Y a-t-il plus de racisme en Corse qu’ailleurs en France ?
Y a-t-il plus de racisme en Corse qu’ailleurs en France ?
Par Antoine Albertini (Bastia, correspondant)
Les dernières données de la Commission nationale consultative des droits de l’homme font état d’un niveau de violence à caractère raciste comparable à celui des autres régions françaises.
Un graffiti "arabi fora" ("les arabes dehors") à Ajaccio en Corse le 28 décembre 2015. | PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP
Les Corses sont-ils racistes ? Les débordements qui ont suivi l’agression de pompiers dans un quartier sensible d’Ajaccio le jour de Noël viennent relancer un débat nourri d’épisodes xénophobes passés, bien réels, mais dont la portée est souvent surévaluée, ou interprétée à la lumière d’analyses simplifiées, pour ne pas dire simplistes. N’y a-t-il pas, du reste, une forme de xénophobie à prêter à l’ensemble d’une population des penchants racistes ?
De fait, médias et politiques soulignent volontiers les flambées de haine – parfois incontestables – de certains insulaires mais s’attardent peu sur les (nombreux) exemples d’intégration réussie, sur la fréquence des mariages mixtes, et évoquent rarement les relations apaisées entre communautés après des événements qui, ailleurs, peuvent susciter heurts et violences.
A la suite de la tuerie de Charlie Hebdo le 7 janvier, une tête de sanglier fraîchement découpée avait été accrochée à la poignée de la porte d’un lieu de culte, à Corte, dans le centre de la Corse, seul acte xénophobe signalé dans l’île. Après les attentats de Paris en novembre, ni insultes, ni menaces, ni actions violentes n’ont été commises en Corse, à la différence de faits constatés sur le Continent.
Une banalisation de la violence des discours
Les dernières données disponibles de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (2013) font état d’un niveau de violence à caractère raciste globalement comparable à celui des autres régions françaises – il est même parfois nettement inférieur, et pratiquement inexistant en ce qui concerne l’antisémitisme (la Corse indépendante de Pascal Paoli garantissait, dès le milieu du XVIIIe siècle, une liberté totale de culte et l’île de Beauté se targue d’avoir protégé « ses » Juifs pendant la seconde guerre mondiale).
La xénophobie, pourtant, est parfois très palpable. Dans une parole décomplexée. Sur les murs des villes où fleurit le haineux slogan « Arabi fora » – les Arabes dehors, en langue corse. Comment l’expliquer ? Par l’empreinte encore vivace de la religion catholique et un rejet de l’Islam ? Par un refus pur et simple de l’autre aggravé par la crise économique – un puissant vecteur d’exclusion ? Par le choc démographique qui a vu la population insulaire s’accroître de quelque 45 000 nouveaux arrivants en l’espace de quelques années ?
En réalité, la virulence des récents événements illustre surtout la banalisation, dans l’île, de la violence des discours, des attitudes et – parfois – des pratiques. Mais si elle diffère sur la forme de ce l’on peut observer sur le Continent, le fond, lui, reste identique ainsi que le rappelait sur FranceTv Info la sociologue Liza Terrazzoni, chercheur à l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales) et spécialiste de la question : « Quand des violences qui sont recensées comme racistes (…) se produisent en Corse, on remarque qu’elles s’inscrivent dans un pic de violences à l’échelle nationale, et cela depuis les années 1980. »