Incendies dans le comté de San Bernardino en Californie le 17 août. | PATRICK T. FALLON / REUTERS

Huit foyers importants, 10 000 pompiers mobilisés : le front des incendies s’élargit en Californie. Après cinq années de sécheresse, le répit accordé au printemps par le retour des précipitations sur la Sierra Nevada n’a pas suffi pour repousser la menace. « Et on est seulement en août, s’alarme le pompier Michael Wakoski. On se croirait en octobre. » Le pic de la saison des incendies dans l’Ouest américain se situe à l’automne, quand la végétation, rôtie par l’été, ne demande qu’à s’enflammer.

Le feu le plus dangereux – un brasier d’une intensité « sans précédent », selon M. Wakoski, interrogé par le Los Angeles Times – s’est déclaré mardi 16 août sur le chemin dit de « Blue Cut » au col Cajon (1 151 m), près de San Bernardino, à 100 km à l’est de Los Angeles. Sous l’effet du vent, les flammes ont été aspirées dans le canyon et se sont propagées comme une tornade de feu, à une vitesse qui a stupéfié les pompiers. En quelques heures, le foyer avait doublé de volume et dévasté une zone de 120 km2 de maquis desséché. Quelque 32 000 maisons étaient menacées. Le gouverneur de Californie, Jerry Brown, a précipitamment déclaré l’état d’urgence dans trois comtés concernés. Plus de 80 000 habitants ont reçu l’ordre d’évacuer. Mais beaucoup essayaient de retarder le moment de partir, espérant sauver leur maison.

Spectaculaire incendie à l’est de Los Angeles

39 dégrés dehors

L’autoroute I25, qui conduit de Los Angeles à Las Vegas, a été fermée, ainsi que la route 138 qui y mène. Vingt-quatre heures après le départ du feu, la circulation n’avait pas été rétablie et des dizaines de poids lourds étaient parqués sur les bas-côtés. La localité de Rightwood, où les Angelenos viennent faire du ski l’hiver, a été transformée en village fantôme. Summit Inn, un diner (restaurant des années 1950) de la légendaire route 66, fréquenté en son temps par Elvis Presley, a été réduit en cendres. Les pompiers ont fait venir des chiens d’avalanche pour les aider à localiser d’éventuelles victimes. Une dizaine de districts scolaires ont fermé en raison de la pollution atmosphérique. La température était encore mercredi de 39 degrés.

Jeudi matin, le « Blue Cut Fire » n’était maîtrisé qu’à 4 %, selon Cal Fire, l’agence de lutte contre les incendies, alors que 1 300 pompiers et 152 engins étaient en action. Le gouvernement fédéral a mobilisé une équipe de coordination des ressources, venues de tout le pays.

Des pompiers luttent contre le feu dans le comté de San Bernardino en Californie le 17 août. | PATRICK T. FALLON / REUTERS

Un suspect arrêté

Par comparaison, les autres feux inquiètent moins les pompiers. Au nord de Big Sur (partie de la côte californienne comprise entre Carmel et San Simeon), l’incendie qui s’est déclaré le 22 juillet est maîtrisé à 60 %. La célèbre route 1, qui longe la côte Pacifique, a été rouverte le 15 août après des travaux de déblaiement. L’incendie, provoqué par un feu de camp interdit, a détruit 57 résidences et causé la mort d’un homme.

Toujours en Californie du Nord, à trois heures de route de San Francisco, le « Clayton Fire », qui brûle depuis le 13 août dans le comté de Lake, est contenu à 40 %. Le feu a ravagé 11 km2 de forêts et détruit 175 maisons et commerces. Des flammes ont envahi jusqu’au centre-ville de la localité touristique de Lower Lake. Il n’était contenu qu’à 40 % mercredi.

La police a arrêté un suspect, qui a été mis en examen mercredi pour 17 chefs d’accusation d’incendie criminel. Damin Pashilk, 40 ans, avait été incarcéré en 2007 pour possession de drogue et d’armes à feu. En prison, il avait été sélectionné parmi les détenus employés pendant l’été comme auxiliaires des pompiers. Une mission convoitée par les prisonniers, selon le San Francisco Chronicle : elle leur donne une qualification tout en leur permettant d’échapper pendant quelques mois au confinement.

Les incendies criminels ne sont pas rares en Californie. En 2014, la police a arrêté le responsable du « King Fire » (400 km2), Wayne Huntsman, qui avait pris un selfie au départ du feu. L’homme purge une peine de vingt ans. Deux autres pyromanes, condamnés à la peine capitale, attendent leur exécution à la prison de San Quentin : Rickie Fowler, auteur d’un incendie qui a détruit plus de 1 000 habitations au-dessus de San Bernardino en 2003. Il avait essayé de se venger d’un parent qui habitait dans la zone. Raymond Oyler a été reconnu coupable d’avoir utilisé allumettes et cigarettes pour allumer un feu dans la région de Riverside en 2006. Cinq pompiers avaient été tués.

Après le passage de Blue Cut Fire. | ROBYN BECK / AFP

« Vivre avec le feu »

Les pyromanes ne sont pas pour autant les principaux responsables des incendies. Selon le Los Angeles Times, la plupart des feux ont des causes accidentelles. Mais une énorme proportion est due aux humains. Sur quelque 8 000 feux signalés en 2015, moins d’un millier sont provoqués par la foudre. En 2016, 4 808 incendies ont déjà été enregistrés (dont 115 d’origine naturelle). Le record date de 2008, avec quelque 10 000 brasiers.

La Californie est propice aux incendies, par sa végétation de type méditerranéen, son climat aride et sa topographie. « Vivre en Californie, c’est vivre avec le feu », rappelle Cal Fire, en recommandant aux résidents de préparer un paquetage pour les urgences. Le problème est cependant aggravé par le réchauffement climatique, ainsi que par l’accroissement démographique et l’étalement urbain. La population est de plus en plus présente dans les zones sauvages. Plus de 8 millions de personnes possèdent des propriétés et des installations dans les déserts de broussailles, pins de montagne ou maquis, qui constituent une bonne partie du paysage de la Californie.