Le plan de départ, c’était l’infirmerie du parc olympique. Toujours rigolo, les infirmeries des lieux très fréquentés. J’étais un jour entré dans celle de Roland-Garros, et j’en étais ressorti avec des histoires de sandwich à la mayonnaise avariée, d’araignée coincée dans une oreille, et de syncope à cause de Patrick Bruel.

Cette fois-ci, j’avais bon espoir de tomber sur de traditionnelles insolations, des bronchites à l’air conditionné, des indigestions aux hamburgers en carton, des spectateurs assommés par la chute d’une caméra, des gueules cassées entre supporteurs brésiliens et argentins, des jambes arrachées par les caïmans du parcours de golf, et évidemment un cas de Zika ou deux.

Las ! comme on dit dans le jargon olympique.

Notre époque étant ce qu’elle est, il n’est plus possible d’avoir une conversation de dix minutes avec un être humain sans mettre le doigt dans la décourageante chaîne de la communication, laquelle vous mène d’un interlocuteur qui ne peut pas vous répondre à un second qui ne sait pas à quel troisième vous devez vous adresser pour obtenir l’autorisation de parler au premier. L’enfer. A Rio, il est plus facile de poser une question à Michael Phelps qu’à une infirmière, contractuellement réduite au silence.

Au bout de trois quarts d’heure de tours en rond et en bourrique, je décidai à l’unanimité d’abandonner le plan initial, beaucoup trop contraignant pour un article qui ne s’annonçait pas non plus, sachons le reconnaître, comme le papier de la quinzaine.

Toute cette horripilante opération eut le mérite de me faire plonger dans les coulisses, et en partant à la recherche du type qui aurait éventuellement pu me donner l’autorisation d’aller voir quelqu’un qui verrait ce qu’il pourrait faire pour mon histoire d’infirmerie, je me suis retrouvé dans ce qu’il faut bien qualifier de bas-fonds du parc olympique, le côté obscur, l’envers du décor, bref, ce que France Télévisions veut vous cacher, mais que la presse libre se fait un devoir de vous révéler : la laideur.

Les Jeux olympiques, derrière les belles arènes, ce sont des kilomètres de grillages et de câbles, des tonnes d’échafaudages et de détritus, de la terre, de la caillasse, des flaques boueuses, des conduits d’où sort un air chaud malsain, des projecteurs qui vous aveuglent, des engins de chantier, des préfabriqués, des néons glauques, des soldats.

J’ai fini par m’extraire de ces curieuses zones intermédiaires, plus perplexe que jamais au sujet de la magie des Jeux. Et c’est là que je suis tombé sur le carnaval de Rio. Disons sur le carnavalinho. Disons sur le carnavalininho. Bon, disons sur un type qui chantait à l’aide d’une sono crachottante, entouré de quelques danseuses à plumes. Mais quand même.

"Cidade maravilhosa" au parc olympique
Durée : 01:19

Vous avez ci-dessus un condensé de ce qui peuple ce drôle de lieu depuis dix jours : les gens de toutes les couleurs, les maillots de football par milliers, les poom-poom shorts, les collectionneurs de gobelets en plastique jaunes, les smartphones en l’air, et même un petit Vinicius discret.

Un peu de « vraie vie » dans cette zone artificielle, sans âme et loin de tout qu’est le parc olympique, des centaines de gens qui se mettent à chanter et danser instantanément au passage du cortège, une bonne humeur communicative, la scène faisait plaisir à voir. Avec, comme cerise sur le brigadeiro, un danseur fou qui a fait une entrée directe dans le top 10 des personnages mémorables de ces JO.

Un danseur complètement maboule au parc olympique
Durée : 00:36

Voilà, c’était le parc olympique de Rio 2016, mercredi 17 août, entre 18 et 19 heures.

PS. Au chapitre des Cidade maravilhosa, celui de Caetano Veloso, quand même.

Caetano Veloso: Cidade Maravilhosa
Durée : 02:07