JO 2016 : le grand plongeon de la natation française à Rio
JO 2016 : le grand plongeon de la natation française à Rio
Par Adrien Pécout (Rio de Janeiro, envoyé spécial)
La disqualification d’Aurélie Muller est le dernier écueil d’une semaine noire pour les nageurs français qui n’ont pas réitéré leurs exploits de Londres en 2012.
Aurélie Muller a été disqualifiée de sa course de 10 km en eau libre. | Gregory Bull / AP
Sur la plage de Copacabana, Philippe Lucas a promené deux fois sa paire de lunettes de soleil blanches et son short assorti. Torse nu, cheveux toujours aussi longs, quatre colliers et une accréditation au cou, l’entraîneur s’est d’abord présenté à la presse pour parler podium olympique et médaille d’argent, lundi 15 août, à Rio. Puis il est revenu.
Entre-temps, l’annonce est tombée au micro des organisateurs : Aurélie Muller, sa nageuse, disqualifiée ! « Un parpaing pris dans la gueule », poétise Lucas. A peine le temps de terminer deuxième du 10 km en eau libre que, déjà, la Française devait renoncer au podium. La licenciée du club de Sarreguemines aurait commis un acte déloyal juste avant la ligne d’arrivée, selon le juge arbitre, pour s’assurer la deuxième place. « Elle m’a plongé la tête sous l’eau », maintiendra Rachele Bruni, la nageuse italienne, en conférence de presse.
Larguée au large du littoral carioca
Avec la disqualification de Muller en eau libre, et avant le 10 km masculin du jeune Marc-Antoine Olivier, prévu mardi, voilà la Fédération française de natation larguée au large du littoral carioca. La première semaine de ces Jeux olympiques, elle avait déjà coulé dans le bassin du centre aquatique Maria-Lenk. Seulement deux médailles d’argent, au relais 4 × 100 m masculin, puis sur 50 m avec Florent Manaudou. Loin des sept récompenses – dont quatre en or – obtenues aux JO de Londres en 2012.
Tout l’état-major français avait déjà dû sacrifier, samedi, à une conférence de presse expiatoire. Le tout sur fond de critiques externes et de tragi-comédies parmi les nageurs, le premier relayeur du 4 × 200 m, Jordan Pothain, ayant reproché à Yannick Agnel de les « avoir [abandonnés] en [leur] disant qu’il était malade ».
Est-ce parce qu’il est critiqué pour ce bilan que Francis Luyce a choisi lundi l’offensive ? Le long de l’avenue Atlantica, que surplombe un fort militaire, le président de la « fédé » est venu à la rencontre des journalistes pour dénoncer « une grande injustice ». Estimant « honteux » et « inqualifiable » le sort d’Aurélie Muller, le dirigeant s’est surtout livré à un exercice discutable d’insinuations.
« Il y a quand même des zones troubles », a-t-il avancé pour évoquer les bénéficiaires du malheur français. Derrière la Néerlandaise Sharon van Rouwendaal, première en 1 h 56 min 32 s, et partenaire d’entraînement d’Aurélie Muller, se classent désormais l’Italienne Rachele Bruni et la Brésilienne Poliana Okimoto. « Comme par hasard, une Italienne deuxième. Comme par hasard, une Brésilienne troisième. Ça ne vous interroge pas ? En tous les cas, moi, ça m’interroge. »
Allusif, le dirigeant ne précisera pas davantage sa pensée. Ni sur la délégation italienne, déjà mieux lotie que la France lors des épreuves en bassin avec une médaille d’or et deux de bronze. Ni sur le fait qu’une nageuse du pays hôte monte sur la troisième marche du podium, sous les applaudissements des spectateurs brésiliens.
Un président contesté
Il n’empêche. Ces déclarations à l’emporte-pièce traduisent la fébrilité d’un homme contesté et pourtant appelé, dans l’exercice de ses fonctions, à devoir faire œuvre de diplomatie. Francis Luyce, 69 ans dont déjà vingt-trois à la présidence de la FFN, est aussi au Brésil en tant que chef de toute la délégation française aux Jeux de Rio.
Lundi, la FFN a déjà déposé deux recours auprès des organisateurs pour faire invalider la sanction visant sa nageuse mosellane, championne du monde 2015, dans ce marathon aquatique qu’est le 10 km en eau libre. « Le premier a été refusé, le second est en cours », dit-on à la fédération.
L’affaire pourrait aussi aller plus loin, promet Luyce, jamais en reste d’une déclaration. Le Nordiste annonce avoir « l’intention de porter réclamation auprès du Comité international olympique » pour obtenir gain de cause et précise avoir déjà l’appui de Denis Masseglia, président du Comité national olympique sportif français. Joint lundi soir, ce dernier n’a pas répondu aux sollicitations du Monde.
Dans ce vacarme, la principale intéressée fait également silence. En larmes, Aurélie Muller a quitté les lieux en vitesse, peu après l’annonce de sa disqualification.
JO 2016 : « A mi-parcours, la France est plutôt décevante »
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