Les contribuables recevront à l’été 2017 le taux de prélèvement à la source qui leur sera appliqué, sur la base des revenus 2016 déclarés. | PHILIPPE HUGUEN / AFP

Quelques jours après l’annonce des grandes lignes de la réforme du prélèvement à la source préparée par le gouvernement, vous nous avez interrogés sur le partage de l’impôt au sein du couple, sur les crédits d’impôt et autres réductions durant l’année de transition. Pour y répondre, nous avons sollicité l’aide de Florent Belon, consultant chez Fidroit.

Pour rappel et selon le calendrier prévu, les contribuables recevront à l’été 2017 le taux de prélèvement à la source qui leur sera appliqué, sur la base des revenus 2016 déclarés. Au 1er janvier 2018, leur impôt sera directement prélevé sur leur fiche de paie (pour les salariés) ou leurs relevés de pensions et allocations, sur la base de ce taux. L’impôt sera ainsi payé chaque année : en 2017 pour les revenus de 2016, et en 2018 sur les revenus 2018.

  • L’impôt et le couple
« Comment l’impôt sera-t-il partagé dans le couple ? L’impôt sera-t-il divisé par deux ? Ma femme gagnant nettement moins que moi peut-elle être moins ponctionnée sur sa fiche de paie ? »

« L’impôt continuera à être calculé au niveau du foyer fiscal », a assuré le ministre des finances, Michel Sapin. « A priori, par défaut, le taux sera le même pour les membres du couple. Imaginons que le taux est de 8 %. Si le premier conjoint perçoit 1 000 euros de salaire net il sera prélevé 80 euros, et si son conjoint perçoit 2 000 euros de salaire net il sera prélevé 160 euros », explique Florent Belon, consultant chez Fidroit.

Bercy a aussi précisé que le couple pourrait opter pour des taux d’imposition différents. « Les modalités restent à définir, mais cela permettra, en cas de disparité de salaire au sein du foyer, que la rémunération nette d’un des conjoints ne soit pas trop grevée par l’impôt », poursuit M. Belon.

« En cas de naissance, et donc de nouvelle part fiscale au sein du couple, l’administration fiscale calculera-t-elle le nouveau taux “immédiatement” ou lors de la déclaration annuelle ? »

« Il est déjà possible, actuellement, de demander à ce que le montant des acomptes provisionnels ou de la mensualisation soit diminué à la suite d’une demande du contribuable anticipant une imposition plus faible », note M. Belon.

Et cela devrait toujours être possible puisque Bercy a fait savoir dans son dossier de presse que « l’administration recalculera[it] le taux de prélèvement et, si ce taux d[eva]it être effectivement revu, elle transmettra[it] ce nouveau taux à l’employeur ou ajustera[it] les acomptes ».

  • Foyer fiscal avec plusieurs types de revenus
« Notre foyer fiscal perçoit deux salaires et des revenus fonciers. Aujourd’hui l’avis d’imposition est unique et les conjoints choisissent comment et sur quoi ils payent leur impôt sur le revenu. Que devient ce cas avec le(s) prélèvement(s) à la source ? »

Le calcul de l’impôt n’est pas modifié, seul son paiement l’est. « Le prélèvement sera en partie à la source sur les salaires, comme indiqué ci-dessus, et une autre partie [sur les revenus fonciers notamment] sera réalisée sous forme d’acompte dont les modalités restent à préciser. Est-ce que ce sera un pourcentage des loyers, un acompte fixe mensuel ou trimestriel… les précisions sont attendues au plus tard dans le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté en juin », précise M. Belon.

  • Salarié ayant plusieurs patrons
« Enseignant universitaire, je travaille parfois aussi pour des entreprises privées de façon ponctuelle. Quand c’est le cas, je suis ponctuellement salarié de ces entreprises, au moyen d’un CDD d’usage. Comment mon impôt va-t-il être prélevé ? »

L’administration fiscale enverra le taux de prélèvement à tous vos employeurs et chacun prélèvera ce pourcentage sur ce qu’il vous verse.

  • Crédit et réduction d’impôts
« J’emploie plusieurs personnes pour des travaux à domicile [ménage, jardin, petits travaux…]. Je déduis de mes impôts le montant légal correspondant qui est calculé par le chèque emploi service universel [CESU]. Etant retraité, cela représente une part non négligeable du montant total. Avec le prélèvement à la source, comment cela va-t-il se passer ? Vais-je être imposé plein pot tous les mois sur ma retraite avec une régularisation en fin d’année ? »

« Le taux de retenue calculé par l’administration fiscale devrait en théorie tenir compte de ces avantages fiscaux. Dès lors, chaque mois vous serez prélevé d’un montant qui intégrera ces réductions d’impôt. Puis la situation sera “régularisée” à partir de la déclaration annuelle. Si vous avez au final été trop prélevé, car par exemple vous avez versé plus de CESU que l’année précédente, le fisc vous reversera le trop-perçu. À l’inverse si vous n’avez pas été prélevé suffisamment car par exemple vous avez versé moins de CESU que l’année précédente, vous devrez verser un complément au cours des quatre derniers mois de l’année », répond M. Belon.

Les contribuables devront, en effet, continuer d’envoyer une déclaration annuelle de revenus, chaque printemps. Ce sera l’occasion de déclarer l’ensemble des sources de revenus et des avantages fiscaux dont vous avez bénéficié.


« En 2017, je continuerai d’employer une assistante maternelle pour la garde de mon fils de moins de 6 ans, né en 2013. Je bénéficie d’un crédit d’impôts pour les dépenses que je supporte après déductions des aides perçues. Comment pourrai-je bénéficier de ce crédit d’impôts si les revenus de 2017 ne sont pas imposables ? Ce crédit d’impôts est possible de la naissance de l’enfant à ses 6 ans. Perdrai-je alors une année de ce crédit d’impôts ? »

Bercy a dit que le bénéfice des réductions et crédits de l’année 2017 serait conservé. « Ils devraient être reportés sur les revenus 2018, souligne M. Belon. D’ailleurs, un rapport du conseil des prélèvements obligatoires, réalisé en février 2012, recommandait de conserver les avantages fiscaux des dépenses vis-à-vis de tiers [emploi de salarié à domicile] et des dépenses choisies [dons aux œuvres, investissements]. »

« Comment les réductions d’impôts accordées dans le cadre des programmes immobiliers de défiscalisation seront-elles maintenues ? »

« Comme indiqué ci-dessus, les réductions d’impôts obtenues dans ce cadre devraient être reportées sur les revenus 2018. Il pourrait en être ainsi pour la réduction d’impôt pour frais de scolarité pendant l’année 2017. En théorie, et même si votre enfant n’est plus scolarisé en 2018, vous devriez bénéficier de cet avantage fiscal », explique M. Belon.

  • Le cas des revenus fonciers
« Les locataires vont-ils devenir des collecteurs d’impôts comme les employeurs ? Et à quel taux ? »

Il n’y a pas prélèvement à la source pour les revenus fonciers. « Les bailleurs vont verser un acompte au Trésor public, dont le montant pourrait être calculé par rapport au loyer de l’année précédente », avance M. Belon.

  • Peut-on maximiser « l’année blanche » ?
« Avec cette transition au prélèvement à la source, les revenus de l’année 2017 sont totalement en franchise d’impôt ! En 2016 on paie l’impôt sur les revenus de 2015, en 2017 on paie l’impôt sur les revenus de 2016 et en 2018 on paie l’impôt sur les revenus de 2018. Clairement c’est une aubaine fiscale pour tous ceux qui peuvent maximiser leurs revenus sur 2017 en reportant les revenus de 2016 ou anticipant ceux de 2018. »

Ne rêvez pas, des mécanismes antioptimisation devraient être prévus. « La déclaration de revenus annuelle permettra de détecter les contribuables qui ont artificiellement gonflé leurs revenus en 2017, prévient M. Belon. Or le rapport de février 2012 avance notamment l’idée d’imposer le supplément de revenu perçu lors de l’“année blanche” par rapport à la moyenne des années antérieures. »