Bernardinho parle à ses joueurs durant la défaite 3-1 contre l’Italie, qui a compromis les chances de qualification du Brésil. | Matt Rourke / AP

Au Brésil, le prototype de l’entraîneur charismatique et fort en gueule exerce en volley-ball. Et cet entraîneur devenu figure nationale sera sur le banc de l’équipe nationale masculine, dans la nuit de lundi à mardi (3 h 30), pour un match qui peut décider de l’avenir de l’équipe de France de volley à Rio.

Bernardo Rezende, dit Bernardinho pour sa petite taille – pour un volleyeur –, n’avait pas du tout prévu de disputer face à l’imprévisible « Team Yavbou » un match décisif pour sa survie dans le tournoi olympique. Mais l’Italie, par une défaite malheureuse ou stratégique contre le Canada, pousserait les favoris français et brésiliens à s’entretuer dans cette finale du groupe A.

L’élimination prématurée de la Seleçao de volley-ball serait à la fois un traumatisme et une monumentale surprise, puisque le Brésil n’a pas quitté le podium des championnats du monde depuis cinq éditions, et a toujours été dans les huit meilleures nations masculines aux Jeux olympiques depuis Mexico, en 1968.

« Peut-être simplement que je porte chance »

Le volley est une religion au Brésil et Bernardinho en est le pape. On vient même le voir pour des miracles, comme le gymnaste Diego Hypolito, venu le consulter avant les qualifications pour savoir comment oublier ses chutes des Jeux olympiques de Londres et Pékin. Après cette conversation, Diego Hypolito n’est pas tombé. Dimanche, il a obtenu la médaille d’argent au sol. Bernardo Rezende s’amuse : « Ce n’est pas forcément que je donne des bons conseils, peut-être simplement que je porte chance. »

Porter chance aux Jeux olympiques ? On peut trouver mille qualités à Bernardinho. Mais pas celle-là. L’ancien passeur de l’équipe nationale dispute ses neuvièmes Jeux olympiques : deux comme joueur,  un comme adjoint de l’équipe masculine, deux à la tête de l’équipe féminine, quatre comme sélectionneur des hommes. Il n’a conquis qu’une fois l’or, à Athènes, pour trois médailles d’argent et deux de bronze. Le ratio n’est pas très impressionnant pour l’entraîneur de l’une des plus grandes nations de volley au monde.

Le prestige de l’entraîneur aux cheveux gris et aux fines lunettes rectangulaires reste cependant indéniable au Brésil, à tel point que le parti social-démocrate (PSDB) l’a convaincu de participer à sa campagne pour le gouvernement de Rio de Janeiro en 2014. C’est que son palmarès dans les autres compétitions impressionne, et surtout qu’il n’a jamais – hormis en début de carrière – cédé aux sirènes du volley européen ni aux salaires qui vont avec.

« Il cherche toujours l’innovation »

« Valeu ! » | MARCELO DEL POZO / REUTERS

Il a préféré construire, chez les femmes puis chez les hommes, un système de formation et d’entraînement qui assure la prospérité du volley-ball brésilien. « Bernardinho a mis en place un système quasiment parfait. On peut déplacer les pièces et changer les noms sans altérer la qualité de l’équipe », affirmait le passeur de l’équipe nationale, Marlon, en 2011.

« Il cherche toujours l’innovation dans le jeu, fait évoluer ses joueurs », observe le sélectionneur français Laurent Tillie, admiratif de « sa longévité au haut niveau » et de sa capacité à entraîner filles et hommes en même temps. Suivant son exemple, Laurent Tillie entraînera la saison prochaine les filles de l’AS Cannes en même temps que l’équipe de France masculine.

Volubile, bilingue et rarement inintéressant, Bernardinho cumule ses activités de sélectionneur et entraîneur de l’équipe féminine de Rio de Janeiro avec celles de conférencier et d’investisseur. Diplômé d’économie à l’université catholique de Rio, il a investi dans une chaîne de restaurants, de salles de sport et de cours en ligne. Il a aussi associé son nom à la création d’écoles de volley réparties dans plusieurs régions du pays.

Malgré son air sévère et ses coups de gueule, il est réputé proche de ses joueurs, parmi lesquels son fils Bruno Rezende, passeur et surnommé... Bruninho.

« On a l’impression d’être Michael Phelps »

Après leur victoire inaugurale contre le Mexique, le père et le fils, capitaine, avaient fait face à la presse brésilienne et internationale pour une conférence de presse sans saveur. Le sélectionneur, qui a commencé à jouer au volley sur la plage de Copacabana, n’avait quitté son air austère qu’au moment d’évoquer son sentiment de disputer les Jeux olympiques dans sa ville natale :

« C’est formidable de venir au Maracanazinho [le grand stade de volley de Rio] et de sentir cet enthousiasme, mais je me suis conditionné pour ne pas penser à tout ça, pour la prendre comme une autre compétition importante.
La seule différence, c’est le soutien. Partout où l’on va, on a l’impression d’être Michael Phelps, Rafael Nadal ou les basketteurs américains, car les gens nous connaissent. Parfois, je suis plus connu que certains athlètes qui sont des stars mondiales ! La femme de ménage, au village olympique, veut prendre une photo... Les gens ont l’opportunité de rencontrer des gens qu’ils voient normalement uniquement à la télé, c’est une sensation formidable de leur offrir ça. Mais pour le reste, j’essaye de ne pas me laisser envahir par l’émotion. »

Elle viendra peut-être en début de nuit à Rio, si d’aventure le Brésil sort par la petite porte. Bernardinho, que sa fille de 15 ans regrette de voir trop peu, n’a pas dit s’il continuerait à guider le volley brésilien jusqu’en 2020.