Assa (au milieu), sœur d’Adama Traoré, lors du rassemblement pour demander la vérité sur la mort de son fère, devant la gare du Nord, à Paris, le 30 juillet. | DOMINIQUE FAGET / AFP

Adama Traoré, 24 ans, était-il sous l’emprise de drogue ou d’alcool au moment de son interpellation, le 19 juillet dans le Val-d’Oise, lors de laquelle il a trouvé la mort ? Cette question, en marge de celle — toujours en suspens — des circonstances exactes de sa mort, est au cœur des débats entre le procureur de Pontoise et la famille du jeune homme.

Jeudi 11 août, Yves Jannier, procureur de Pontoise, a affirmé que la victime, inhumée dimanche au Mali, avait consommé du cannabis, « moins de douze heures avant le décès », probablement « une à deux heures avant ». Il s’exprimait dans le cadre d’une instruction en cours au tribunal de grande instance de Pontoise, démarrée le 20 juillet, au lendemain de la mort d’Adama Traoré.

Deux expertises différentes

Le procureur contredit ainsi les informations communiquées mercredi par l’avocat de la famille d’Adama Traoré, Yassine Bouzrou. Ce dernier avait en effet assuré que les analyses toxicologiques démontraient « une absence de médicaments et de stupéfiants, et également une absence d’alcool ».

Selon le procureur, cette contradiction s’explique par le fait que deux expertises ont été effectuées sur le corps du jeune homme, mais qu’elles n’ont pas abouti au même résultat. L’une, réalisée à partir d’un scellé contenant « des vomissures » d’Adama Traoré, conclut à l’absence de médicaments, de stupéfiants et d’alcool. Mais la seconde, réalisée à partir de prélèvements sur le corps, conclut à une consommation de cannabis uniquement.

Après cette communication d’Yves Jannier, Me Bouzrou a réagi à l’AFP en précisant que ce second rapport d’expertise n’avait « pas été notifié aux parties ». Interrogé par L’Express, il a ajouté : « Je suis très réservé à ce sujet. La dernière fois que le procureur a communiqué sur une expertise, il a donné de fausses informations », en évoquant les déclarations publiques d’Yves Jannier fin juillet, selon lesquelles l’autopsie d’Adama Traoré n’avait pas relevé de « trace de violence significative » et ne mentionnant pas les « manifestations asphyxiques » décrites dans un rapport d’autopsie.

Deux plaintes contre les forces de l’ordre

Les résultats de ces analyses toxicologiques marquent une nouvelle zone d’ombre dans le drame ayant conduit à la mort d’Adama Traoré. D’après les rapports d’autopsie, consultés par Le Monde, la mort du jeune homme trouve son origine dans un « syndrome asphyxique aspécifique » : Adama Traoré a manqué d’oxygène. Mais il n’a pas encore été déterminé à ce jour si cette asphyxie avait été causée par la technique dangereuse utilisée par les gendarmes pour le plaquer au sol, ou par la probable pathologie cardiaque dont il souffrait, ou encore par la conjonction de ces deux facteurs.

Yassine Bouzrou a affirmé avoir déposé, au nom de la famille, deux plaintes dénonçant l’attitude des forces de l’ordre pendant et après l’arrestation. L’une d’elles devait être adressée au procureur de Pontoise, qui dit n’avoir rien reçu. Après la mort d’Adama Traoré, plusieurs communes ont connu des nuits d’affrontements entre jeunes et forces de l’ordre. Dans ce contexte tendu, le parquet a rapidement semblé vouloir écarter la piste de l’usage excessif de la force par les gendarmes.