« Fab lab manageur » : un nouveau métier en quête de candidats
« Fab lab manageur » : un nouveau métier en quête de candidats
Par Margherita Nasi
Des profils variés (curieux, informaticiens, designers) pour un métier hybride qui commence tout juste à se professionnaliser.
« Quand ces ateliers consacrés aux projets collaboratifs se développent, à partir des années 2000, ils sont essentiellement fréquentés par des passionnés » (Photo: page d’accueil du site du fab lab ICI Montreuil. Capture d’écran. http://www.icimontreuil.com). | DR
Un jour, il faut accueillir cette femme qui vient frapper à la porte du « fab lab » – littéralement contraction de « fabrication laboratory » (laboratoire de fabrication) – avec son baladeur cassé. Un autre, il s’agit d’accompagner le sommelier d’un grand hôtel qui a mis au point une machine et de transformer ses croquis en réalité. Un autre encore, il faut réaliser des installations dessinées par un musée. Et en parallèle, il faut gérer les demandes des 160 résidents de ce lieu atypique.
Le quotidien de Pierric Verger au fab lab ICI Montreuil est dense et varié. Logistique, animation, conseil, prototypage… autant de compétences requises pour un seul métier : celui de fab lab manageur.
Une profession plutôt récente, tout comme les fab lab. Quand ces ateliers consacrés aux projets collaboratifs se développent, à partir des années 2000, ils sont essentiellement fréquentés par des passionnés. Mais ils gagnent vite en visibilité, attirant même l’attention des entreprises classiques. C’est alors que le métier de fab lab manageur se professionnalise.
Le profil type du fab lab manageur ? Plutôt un homme, né en 1980, diplômé en informatique ou en design, occupant le poste de « fab manageur » depuis un an. C’est ce qui ressort de l’enquête menée en 2014 sur cette profession en effervescence par Makery, un média d’information en ligne sur les « lab ». Mais le portrait-robot s’arrête là. En réalité, c’est surtout de la diversité de l’écosystème des fab lab, des pratiques et des profils dont témoigne le questionnaire.
Première promotion en mars 2016
Quand il s’agit de décrire les compétences exigées pour son travail, Pierric Verger hésite. Entre la gestion des résidents, la demande de prestations, la recherche de partenaires, le métier suppose différentes qualités. En premier lieu, la curiosité : il faut s’intéresser à tout ce qui se passe dans l’atelier.
« Quand j’ai des questions sur des projets, je n’ai pas forcément la réponse, mais si je connais bien la communauté du fab lab, je saurai vers qui orienter mes interlocuteurs. C’est autant du management de projet que d’individus », estime le trentenaire, qui souligne aussi l’importance de la communication. « Le public ne se rend pas compte de tout ce qu’on peut faire dans ces lieux. Il faut savoir fédérer les artisans qui sont dans les environs, notre but, c’est aussi de relancer l’économie locale. »
L’animation d’un fab lab est un métier à part entière et ne s’improvise pas. C’est ce qui a poussé Laurent Ricard, cofondateur du fab lab de l’université de Cergy-Pontoise, à lancer une formation dédiée : « Souvent, on recrute des ingénieurs, des techniciens, car dans l’imaginaire collectif, le fab lab est essentiellement technologique. Mais c’est passer à côté de l’essentiel du métier, et généralement, au bout d’un moment, on s’en rend compte. »
La première promotion du « diplôme métier facilitateur », sortie en mars, regroupe une dizaine de personnes aux profils variés : des salariés d’entreprises qui souhaiteraient implanter un tiers lieu au sein de leur structure, des consultants en innovation qui veulent en savoir plus sur les fab lab afin de pouvoir mieux en parler, mais aussi ceux qui occupent déjà un poste de fab lab manageur et souhaitent se professionnaliser. La demande de formation a doublé entre la première et la deuxième promotion.
D’abord « un état d’esprit à intégrer »
Si les formations spécifiques se multiplient – comme la renommée Fab Academy, lancée par le Massachusetts Institute of Technology (Etats-Unis) –, rares pourtant sont celles qui dépassent le seul aspect technologique, regrette Laurent Ricard, qui insiste sur le côté administratif, relationnel et commerçant du métier.
Même son de cloche auprès de Pierric Verger, sceptique quant à l’utilité de diplômes dédiés : « Une formation accélérée pour apprendre à se servir des machines, pourquoi pas. Mais c’est surtout un état d’esprit qu’il faut intégrer : comment encadrer, échanger et mettre en relation une communauté aussi variée ? »
Enfin dernier problème : la reconnaissance administrative. Difficile de faire rentrer un cours sur le métier de fab lab manageur dans le cadre de la formation continue, déplore Laurent Ricard : « Aujourd’hui, vous vous rendez à Pôle emploi en leur expliquant être en reconversion pour devenir “facilitateur”, ça peut être compliqué. Tout dépend de votre interlocuteur… »