Lors d’un meeting à Cleveland, le 17 août. | MARK MAKELA / REUTERS

Editorial Les énormités proférées sans relâche par le candidat républicain à la Maison Blanche, Donald Trump, ont fait passer au second plan les embarras de son adversaire démocrate, Hillary Clinton, qui pourraient paraître anodins si elle n’avait de très sérieuses chances de devenir la ­prochaine présidente des Etats-Unis. A deux mois et demi de l’élection, l’in­terminable saga des courriels de Mme Clinton lorsqu’elle dirigeait le département d’Etat et la controverse sur les conflits ­d’intérêts de la fondation de son mari continuent de jeter le doute sur son éthique personnelle. Le soupçon s’est installé dura­blement, si durablement qu’il est devenu l’un des facteurs imprévisibles de la campagne.

Au cœur de ces controverses, savamment entretenues et relancées par la droite, se trouve une approche très clintonienne de la transparence et de l’influence. C’est une marque de fabrique des Clinton, une sorte d’arrangement familial avec la vie publique qui a conduit le couple le plus politique du monde à tester en permanence les limites de la légalité et la frontière entre leurs affaires personnelles et publiques depuis le début de la carrière de Bill Clinton en Arkansas.

Absence de rigueur inquiétante

L’affaire des courriels, que la secrétaire d’Etat Hillary Clinton envoyait et recevait sur un serveur personnel au lieu d’utiliser l’infrastructure officielle du département d’Etat, vient de rebondir avec la publi­cation, à la demande d’un groupe de pression conservateur, d’une nouvelle série de correspondances. Ces courriels, qui portent en partie sur les liens entre la fondation caritative présidée par Bill Clinton et la diplomatie américaine que dirigeait sa femme, confirment une absence d’étanchéité entre les deux entités qui, si elle ne paraît pas avoir débouché sur des faveurs illégales, traduit une légèreté et une absence de rigueur inquiétantes à un tel niveau de responsabilité.

Aux yeux des Clinton, ces incessantes poursuites relèvent de la persécution politique

Plus personne aux Etats-Unis ne compte les heures d’enquêtes et d’auditions, ni les kilomètres de rapports qui ont été consacrés par les institutions judiciaires et politiques les plus variées aux « affaires » Clinton depuis vingt-cinq ans. Bill et Hillary Clinton ont la fâcheuse habitude de ne finir par dire « la vérité, toute la vérité, rien que la vérité » que poussés dans leurs derniers retranchements, le dos au mur. S’ils finissent toujours par échapper au peloton d’exécution, ils n’en sortent jamais complètement indemnes, ni condamnés ni incontestablement blanchis. A leurs yeux, ces incessantes poursuites relèvent de la persécution politique de la part d’une droite obsessionnelle qui les hait ; cette accusation n’est pas infondée, mais s’ils ne prêtaient pas eux-mêmes le flanc, par leur négligence ou leurs ambiguïtés, à ces poursuites, elles auraient beaucoup plus de mal à prospérer.

Confiance des électeurs

Les Clinton ont prouvé tout au long de leur ascension qu’ils avaient le cuir épais. Mais la candidate Clinton doit aujourd’hui impérativement redresser sa campagne. Son incapacité à anticiper ce type de polémiques et son manque de vigilance sur les conflits d’intérêts potentiels avec la fondation de son mari, en partie financée par de généreux donateurs étrangers, entament la confiance des électeurs. Ils posent aussi des questions sur sa détermination à changer d’attitude lorsqu’elle sera au pouvoir. Et, plus grave, en la mettant à la merci d’un nouveau scandale à tout moment, ils font peser une menace permanente sur ses chances de battre Donald Trump.