Stagiaires : comment survivre au monde de l’entreprise ?
Stagiaires : comment survivre au monde de l’entreprise ?
Propos recueillis par Séverin Graveleau
Dans un « guide de survie » des stagiaires qui paraît ce mardi 23 août, l’auteure et scénariste Samantha Bailly décortique avec humour les aléas de la vie d’un stagiaire, de l’entretien d’embauche au pot de départ, avec des conseils pour y faire face.
Samantha Bailly. | Jade Sequeval [2016]
« Ce livre t’aidera à écrire une lettre de motivation sans motivation, à survivre aux entretiens d’embauche, à sourire aux managers qui ne se souviennent pas de ton prénom, à décrypter le langage obscur de l’entreprise, à gérer les afterworks qui dérapent ». Ainsi commence Stagiaires : le guide de survie, de Samantha Bailly. Dans cet ouvrage pratique et humoristique, qui paraît mardi 23 août chez Larousse, l’auteure et scénariste de 27 ans reprend la problématique de son roman Les stagiaires, prochainement adapté au cinéma : à savoir cette collision entre la « génération Y » et le monde du travail que constitue le stage en entreprise version 2016.
De la « quête du Saint Graal » qu’est la recherche du stage au « vide intersidéral » lorsqu’il touche à sa fin, en passant par « le syndrome de l’intrus », la « désillusion », « l’espoir » ou la « frustration » ; Samantha Bailly raconte toutes les étapes et états d’esprits du stagiaire confronté au monde de l’entreprise. Les conseils pratiques (lettre de motivation, CV, rapport de stage, etc.) alternent avec de truculentes descriptions des différents types de managers (le tyran, le pervers, le rigolo, le dépressif, etc.), des espaces d’expression « défoulatoires » du type « la véritable lettre que tu voudrais adresser » à un employeur, des « playlists de sauvetage » à écouter pour se détendre, jusqu’à un « bon pour un CDI à présenter à son supérieur pour qu’il y appose sa signature ». Entretien avec l’auteure de ce guide qui veut rappeler aux stagiaires que, in fine, « sous le vernis professionnel, il est toujours question d’êtres humains ».
Qu’est ce qui vous a décidée à écrire ce livre ?
Le stage correspond à un bizutage social face auquel beaucoup de stagiaires peuvent se sentir démunis. Ce livre puise à la fois dans mes propres expériences de stage – même si j’ai plutôt été chanceuse en la matière –, et dans celles de mon entourage. Pour l’écrire, je me suis posé la question « qu’est ce que j’aurais aimé savoir en tant que stagiaire ? ».
Il s’agit donc d’un guide avec des conseils pratiques, mais qui aborde aussi la question du stage de manière humoristique, pour dédramatiser ce moment anxiogène. Car, comme dans une relation amoureuse, passées les premières semaines de découverte, le stagiaire peut avoir des moments de désillusion, lorsque ses attentes se confrontent à la réalité. On trouve enfin dans ce livre une dimension plus sociologique et une réflexion sur le rapport au travail, le rôle de l’entreprise et la précarité, sur cette confrontation – nouvelle pour le stagiaire – entre le « moi véritable » et le « moi au travail » attendu.
A quoi ça sert, finalement, un stage ?
Pour le stagiaire, c’est un rituel initiatique. Celui du premier pas dans le monde de l’entreprise où il est confronté à une situation paradoxale : il n’est ici que « de passage », mais on lui demande quand même un investissement important. C’est un carrefour entre les études et la vie active. C’est une découverte des savoirs et savoir-être nécessaires pour travailler.
Pour l’entreprise, ce stage est censé avoir un objectif de formation du jeune, c’est en tout cas ce que dit la loi. Mais, quand on voit toutes les tâches demandées, ainsi que le niveau de qualification requis… le stage consiste souvent à fournir le travail d’un employé lambda. Mais un employé plus vulnérable, plus précaire, qui ne pourra pas faire appel aux services de Pôle Emploi derrière. J’essaie d’aider les stagiaires à se positionner au sein de ce rapport de vulnérabilité avec l’employeur.
Le stagiaire n’est-il pas, avant tout, attendu sur le « savoir-être », sa capacité à montrer qu’il a intégré les codes de l’entreprise ?
Il peut en effet y avoir un choc entre ce à quoi le jeune s’attend et la réalité. Et ce choc est sans doute plus important lorsqu’on vient de l’université que d’une école de commerce, par exemple, où les liens avec le monde de l’entreprise sont traditionnellement plus forts. Le stagiaire est bel et bien attendu sur le « savoir » et sur les compétences, mais il ne pense pas toujours au « savoir-être ». C’est ce qui est surprenant, et donc source de piège pour lui.
On décrit souvent l’entreprise comme un milieu normé avec une organisation et des règles strictes. Mais il y a beaucoup d’humain derrière, de relations interpersonnelles. On attend donc du stagiaire qu’il fasse preuve d’observation – car les cultures d’entreprises sont différentes les unes des autres – et d’adaptation, qu’il observe mais aussi qu’il propose, qu’il soit présent sans trop prendre de place, qu’il comprenne comment on compose avec différents types de managers, etc.
Trois conseils « de survie » aux futurs stagiaires ?
Comme déjà dit, je leur conseillerais d’abord de prendre le temps (pas trop !) d’observer le milieu dans lequel ils arrivent pour comprendre ce qu’on attend d’eux. D’essayer de comprendre, aussi, cet écosystème qu’est l’entreprise, dans lequel ils vont devoir montrer qu’ils sont capables de se trouver une place. Il est aussi primordial de relativiser cette période stressante en se focalisant sur son propre parcours, en se disant qu’on est bien là pour apprendre, et que c’est une période temporaire.
Mais, même si on est là que pour quelque temps, que cette première expérience n’aboutit pas tout de suite, il ne faut pas oublier de penser à l’avenir et à son réseau. Car les cercles professionnels sont en général petits, on se souviendra de vous d’une manière ou d’une autre. Il est important d’utiliser ce moment pour commencer à tisser du lien professionnel.
A la fin de votre ouvrage, les lecteurs peuvent y découper un « bon pour un CDI »…
C’est un clin d’œil au monde de l’entreprise. Car malgré la multiplication des stages, ce contrat à durée indéterminée (CDI) reste un objectif pour beaucoup de jeunes en quête de stabilité professionnelle. Même si la précarité, et la multiplication des solutions alternatives de type freelance, peut aussi ouvrir le champ des possibles. J’avais imaginé dans un premier temps un « bon pour un CDD », car c’est souvent l’étape intermédiaire avant l’embauche. Mais je me suis fait un petit plaisir en disant « Nous, on te le donne, ce CDI ». Une manière de dire que ce contrat n’est pas qu’une licorne.
Stagiaires : Le guide de survie ! - Samantha Bailly - Ed. Larousse, août 2016 - 9,95 €