Un plan d’urgence pour aider la ville de Grigny
Un plan d’urgence pour aider la ville de Grigny
Par Sylvia Zappi
Sécurité, éducation, culture, santé… Manuel Valls a annoncé, mardi 26 juillet, des moyens substantiels.
Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, en visite à Grigny (Essonne), le 19 mars 2013. | MARTIN BUREAU / AFP
« C’est Noël pour Grigny ! » Philippe Rio, le maire de cette commune pauvre de l’Essonne, n’en revient toujours pas. Invité mardi 26 juillet à Matignon, à l’occasion de la remise du rapport de la mission d’inspection consacrée à l’action de l’Etat sur ce territoire, il a déjà reçu l’assurance qu’un plan d’aide exceptionnelle tenterait de combler les retards dont souffre sa commune. Manuel Valls, accompagné de Patrick Kanner, ministre de la ville, devait rencontrer le maire communiste ainsi qu’une délégation d’habitants.
Au lendemain des attentats de janvier 2015, François Hollande avait reçu l’association des maires de banlieue. A cette occasion, Philippe Rio avait remis au président de la République un « manifeste » où il dénonçait « une inégalité territoriale délibérément organisée » pour sa ville où 45 % des habitants vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Six mois plus tard, le premier ministre entendait cet appel au secours et missionnait l’ancien préfet Michel Aubouin pour un audit général des politiques publiques à Grigny. Les conclusions du rapport que ce haut fonctionnaire a dressé avec six autres inspecteurs sur tous les domaines des politiques publiques – logement, école, sécurité, santé, emploi, formation, politique de la ville – viennent corroborer le constat alarmiste du maire.
Après un rappel des obligations de l’Etat à l’égard de cette commune, qui s’est vu imposer au début des années 1960 deux grandes opérations immobilières – la copropriété de Grigny 2 et la Grande Borne – entraînant une explosion démographique, la bourgade rurale s’est transformée en ville sans équipements publics ni dotations supplémentaires. Les rapporteurs reconnaissent que Grigny « fait partie des territoires de la République en décrochage qui souffrent d’un apartheid social et territorial ».
La déficience linguistique de la population, « massivement étrangère ou d’origine étrangère », explique un échec scolaire important. L’urbanisation est absente dans cette commune qui n’a jamais eu de centre, une grosse part du logement social et de la voirie appartenant à un bailleur défaillant (l’Opievoy). Les carences relevées sont nombreuses et celles de l’Etat le sont tout autant, insiste le rapport, qui souligne que « la plupart des services à la population font cruellement défaut » : plus de bureau de poste, pas de centre de santé, pas de lycée et pas de commissariat.
Surcharge scolaire
Les inspecteurs donnent une importance particulière à la question de la sécurité dans une commune classée en zone de sécurité prioritaire, où plusieurs quartiers sont gangrenés par le trafic de drogue : « L’omniprésence de la délinquance locale qui impose son “couvre-feu” à l’heure où commencent les trafics de stupéfiants, qui ralentit les travaux de rénovation des quartiers, constitue une contrainte insupportable », écrivent-ils. Ils réclament ainsi une « remise aux normes urgente » des moyens policiers dans la circonscription. Et mettent l’accent sur le taux de chômage « inquiétant » dans un tissu urbain qui accueille pourtant des entreprises dynamiques, ainsi qu’une coordination défaillante entre Pôle emploi et acteurs de la formation professionnelle.
Enfin, ils mettent en lumière le décalage entre les efforts qui sont demandés à la ville en matière de scolarisation et les moyens alloués. « Le déficit de la commune [Grigny a été plusieurs années placée sous surveillance de la chambre régionale des comptes] est la conséquence d’une situation de fait. A population égale, la commune scolarise deux fois plus d’écoliers qu’une commune de même strate », constate l’étude. La surabondance des grands logements à la Grande Borne et la suroccupation de la copropriété dégradée de Grigny 2 entraînent une surcharge scolaire évaluée à un surcoût de 2 millions d’euros par an.
Le rapport propose ainsi 41 recommandations pour sortir la commune de l’eau. Le gouvernement a retenu plusieurs pistes en dégageant des moyens substantiels. La délégation grignoise devrait en effet entendre le premier ministre annoncer des mesures qui devraient être annexées au contrat de ville. Sur le plan sécurité, une dizaine de fonctionnaires de police viendront renforcer le commissariat de Juvisy, tandis que les moyens alloués à l’investigation contre le trafic de stupéfiants et à la médiation seront augmentés.
Côté éducation aussi, un vrai effort, avec le passage de 8 à 13 maîtres surnuméraires pour prendre en charge les élèves en difficulté en primaire, la hausse de 700 à 800 heures de dotation globale pour les collèges, des crédits en plus pour la formation linguistique, ainsi qu’un soutien au centre de formation et de professionnalisation en difficulté financière. Quant à la culture et à la santé, autres secteurs sinistrés à Grigny, la ville va recevoir 90 000 euros par an sur trois ans de la direction régionale des affaires culturelles et voir l’ouverture d’un centre médico-psycho-pédagogique en plus du centre de santé promis.
« C’est la première fois que notre situation criante est objectivée par une étude de l’Etat », se satisfait M. Rio. « Nous allons peut-être avoir les moyens de ramener la République dans nos quartiers populaires », espère l’élu, qui entend bien, avec ce rapport, aller frapper aux portes de la région comme du département. Le délégué du gouvernement, nommé mardi 26, devrait l’y aider.