Des paraplégiques recouvrent une capacité de mouvement
Des paraplégiques de longue date recouvrent une capacité de mouvement
Le Monde.fr avec AFP
Une étude fait état d’avancées « surprenantes » obtenues grâce à une interface cerveau-machine, sans implantation de puce, d’électrode ou de stimulateur dans le corps, ont annoncé leurs auteurs.
Pour la première fois, des personnes paraplégiques depuis des années (entre trois et treize) ont pu recouvrer des sensations et un contrôle partiel de leurs jambes grâce à un programme de rééducation cérébrale et physique innovant. Les chercheurs à l’origine de cette méthode ont publié jeudi 11 août les résultats de leur étude dans la revue Scientific Reports.
« Jusqu’à présent, personne n’avait observé la récupération de ces fonctions chez un patient tant d’années après un diagnostic de paralysie complète » des membres inférieurs, rapporte le docteur Miguel Nicolelis, spécialiste des neurosciences de l’université américaine Duke (Caroline du Nord), qui a dirigé cette étude menée au Brésil.
Ces avancées « surprenantes » et « sans précédent » ont été obtenues au bout d’un an avec ce qu’on appelle une interface cerveau-machine (système de liaison directe entre le cerveau et un ordinateur), sans aucune implantation de puce, d’électrode ou de stimulateur dans le corps.
Une immersion dans la réalité virtuelle
Chacun des huit patients paralysés des deux jambes a dû s’imaginer en train de marcher à l’aide d’un avatar virtuel. Ce qui a permis de faire réapparaître la représentation des membres inférieurs dans son cerveau. La rééducation a probablement réactivé des nerfs de la moelle épinière qui avaient survécu au traumatisme à l’origine de la paraplégie (accident de voiture, chute…). « Il peut s’agir d’un petit nombre de fibres nerveuses résiduelles, mais suffisantes pour véhiculer des signaux de la zone du cortex moteur du cerveau à la moelle épinière », explique le docteur Nicolelis.
La rééducation a combiné une immersion intensive dans la réalité virtuelle, renforcée par des signaux visuels et tactiles (donnant la sensation de toucher le sol) reçus par le patient, et des exercices physiques, notamment sur tapis roulant. Le matériel inclut également des exosquelettes, des structures de soutien du corps pour la marche activées par la pensée.
Une patiente peut désormais s’asseoir et conduire
Avec cet entraînement, les patients ont pu effectuer des mouvements volontaires. Au bout d’un an, les sensations et le contrôle musculaire de quatre patients s’étaient suffisamment améliorés pour que les médecins requalifient le niveau de leur paralysie, de paraplégie totale à partielle. Au bout de vingt mois, ce nombre est passé à sept, selon le responsable de l’étude. La plupart des patients ont également bénéficié d’une amélioration du contrôle de leur vessie et du fonctionnement de leur intestin, réduisant ainsi leur dépendance aux laxatifs et aux sondes, et donc le risque d’infection, l’une des principales causes de décès parmi eux.
Les meilleurs résultats ont été enregistrés chez deux femmes, paralysées depuis plus de dix ans et sans aucune sensation dans la partie inférieure de leur corps. Une vidéo montre l’une d’entre elles bouger volontairement ses jambes, soutenue par une sorte de harnais. Une de ces patientes peut maintenant s’asseoir et conduire. L’une d’elles a aussi pu, « pour la première fois, sentir son bébé (son deuxième enfant) et les contractions » lors de son accouchement, selon le chercheur.
Des patients masculins ont également fait état d’une amélioration de leur sexualité. « Certains d’entre eux ont recouvré la possibilité d’avoir des rapports sexuels, des érections », dit le docteur Nicolelis.
Une autre étude est prévue pour déterminer combien de temps il serait souhaitable de poursuivre cette rééducation, même allégée.
En 2012, des chercheurs de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, en Suisse, avaient montré qu’avec une stimulation chimique, puis électrique, et un entraînement physique soutenu, des rats rendus paraplégiques par une lésion de la moelle épinière avaient pu remarcher comme avant.