Donald Trump, lors d’une réunion de campagne, le 17 août à New York. | CARLO ALLEGRI / REUTERS

La forme va rejoindre le fond. En plaçant mercredi 17 août un franc-tireur réputé pour son goût pour la polémique, Stephen Bannon, qui dirigeait jusqu’à présent le site Breitbart News, à la tête d’une équipe de campagne incarnée depuis quelques semaines par le très policé Paul Manafort, Donald Trump, le candidat républicain à la présidentielle du 8 novembre, a manifestement tranché entre les deux options politiques qui s’offraient à lui.

Lorsqu’il s’était adjoint en mars les services de M. Manafort, un consultant chevronné, M. Trump avait ouvert la voie à une mue « présidentielle » ouvertement souhaitée par la direction républicaine. Cette dernière s’était réjouie du limogeage, en juin, du directeur de campagne du milliardaire, Corey Lewandowski, qui avait défendu jusqu’au bout une autre ligne, celle de « laisser Trump être Trump ».

Confronté à des intentions de vote en baisse, déjà menacé par son adversaire démocrate Hillary Clinton dans plusieurs Etats indispensables pour espérer l’emporter dans moins de trois mois, le magnat de l’immobilier semble tenté de revenir au style abrasif qui a assuré sa popularité auprès d’une base républicaine entrée en rébellion contre la direction du Grand Old Party. Empêtré dans des révélations publiées mardi par le New York Times sur la nature de ses liens avec l’ancien président ukrainien Viktor Ianoukovitch, M. Manafort n’a pas été en position d’user de son influence pour maintenir le cap d’une campagne plus classique.

« Leni Riefenstahl du Tea Party »

Ancien officier de marine passé par Goldman Sachs, M. Bannon, 62 ans, a été réalisateur de plusieurs documentaires politiques engagés dont le dernier est basé sur l’enquête à charge de Peter Schweizer, Clinton Cash. Figure tutélaire de Breitbart News depuis la mort de son fondateur, en 2012, il n’a rien de l’expert politique généralement réquisitionné pour relancer une campagne en difficultés. Cette tâche reviendra à une spécialiste des sondages politiques et des batailles électorales, Kellyanne Conway. Cette dernière, qui collaborait déjà avec M. Trump, a également intégré mercredi la direction de son équipe.

Stephen Bannon lors d’une réunion de campagne du candidat républicain Donald Trump, le 17 août à New York. | CARLO ALLEGRI / REUTERS

Ce qu’apporte en revanche M. Bannon est une puissance de feu et une pugnacité que le site réputé pour ne pas faire de prisonniers a fait siennes. Il y a longtemps que le public qui se presse aux meetings du milliardaire s’abreuve à ce type de source d’information, préféré aux médias traditionnels conspués pour leurs supposés parti-pris. Dans un portrait publié par l’agence Bloomberg en 2015, l’agitateur qui ne cache pas son mépris pour les principaux responsables du Parti républicain était ainsi qualifié d’agent politique « le plus dangereux des Etats-Unis ». L’article précisait que le fondateur de Breitbart News, pour témoigner de son admiration, avait qualifié M. Bannon de « Leni Riefenstahl du mouvement Tea Party » dans une allusion à la propagandiste en chef du IIIe Reich.

Aile droite de la galaxie conservatrice

En dépit de son manque d’expérience, l’arrivée de M. Bannon à un poste aussi stratégique n’étonnera guère les lecteurs d’un site qui a embrassé depuis des mois la campagne du magnat de l’immobilier. Situé à l’aile droite de la galaxie conservatrice américaine, Breitbart News a même été rebaptisé Trumpbart par ses critiques républicains. Lorsqu’une altercation avait opposé en mars à M. Lewandowski une journaliste du site, Michelle Fields, cette dernière s’était sentie à ce point lâchée par son employeur qu’elle s’était résignée à démissionner de Breitbart News. Cinq autres personnes avaient quitté le site pour protester contre le traitement brutal réservé à la journaliste, qui a rejoint depuis le Huffington Post.

Il y a quelques jours encore, Breitbart News sonnait la charge contre le « speaker » républicain (président) de la Chambre des représentants, Paul Ryan, à l’occasion des primaires auxquelles il se soumettait, multipliant sans succès les articles aux titres incendiaires mêlant la rumeur au commentaire communs à tous les forums populistes. L’arrivée de M. Bannon aux côtés de M. Trump risque donc de raviver les tensions internes au sein du camp conservateur alors que le candidat a désespérément besoin d’élargir sa base pour espérer relancer sa campagne.