En Espagne, le blocage persiste malgré la formation d’une coalition de droite
En Espagne, le blocage persiste malgré la formation d’une coalition de droite
Par Isabelle Piquer (Madrid, correspondance)
Mariano Rajoy n’ayant pas la majorité nécessaire pour rester premier ministre, un nouveau scrutin est envisagé pour la fin décembre.
Le premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, et le chef du parti Ciudadanos, Albert Rivera, au Parlement de Madrid, le 27 août 2016. | PIERRE-PHILIPPE MARCOU / AFP
Mariano Rajoy n’a besoin que de six voix pour rester chef du gouvernement mais, à moins d’un revirement de dernière minute, il n’a aucune chance de les obtenir. Après l’accord conclu avec la formation libérale Ciudadanos, le chef de la droite espagnole se heurte toujours au no catégorique du Parti socialiste ouvrier espanol (PSOE), qui devrait faire échouer sa tentative d’investiture devant le Parlement, prévue pour le mardi 30 août.
« Nous avons réussi à additionner 170 sièges, mais cela ne suffit pas », a reconnu M. Rajoy lors d’une conférence de presse officialisant son pacte avec Ciudadanos. Même avec le soutien de la députée de la coalition nationaliste des îles Canaries, le Parti Populaire (PP, conservateur) n’a pas les 176 voix de la majorité absolue.
L’accord PP-Ciudadanos, conclu dimanche 28 août après une semaine de négociations, a néanmoins été salué comme un pas en avant. Il sert surtout aux conservateurs à faire monter la pression sur Pedro Sanchez, le leader des socialistes. « Veut-il que l’on tienne de nouvelles élections ?, lui a lancé M. Rajoy. Nous, nous avons rempli notre part du contrat. »
Albert Rivera, tête de file des libéraux, a souligné pour sa part que le compromis – 150 mesures destinées à « améliorer l’Espagne » – ressemble point pour point à celui qu’il avait conclu avec le PSOE lorsque M. Sanchez avait tenté l’investiture en mars.
« L’Espagne doit changer »
Le pacte contient des propositions économiques destinées à soulager les inégalités provoquées par la crise et le chômage (aides aux bas salaires, plan contre la pauvreté des enfants), ainsi qu’une augmentation des budgets de la santé et de l’éducation, durement touchés par les mesures d’austérité.
L’accord a également conduit à la signature d’un pacte anti-corruption. Ainsi, les élus et les membres du gouvernement soupçonnés d’être impliqués dans des affaires devront démissionner, et une commission d’enquête se penchera sur le financement illégal présumé du PP.
Ciudadanos, qui se présente comme un parti de compromis, a parlé d’une victoire du « nouveau centre » sur la « vieille gauche et la vieille droite ». L’Espagne, plongée « depuis presque un an dans une impasse institutionnelle, sans lois et sans réformes, a insisté M. Rivera, doit changer ». Mais pour Pedro Sanchez, le pacte avec Ciudadanos, jugé trop « conservateur » ne servirait qu’à « prolonger » le gouvernement du PP, marqué par la corruption et les scandales. Les 85 députés socialistes voteront donc non à l’investiture de M. Rajoy.
Alternatives pour sortir du blocage
Le premier ministre a prévu de rencontrer lundi M. Sanchez, pour tenter de le faire changer d’avis. La réunion ne devait servir qu’à illustrer les profonds désaccords qui séparent les deux hommes. Au-delà de leurs différends idéologiques, le courant ne passe pas. Depuis les élections du 20 décembre 2015, les deux adversaires politiques se sont réunis quatre fois pour essayer de sortir l’Espagne de l’impasse, sans résultat.
Alors, quelles alternatives pour sortir du blocage ? Le PSOE pourrait soutenir un candidat du PP qui ne serait pas M. Rajoy, voire un candidat indépendant, a avancé le chef des socialistes catalans, Miquel Iceta, au quotidien El Pais, le 16 août. Proposition inacceptable pour les conservateurs. Les socialistes pourraient-ils essayer de former une coalition avec le parti anti-austérité Podemos, comme le leur a proposé son leader, Pablo Iglesias, le 18 août ? Non, a répondu M. Sanchez.
Dans ces conditions, la perspective de nouvelles élections devient de plus en plus précise. Après l’échec probable du premier vote d’investiture, Mariano Rajoy disposera de quarante-huit heures pour se soumettre à un second vote de confiance, en principe le 2 septembre. Il n’aura alors besoin que d’une majorité simple, qui semble aussi peu probable : il lui faudrait l’abstention de onze députés socialistes. Le premier ministre a laissé entrevoir qu’il pourrait à nouveau se porter candidat avant les élections en Galice et au Pays basque (25 septembre).
Si dans les deux mois qui suivront le premier vote (à la fin octobre) les quatre partis n’ont pas réussi à sortir de l’impasse, les Espagnols devront retourner aux urnes le jour de Noël. Mais les socialistes préparent une proposition de loi, soutenue par Ciudadanos et Podemos, qui prévoit un raccourcissement de la campagne électorale afin que le scrutin ait lieu le 18 décembre. Elle serait une des rares mesures à pouvoir obtenir une majorité actuellement en Espagne.