La colère des Aborigènes d’Australie, moqués par un dessin
La colère des Aborigènes d’Australie, moqués par un dessin
Par Caroline Taïx (Sydney, correspondance)
Choqués par une caricature publiée dans le quotidien « The Australian », des centaines de pères de famille réagissent sur les réseaux sociaux.
Le dessin qui a sucité la polémique. | Bill Leak/"The Australian"
Un père enlaçant sa fille en tutu. Un autre portant fièrement son petit garçon. Un jeune diplômé entouré de deux hommes, certainement son père et son grand-père. Ils ont un point commun : tous sont aborigènes d’Australie. Ces photos de famille, et des centaines d’autres, ont été diffusées sur Twitter, depuis samedi 6 août, avec le mot-clé #IndigenousDads, en réponse à une caricature parue dans The Australian. Ce quotidien conservateur a choisi le 4 août, journée dédiée aux enfants aborigènes en Australie, pour publier un dessin qui n’en finit pas de faire polémique. On y voit un policier ramenant un adolescent à son père. Mais ce père aborigène, bière à la main, certainement saoul, interroge, à propos du jeune : « C’est quoi son nom ? »
Les réactions n’ont pas tardé à tomber pour dénoncer la caricature « raciste ». « Cela implique que les parents aborigènes n’aiment pas leurs enfants, qu’ils sont tous fainéants et alcooliques », a fustigé, consterné, le chef de file des Verts, Richard Di Natale. Le ministre des affaires aborigènes, Nigel Scullion, a jugé que ce dessin, « de très mauvais goût », reproduisait un « stéréotype raciste ». La banque Suncorp et le festival d’Adelaïde ont annoncé le retrait de campagnes publicitaires du journal.
Quand Joel Bayliss, un Aborigène travaillant dans la justice des mineurs, a vu le dessin, il a ressenti beaucoup de colère, a-t-il expliqué sur la radio publique ABC. Puis il a cherché à transformer ce sentiment « en quelque chose de positif ». Il a alors simplement envoyé sur Twitter, samedi, une photo de lui et ses deux enfants avec les mots suivants : « Je suis un père aborigène fier. » En quelques heures, les souvenirs de famille, les photos personnelles, les déclarations d’amour de pères aborigènes se sont multipliées. Le créateur de la série à succès « Cleverman », l’Aborigène Ryan Griffen, a tweeté : « Non seulement je connais le prénom de mon fils, mais en plus, j’ai créé un super-héros qui porte son nom. » Un responsable de la ligue de rugby pose en photo à la pêche avec son fils et écrit : « Moi et mon plus jeune enfant… Et un poisson ! Pas une cannette de bière ! »
Le quotidien The Australian a pris la défense de son dessinateur, Bill Leak. Le journal « est fier de (…) contribuer au débat national sur le sujet crucial des affaires aborigènes », a écrit le rédacteur en chef, Paul Whittaker. Le journal reproche à d’autres médias de « nier l’existence d’un problème sérieux ». La question de la place des indigènes dans la société australienne est à nouveau particulièrement sensible, depuis qu’un documentaire a montré, fin juillet, des mineurs, principalement aborigènes, victimes de maltraitance dans une prison. Les Aborigènes représentent 3 % de la population australienne, mais plus de la moitié des détenus de moins de 17 ans.