Présidentielle : Montebourg lance sa candidature anti-Hollande
Présidentielle : Montebourg lance sa candidature anti-Hollande
Par Bastien Bonnefous
L’ancien ministre a annoncé, dimanche, sa candidature à l’élection présidentielle. Il a également donné les détails de son programme et dénoncé le « gâchis » du quinquennat de François Hollande.
Arnaud Montebourg prononce son discours au cours de la fête populaire de Frangy-en-Bresse, dimanche 21 aout 2016 - 2016©Jean-Claude Coutausse / french-politics pour Le Monde | Jean-Claude Coutausse / french-politics pour Le Monde
La forme et le fond. Arnaud Montebourg a soigné les deux, dimanche 21 août, pour l’annonce de sa candidature à la présidentielle, lancée depuis Frangy-en-Bresse lors de sa « fête » traditionnelle de rentrée. Fini le plateau de bois façon kermesse d’école, installé sur la pelouse du terrain de foot derrière la petite mairie du village. Place, cette année, à un vrai chapiteau en dur, avec drapeaux tricolore et européen, et pupitres de campagne, cerné par trois grandes affiches bleu-blanc-rouge siglées « Montebourg » d’un côté et
« Le Projet France » de l’autre. Avec à chaque fois, le même code couleur repris - des rayures blanches - pour rappeler la marinière qui a fait le succès populaire et médiatique du chantre du « made in France » lors de son passage au ministère de l’économie.
L’ancien patron de Bercy a décidé de n’oublier aucun détail pour devenir le futur président de la France. Et Frangy devait être « la première étape d’une longue marche vers l’Elysée », lâche,
grandiloquent, le conseiller régional d’Ile-de-France, François Kalfon, nouveau bras droit d’Arnaud Montebourg et directeur de campagne putatif.
Entouré des frondeurs
Même s’ils ne sont pas légion, l’ex ministre affiche ses soutiens à ses côtés : les élus frondeurs Patrice Prat, Laurent Baumel et Aurélie Filippetti, sa compagne, les députés socialistes Philippe Baumel et Jean-Pierre Blazy. Invités surprises, la présidente de la commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale, Catherine Lemorton, le député socialiste Pierre-Alain Muet, proche de Martine Aubry et ancien conseiller de Lionel Jospin, le sénateur PS Gaëtan Gorce ou la députée « chevénementiste » Marie-Françoise Bechtel. Christophe Lantoine, son ancien bras droit au conseil général de Saône-et-Loire puis à Bercy, parti dans le privé ces derniers mois, est lui aussi de retour, signe que les affaires sérieuses reprennent. Seul absent, son ami Aquilino Morelle qu’il consulte toujours, qui avait été son directeur de campagne durant la primaire en 2011, avant de rejoindre François Hollande à l’Elysée puis d’être écarté du Château en 2014 suite à « l’affaire du cireur de chaussures ».
Arnaud Montebourg arrive à la fête populaire de Frangy-en-Bresse, dimanche 21 aout 2016 - 2016©Jean-Claude Coutausse / french-politics pour Le Monde | Jean-Claude Coutausse / french-politics pour Le Monde
Pas question, pour cette cuvée, de faire dans le Montebourg boute-en-train, qui se donne en spectacle devant les caméras et invective de sa voix forte les uns et les autres. Il faut faire sérieux pour faire président. Il arrive sur les lieux, à l’heure du déjeuner, dans une berline Renault « Initiale », qui ne dénoterait pas rue du Faubourg-Saint-Honoré. Pas un mot au flot de micros qui avancent avec lui, pour s’asseoir directement à sa place et avaler le poulet de Bresse, avant de faire le tour des tables, au son d’un jazz-band, pour saluer ses supporters. Même le « ban » bourguignon, tradition vocale et gestuelle de l’événement, ne prend pas, cette année. Trop festif…
Le quinquennat de François Hollande, un « gâchis »
Sur le fond, Arnaud Montebourg a voulu aussi voir plus grand : depuis Frangy, il a choisi de parler au pays, aux Français, pas seulement aux socialistes. Lui est candidat à la présidentielle, la primaire organisée en janvier par le PS, il verra plus tard, si sa cote réelle
est suffisamment taillée pour lui. Et surtout si François Hollande y participe ou pas. Si le chef de l’Etat devait annoncer, en décembre, qu’il concourra au scrutin interne du PS, pas sûr qu’Arnaud Montebourg lui emboîte le pas. Il n’a guère l’intention de l’affronter en terrain miné, et préférera sans doute faire route seul.
Ses troupes ne goûtent pas non plus l’idée de devoir demain batailler avec leurs camarades socialistes concurrents, au premier rang desquels Benoît Hamon, qui s’est lui aussi déclaré candidat mardi dernier. « On est dans la dimension présidentielle, pas dans le énième congrès du PS », résume Laurent Baumel. « Les petites combines des uns, les petits accords des autres, les Français en ont marre ! Il faut clarifier, parler net. Le passage est étroit, mais il faut foncer ! Qu’Arnaud tire, tout droit, sans s’arrêter ! », s’enflamme Patrice Prat, qui a rompu avant l’été avec le PS.
Dans son discours d’une heure et demie, devant plus d’un millier de personnes, Arnaud Montebourg tire. Avec une cible principale : François Hollande et son quinquennat qu’il a pourtant rendu possible il y a quatre ans et auquel il a participé pendant vingt-sept mois, jusqu’à son renvoi tonitruant fin août 2014. Ce quinquennat qu’il qualifie désormais de « gâchis », de « grande occasion manquée » du fait du « conformisme technocratique » et de la « soumission aux idées adverses ». « Il m’est impossible, comme à des millions de Français, de
soutenir l’actuel président de la République », lance-t-il sous les applaudissements. Pour Arnaud Montebourg, un second mandat de François Hollande n’est « pas possible » et « pas souhaitable ». S’adressant directement au chef de l’Etat, son ancien ministre l’exhorte à abandonner : « Je lui demande de bien réfléchir à sa décision, de bien considérer les faits, de prendre en compte l’intérêt général du pays, la faiblesse inédite et historique qui est la sienne au regard des Français, d’affronter sa conscience et sa responsabilité et de prendre la décision qui s’impose ».
« Organiser le retour de la France »
Le positionnement de campagne se dessine au fil des paragraphes : Arnaud Montebourg, candidat de la « démondialisation » en 2011 veut être en 2017 celui de la fin de l’austérité et de la souveraineté française retrouvée, pour « organiser le retour de la France ». Le candidat qui dit non à la fois à Bruxelles et à la direction du Trésor. Le candidat du « plein-emploi » pour les « ouvriers, artisans, employés, commerçants, retraités, cadres, agriculteurs, fonctionnaires ».
Annulation des hausses d’impôts décidées depuis 2011, 80 % des marchés publics réservés aux PME, « renégociation » de la loi travail, suppression de la directive européenne sur les travailleurs détachés, création d’une grande banque nationale pour cautionner les emprunts des petites entreprises, utilisation de l’assurance-vie pour soutenir les finances des PME… Il égrène les propositions de son « projet France ». Un projet « socialiste, mais pas seulement ». Un projet « écologiste », « républicain », de « la gauche ancrée dans la réalité, qui préfère l’efficacité aux slogans du prêt à porter idéologique ».
Fidèle à sa ligne contre « l’ordolibéralisme européen », il « ne s’interdit pas de dépenser de l’argent » - sans donner de chiffrage - et promet, s’il est élu, de « dépasser » les traités européens et d’imposer à l’UE l’abandon par la France de la règle des 3 % de déficit public. Sur le plan institutionnel, le promoteur - déjà ancien - d’une VIe République creuse son sillon et propose le tirage au sort de citoyens pour remplacer les sénateurs, la réduction du nombre de députés et leur élection à la proportionnelle intégrale, la restauration du septennat non renouvelable, ou l’instauration d’un « spoil system » à la française pour changer la haute administration à chaque alternance politique. Le tout englobé dans un « référendum » constituant organisé « dès l’été 2017 ».
Questions sécuritaires
Mais Arnaud Montebourg est conscient que pour être entendu de l’opinion en ces temps troublés de crimes terroristes et de polémiques identitaires, il doit aussi aller sur le terrain régalien, moins familier pour lui. La présidentielle se jouera sur les questions sécuritaires, auxquelles le nom de Montebourg n’est pas naturellement associé. Pour « refaire France », outre le renforcement des services de renseignement, l’ancien avocat de profession propose donc de rétablir le service militaire national, supprimé par Jacques Chirac, par un service obligatoire d’au moins six mois et égalitaire pour les hommes et les femmes. « Une nouvelle fois, le peuple va devoir organiser les conditions de son sursaut », précise-t-il. Mais ce passage-là est le plus faible, celui aussi où il se permet le moins de critiques de l’exécutif en place, déportant ses flèches vers le précédent quinquennat Sarkozy.
« Je suis revenu pour agir, pour m’engager et cette fois pour réussir ». À huit mois du premier tour de la présidentielle, Montebourg se rêve en une sorte de De Gaulle de gauche, monstre politique moderne, capable d’incarner tout à la fois l’anti-Hollande, l’anti-Valls et l’anti-Macron. L’ambition est grande et le temps est court. Pour l’instant loin du compte, y compris au niveau des parrainages présidentiels qu’il refuse de chiffrer, il espère que son appel de Frangy, censé parler au-dessus des partis, sera rapidement entendu dans l’opinion et dans les sondages, seul moyen pour lui de s’imposer à gauche. Vaste programme.