placées sous scellé judiciaire », rapporte une source judiciaire. Selon Le Figaro, la sous-direction antiterroriste a envoyé, dès vendredi, des serveurs pour récupérer les 30 000 heures de vidéosurveillance liées à l’attentat.
Que répond la ville de Nice ?
Cette demande de la justice a surpris l’avocat Philippe Blanchetier, qui assiste la ville de Nice, notamment « eu égard à la polémique sur la nature du dispositif policier » déployé le soir de l’attaque. « C’est la première fois de ma vie que je vois une réquisition aux fins d’effacement de preuves, a-t-il dit à Reuters. L’argument avancé de risque de fuite ne tient pas. »
Jeudi, l’avocat a donc écrit à la SDAT pour lui faire savoir que la ville n’entendait pas, en l’état, satisfaire cette réquisition. Dans ce courrier, dont Le Monde a eu copie, il indique que les données seront en principe automatiquement effacées à compter de dimanche soir, comme le prévoit la loi. Les images doivent en effet automatiquement être détruites au bout de dix jours, soit le 24 juillet, même si la loi permet de les conserver durant près d’un mois.
Des suites judiciaires ?
Me Philippe Blanchetier précise toutefois à Reuters qu’il compte saisir le procureur de Nice et le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) d’une demande de conservation de ces données au-delà de la durée légale.
« Si jamais ces images étaient indisponibles, les victimes se verraient privées d’un moyen de preuve d’un éventuel manquement » des autorités en matière de sécurité, dans le cadre d’enquêtes futures, explique-t-il.
La polémique sur les mesures de sécurité mises en place sur la promenade des Anglais de Nice, où 84 personnes ont été tuées dans l’attaque du 14 juillet, a incité jeudi le gouvernement à ouvrir une enquête interne.